Martin St-Louis a gagné bien plus que son premier match à la barre du Canadien jeudi.

En lui offrant cette victoire de 3-2, arrachée en prolongation, ses joueurs lui ont surtout prouvé qu’il pouvait compter sur eux. Qu’il pouvait surtout compter sur leur respect.

Et ça, c’est énorme. Non! C’est essentiel. C’est capital pour qu’un coach puisse survivre derrière le banc de son équipe.

Le Canadien demeure un club de hockey bien ordinaire. Un club qui affiche un manque à gagner important en matière de vitesse, de talent, de leadership. Un club diminué par les blessures qui le privent de plusieurs de ses éléments.

Mais ce club que j’épiais jeudi soir pour la première fois depuis que St-Louis a remplacé Dominique Ducharme derrière le banc – en passant j’étais en vacances la semaine dernière – est transformé. Il n’est pas meilleur qu’il l’était. Il affiche toujours un manque à gagner important en matière de vitesse, de talent, de leadership. Il est toujours diminué par les blessures qui le privent de plusieurs de ses éléments. Il a même perdu un de ses meilleurs éléments à l’attaque avec la transaction qui a envoyé Tyler Toffoli à Calgary.

Ce club qui se laissait battre en s’écrasant dès le moindre signe d’opposition de la part de ses adversaires s’est tenu debout jeudi face aux Blues de Saint-Louis, l’une des bonnes équipes de la LNH.

Il aurait pu s’écraser comme avant.

Il aurait pu le faire en fin de première période lorsque Robert Thomas a nivelé les chances en marquant avec 94 secondes à faire alors que le Canadien profitait pourtant d’une attaque massive.

Il aurait pu le faire encore en troisième période lorsque Pavel Buchnevich a marqué un but qui a fait très mal en lançant St.Louis en avant 2-1 avec 79 secondes à écouler à une troisième période au cours de laquelle les Blues – ils ont obtenu 14 tirs – ressemblaient davantage aux Blues que l’équipe qui s’est fait emboîter par le Tricolore au cours des deux premiers tiers. Deux périodes au cours desquelles ils n’ont obtenu que 13 tirs au total.

Mais contrairement à ce qu’il a fait souvent, très souvent, trop souvent cette année, ce club s’est tenu debout.

L’intensité de Gallagher, les buts de Caufield

Après un temps d’arrêt opportun et important réclamé par Martin St-Louis après ce but qui aurait facilement pu se traduire par une 41e défaite cette saison, par un 34e revers en temps réglementaire en 49 parties, le Canadien est revenu à la charge.

Cole Caufield a marqué un but de toute beauté pour niveler les chances avec 10 secondes à faire, un autre plus beau encore après 2:22 de jeu en prolongation pour donner un premier gain au Tricolore après huit prolongations infructueuses : sept qui se sont soldées par des défaites. Une qui n’avait pas fait de maître avant que Cayden Primeau – trois arrêts – et Jonathan Drouin – seul but marqué – ne combinent leurs efforts pour donner au Tricolore un gain en tirs de barrage. Pour ceux et celles qui l’auraient oublié – il faut dire que ça remonte au 16 décembre, ce gain de 3-2 avait été acquis aux dépens des Flyers de Philadelphie.

Les deux buts de Caufield retiennent toute l’attention. C’est normal.

Mais plus encore que ces deux buts, la combativité affichée par Brendan Gallagher quelques secondes avant le but égalisateur m’a démontré que cette équipe était transformée. Qu’elle voulait au moins se donner une chance de gagner. Une chance d’éviter d’être ridiculisée comme elle l’a été souvent, très souvent, trop souvent cette année.

Vous avez remarqué la combativité de Gallagher?

Cette combativité lui a permis d’éviter que les Blues ne marquent dans une cage déserte. Elle l’a ensuite poussé à éviter une collision avec le filet qui aurait eu pour effet de le sortir de ses amarres avec comme conséquence une mise en jeu en territoire défensif.

Gallagher n’a pas obtenu de passe sur le but égalisateur de Caufield. Un but habilement préparé par Chris Wideman et Mike Hoffman qui s’est racheté sur ce jeu après de nombreuses gaffes multipliées au fil des 59 premières minutes de jeu. Mais sans son jeu défensif et sa présence d’esprit pour éviter la collision le CH n’aurait peut-être pas eu l’occasion de niveler les chances.

Vous me direz, avec raison, que Gallagher a toujours été un joueur combatif, peu importe l’identité du coach qui faisait les cent pas derrière le banc des joueurs. Mais ce jeu n’a fait que confirmer tout ce que Canadien a fait de mieux pour battre les Blues jeudi. Tout ce que le Canadien fait de mieux depuis que Martin St-Louis est débarqué dans le vestiaire.

Bien jouer avant de penser à gagner

St-Louis vient de l’école des Guy Boucher et John Tortorella. Il vient de l’école de coachs qui sont bien plus préoccupés par la manière de jouer de leurs clubs que par les victoires et les défaites. Des coachs qui savent que quand tu joues bien, meilleures sont tes chances que les Dieux du hockey soient cléments à ton endroit.

C’est ce qui est arrivé jeudi.

Les Blues forment une meilleure équipe que le Canadien. Une bien meilleure équipe. « Une équipe qu’on aurait dû battre », comme l’a d’ailleurs indiqué le capitaine Ryan O’Reilly après la défaite.

Mais jeudi, au Centre Bell, la meilleure équipe a moins bien joué que la moins bonne. La meilleure équipe a affiché moins de conviction que la moins bonne. La meilleure équipe s’est dit que la logique serait respectée alors que la moins bonne a pris les moyens pour renverser cette logique.

Avec les résultats qu’on connaît.

