Les partisans du Canadien de Montréal ont longtemps martelé leur désir ardent de miser sur un joueur de centre de premier plan, digne de l’élite de la LNH. C’était un besoin criant depuis trop d’années. En sélectionnant Alex Galchenyuk au troisième rang du repêchage de 2012, le Tricolore espérait avoir vu juste et combler cette lacune pour les saisons à venir. Tous les espoirs étaient désormais placés sur Galchenyuk.

On connait tous la suite, Galchenyuk a percé la formation du Canadien à l’âge de 18 ans, avant de devenir un rouage essentiel du club. Seul hic, le jeune prodige évoluait à l’aile, le temps de s’adapter au circuit Bettman.

Au terme de sa quatrième saison, alors que le Canadien traversait une période de grande noirceur, Galchenyuk s’est finalement imposé au poste de centre. Les résultats sont époustouflants pour le moment, celui-ci étant le meilleur buteur et marqueur de l’équipe avec une récolte de 7 buts et 19 points en 19 rencontres cette année. Même les plus sceptiques, convaincus que l’Américain était davantage un ailier naturel qu’un centre, semblent confondus.

Il est vrai que Galchenyuk adore avoir la possession du disque et qu’il a amplement les habiletés nécessaires pour étourdir les défenses adverses. Le meilleur exemple à cet effet est que Galchenyuk s’avère être le joueur du CH réussissant le plus grand nombre de feintes, tout en affichant le meilleur taux de réussite à ce chapitre. C’est peut-être bien le talent brut de ce surdoué pour manier la rondelle qui fut à l’origine de ce scepticisme sur son potentiel comme joueur de centre.

De même, Galchenyuk est souvent en possession du disque, alors qu’il est le deuxième joueur du Canadien ayant le plus fréquemment le contrôle en zone adverse, soit pour 35 secondes pour chaque tranche de 20 minutes jouées à égalité numérique. Cette donnée peut s’avérer trompeuse, car il serait facile de croire que Galchenyuk est souvent en possession du disque, refusant d’alimenter ses compagnons de trio, préférant déculotter à lui seul la défensive adverse. Or, la réalité est toute autre.

La saison passée, quatre des dix joueurs ayant eu le plus souvent le contrôle de la rondelle en zone offensive percèrent également le top-10 de la LNH pour les passes récoltées, soit Joe Thornton, Patrick Kane, Anze Kopitar et Evgeny Kuznetsov. Cette tendance dévoile que même si un joueur conserve longtemps la possession du disque, cela ne fait pas nécessairement de lui un mauvais fabricant de jeux. Ce pourrait même être l’inverse, ceux-ci conservant la rondelle pour donner le temps à leurs coéquipiers de se démarquer.

En ce qui concerne Galchenyuk, les statistiques parlent d’elles-mêmes, alors qu’il se classe présentement au deuxième rang chez le Canadien pour les passes récoltées (12), ex aequo avec Alexander Radulov et devancé par Andrei Markov.

Le secret de Galchenyuk est bien simple : il excelle au moment de repérer ses coéquipiers dans l’enclave, ce qui mène ultimement à des occasions de marquer, comme 76 % des buts sont aujourd’hui inscrits depuis cet emplacement. En effet, Galchenyuk est l’attaquant du Canadien complétant avec le plus de régularité ses passes en direction de l’enclave, alors que seul Alexander Radulov y repère plus souvent un coéquipier. Comme quoi ce n’est pas le fruit du hasard qu’Alexander Radulov ait récolté le même nombre de passes que Galchenyuk depuis le début de la campagne, tout en ayant joué deux parties en moins. Cela démontre toute l’importance d’être en mesure d’alimenter ses coéquipiers dans la zone payante, domaine dans lequel se distinguent véritablement les meilleurs passeurs du circuit.

Attention, la vision du jeu du numéro 27 ne se limite pas à repérer ses partenaires dans l’enclave, alors qu’il est le joueur du Canadien complétant le plus de passes en zone offensive, soit 10,5 pour chaque tranche de 20 minutes jouées à forces égales. Galchenyuk est vraiment dans une classe à part, alors que son plus proche poursuivant est encore une fois Radulov, avec 9 passes dans le même intervalle, ce qui constitue un écart faramineux. Galchenyuk est également le joueur affichant le meilleur taux de réussite chez le CH au moment de compléter ses passes en zone offensive, de quoi donner bien des maux de tête aux équipes adverses.

Ainsi, les critiques voulant que Galchenyuk ne soit pas un joueur de centre naturel, car il préfère garder la rondelle que rejoindre ses coéquipiers, ou comme quoi il n’a pas une bonne vision du jeu, ne tiennent tout simplement pas la route.

Ce qui caractérise aussi tout bon joueur de centre, c’est qu’il doit être responsable défensivement. À ce niveau, Galchenyuk ne se distingue pas de la masse au moment de bloquer des tirs, de couper les lignes de passe ou de récupérer des rondelles libres. Avec notamment Mitchell, Danault et Plekanec dans ses rangs, le Canadien compte déjà sur bon nombre de joueurs de centre fiables défensivement, il n’est donc pas nécessaire d’étouffer Galchenyuk. Ce dernier a pour principal rôle de noircir la feuille de pointage et de la façon dont il joue présentement, il est bien loin de nuire à l’équipe.

Le principal apport défensif de Galchenyuk est son temps de possession, car lorsqu’il a le contrôle de la rondelle, les équipes adverses ne peuvent pas marquer.

Lorsque Galchenyuk est sur la glace, la rondelle se trouve en territoire adverse pour 7 minutes et 59 secondes pour chaque tranche de 20 minutes de jeu à force égales, soit pour plus longtemps que pour n’importe quel autre joueur de la Sainte-Flanelle. De même, il est le troisième attaquant du Tricolore pour lequel la rondelle se trouve le moins souvent en zone défensive lorsqu’il est sur la patinoire en ces circonstances, soit pour 7 minutes et 32 secondes.

Tableau Alex GalchenyukC’est la preuve irréfutable comme quoi lorsque Galchenyuk foule la glace, le Canadien n’a pas habituellement à se défendre, étant lui-même l’agresseur. Il est parfois dit que l’attaque est la meilleure défense, ceci semble correspondre à l’état d’esprit de Galchenyuk, ce qui rapporte, comme son différentiel de plus-12 peut en témoigner.

En Alex Galchenyuk, il semble bien que le Canadien ait finalement mis la main sur le centre qu’il a si longtemps convoité. L’Américain semble condamné à l’excellence, ouvrant la porte à ce que l’organisation retrouve ses lettres de noblesse.