Il y a toujours des joueurs qui soulèvent plus de passion que les autres. Surtout à Montréal. Surtout avec le Canadien. Pour certains, il n’y a aucune zone grise. Vous les aimez ou vous les détestez. Ces dernières années, c’était entre autres comme ça avec Guillaume Latendresse ou les frères Kostitsyn. Ils sont toujours bons ou ils sont toujours mauvais… ce n‘est jamais entre les deux!

Depuis le retour au jeu après le lock-out, il y a trois noms magiques à Montréal qui génèrent des opinions enflammées où le discours dérape trop souvent. Parler d’une excellente performance ou d’une mauvaise partie amène un tsunami de commentaires irrationnels. Il n’y a pas si longtemps, l’amateur frustré se défoulait avec ses collègues au travail ou ses amis. Fâché noir, il pouvait même prendre le téléphone et appeler Ron pour se vider le cœur. Aujourd’hui, avec Twitter et Facebook, c’est beaucoup plus facile et j’ai presque le sentiment qu’aujourd’hui, pour être un « vrai » partisan qui connaît son hockey, il faut obligatoirement détester au moins un joueur.

À Montréal, il y a trois joueurs que vous aimez détester ou que vous adorez aveuglément. Vous le savez, c’est Carey Price, P.K. Subban et David Desharnais. Ceux qui les aiment sont plus discrets. La plupart du temps, ils répliquent aux détracteurs qui se nourrissent de la moindre petite faille pour lancer à boulets rouges sur toutes les tribunes. Ce sont les spécialistes du « oui, mais » car rien n’est jamais parfait.

Ce n’est pas nouveau. La différence c’est qu’aujourd’hui, c’est plus facile à constater avec les réseaux sociaux. Le gars regarde la partie dans son sous-sol en mangeant des crottes au fromage en camisole, il écrit une vacherie et appuie sur la touche « enter » et bang, c‘est parti. Ses amis commentent. Ça fait boule de neige. C‘est ça le but.

Desharnais le mal aimé

Avec son excellent début de saison, Price a la paix ces temps-ci. Subban a gagné le Norris et il mène les défenseurs de la LNH avec huit points, pour les « haters » c’est plutôt difficile de se gâter à ses dépens.

Reste David Desharnais. Depuis qu’il a signé un contrat de quatre ans qui lui procure quatorze millions de dollars, il n’a tout simplement plus droit à aucune marge de manœuvre. Ça me renverse de constater à quel point plusieurs partisans le détestent. Lundi à l’entraînement du Canadien, la grosse nouvelle c’était de voir Daniel Brière être muté sur le quatrième trio. De tous les commentaires suscités par la suite, environ neuf sur dix ne parlaient pas de Brière mais visaient plutôt Desharnais. « Il devrait être dans les gradins, Michel Therrien lui donne trop de chance, les journalistes le protègent… » C’était les mêmes chose que l‘on entendait l’an passé après chaque partie ou presque.

Je vous parle de ça parce que mardi soir à Winnipeg, Desharnais a joué une très bonne partie. En première, il a préparé un superbe jeu qui a mené à une chance inouïe pour Bourque qui a raté un but abandonné. Peu de temps après, il a effectué un bon repli défensif pour ensuite préparer le but de Subban quelques secondes plus tard. En deuxième, il a mis la table une autre fois pour Subban qui a bien failli compter. Avec un peu de chance, il aurait terminé la partie avec trois passes bien méritées. Et en troisième, comme le reste de l’équipe, il a été plus effacé. « David a joué son meilleur match de la saison », nous a dit Michel Therrien après la partie.

« Oui mais c’est juste les Jets », a-t-on lu à gauche et à droite. « Oui mais moi je l’ai pas trouvé bon en défensive ». « Oui mais il était temps »… et ça se sont les commentaires polis! J‘en ai parlé à mes collègues Jean-François Chaumont et Marc-Antoine Godin mardi soir et eux aussi ont été envahis de commentaires méprisants envers Desharnais après avoir écrit sur Brière. Eux aussi, ils ont vu défiler un paquet de tweets qui les rendaient perplexes pendant la partie à Winnipeg.

J’en viens donc à la conclusion que ça prend obligatoirement un bouc-émissaire à Montréal. « C’est comme ça dans les sports professionnels. On a un devoir et tout le monde a droit à son opinion. Faut juste être assez fort mentalement et savoir qu’il ne faut pas paniquer, a répondu Desharnais après le match quand on lui a demandé si ça commençait à l’irriter. Je ne suis pas sur Twitter et Facebook. Ça ne se rend pas jusqu’à moi », nous a-t-il expliqué en riant. Méchante bonne idée car c‘est presque rendu de l‘acharnement…