« Ils ont mieux joué que nous. Ils ont été plus impliqués, plus déterminés. On n’a pas été en mesure d’égaler leur niveau d’intensité et n’avons pas égalé leur niveau d’exécution », que l’entraîneur-chef Craig Berube a convenu.

J’ai aimé la réponse de Martin St-Louis lorsqu’il a candidement admis que cette victoire lui faisait plaisir, bien sûr, mais qu’elle faisait sans doute bien plus plaisir à son père qui commençait à s’en faire après trois revers de suite alors que lui ne s’en faisait pas trop.

J’ai adoré sa réponse lorsqu’il a insisté sur le fait qu’il était déjà satisfait des performances de ses joueurs et des efforts qu’ils avaient déployés lors des trois premiers matchs malgré des revers.

« On jouait bien » que St-Louis a simplement indiqué.

Et c’est vrai. Quand on écarte le score final des trois premiers matchs, on remarque que le Canadien a été dans le coup contre les Capitals, les Blue Jackets et les Sabres. Qu’il a joué de la bonne façon. Qu’il a joué tout court j’ajouterais, car il ne le faisait plus depuis un bon moment sous les ordres de Ducharme.

Pousser l’adversaire à la faute

Un autre exemple pour appuyer ce dernier point.

Le Canadien a obtenu cinq avantages numériques jeudi. Vrai qu’il n’a pas su en profiter. Vrai qu’il s’est même permis d’accorder un but alors qu’il jouait à cinq contre quatre.

Mais pour pousser l’adversaire à écoper cinq pénalités à tes dépens, il faut que tu patines. Il faut que tu sois actif. Il faut que tu sois impliqué. L’entraîneur-chef des Blues a eu beau invectiver Justin St-Pierre et Brandon Schrader lorsque les pénalités mineures étaient 5-1 contre son équipe, mais ce n’était pas la faute des arbitres. C’était la faute de ses joueurs qui n’affichaient pas la même intensité que leurs adversaires du Canadien.

D’ailleurs, quand les Blues se sont mis à jouer pour vrai en troisième, ils ont poussé Jeff Petry et Alexander Romanov à la faute. Les mauvaises langues prétendront que St-Pierre et Schrader avaient décidé de niveler les chances un brin ou deux, mais la vérité est plus simple. Petry et Romanov ont péché parce que les Blues les ont poussés à le faire. Comme le Canadien avait poussé les Blues à la faire plus tôt dans le match.

L’échantillon est mince. J’en conviens. Mais après quatre matchs dirigés par Martin St-Louis, le Canadien a obtenu cinq attaques massives au cours d’une même partie à deux reprises. C’était arrivé quatre fois seulement – dont un match de six avantages numériques – dans les 45 parties dirigées par Ducharme cette saison.

Le Canadien que j’ai vu jouer contre les Blues jeudi n’avait rien à voir avec le club que j’ai vu perdre à répétition cette saison.

Vrai que c’est souvent ce qui arrive quand un nouveau coach vient en relève à un autre que les joueurs avaient visiblement abandonné. On l’a vu à Chicago et à Vancouver et on le voit à Edmonton où les Hawks, les Canucks et les Oilers se sont mis à jouer du hockey inspiré après que Jeremy Colliton, Travis Green et Dave Tippett eurent été remplacés par Derek King, Bruce Boudreau et Jay Woodcroft.

Le plus difficile reste à faire pour Martin St-Louis. Le nouveau coach devra s’assurer de maintenir le même niveau d’implication une fois la dose d’adrénaline associée au changement de coach épuisée. Surtout que d’autres vétérans seront échangés d’ici le 21 mars afin de bâtir un avenir meilleur.

Mais avec le respect que lui témoignent ses joueurs, le nouveau coach pourra éviter les écueils d’ici la fin de la saison et préparer une prochaine qui devrait être meilleure... ou moins mauvaise.

Retour sur le congédiement de Ducharme

Le respect que les joueurs du Canadien affichent à l’endroit de St-Louis, Ducharme ne l’avait plus. Depuis longtemps.

Pourquoi?

Peut-être qu’un jour, un ou des joueurs, expliqueront ce qui les a poussés à lever le pied pour obtenir la tête de leur coach. Mais dans leur manière de jouer, ou de refuser de le faire, les joueurs du Canadien attendaient ce congédiement depuis longtemps. Ça sautait aux yeux.

En s’écrasant comme ils l’ont fait face aux Devils du New Jersey à leur retour d’un congé au cours duquel ils devaient avoir repris des forces et de la confiance, les joueurs se sont assurés que la direction passe aux actes.

J’étais convaincu que Ducharme devait partir. Pas parce qu’il a une mauvaise tête de hockey. Mais parce qu’il ne pouvait plus rien tirer de son équipe. Une équipe qui a passé la saison à souligner à quel point elle avait de la difficulté à appliquer un système qui visiblement ne faisait pas son affaire.

Quand les joueurs passent plus de temps à consulter des iPad pour voir ce qu’ils ont fait ou auraient dû faire sur la patinoire qu’à assimiler les directives du coach, c’est un signe de plus que le message ne passe pas. Ou que les joueurs ne veulent simplement pas le comprendre.

La direction aurait peut-être préféré attendre la fin de la saison avant de le limoger. Mais il n’y avait rien de rien à gagner à le garder derrière le banc. Au contraire. Le risque qu’une saison déjà moribonde le devienne plus encore a forcé la main à Kent Hughes.

Je ne m’attends pas à ce que le changement de coach se traduise par de multiples victoires. Mais si la transformation dans la manière de jouer remarquée au fil des quatre premiers matchs de St-Louis se confirme, le Canadien sortira gagnant de ce changement qui était devenu nécessaire.