MONTRÉAL - Aux yeux de ses coéquipiers, de ses rivaux et de ceux qui ont suivi l'ensemble de sa carrière, Henri Richard est une légende du hockey. Sa personnalité et les circonstances ont toutefois fait qu'il est souvent demeuré à l'écart des projecteurs.

Une première biographie autorisée relate les faits marquants de sa carrière sur la patinoire, mais elle permet surtout de faire la lumière sur un homme de nature réservée, voire timide, qui pouvait être prompt mais qui était aussi foncièrement bon et généreux.

Les exploits de l'ancien capitaine du Canadien de Montréal, ses gestes envers la communauté, sa vie familiale mais aussi quelques célèbres sautes d'humeur parsèment généreusement un bouquin de quelque 250 pages intitulé « Henri Richard, La légende aux 11 Coupes Stanley ».

Paru en librairie le 7 octobre, ce livre s'invite dans la vie d'un homme qui n'a jamais prôné l'autopromotion. Au point où les coups d'éclat de Richard faisaient rarement l'objet de discussions autour de la table, y apprend-on.

Refus initial

L'ex-numéro 16 du Tricolore et son épouse, Lise, ont refusé d'autres demandes en ce sens dans le passé avant que Mme Richard n'accepte, finalement, le projet mis de l'avant par l'auteur et journaliste Léandre Normand il y a environ un an.

« Je pense qu'ils voyaient ça comme quelque chose d'un peu banal », avance Denis Richard, le troisième des cinq enfants de la famille, en parlant des refus antérieurs de ses parents.

Mme Richard avait d'abord dit non au projet de Léandre Normand, confie-t-il.

« Quelques jours plus tard, je l'ai rappelée et je lui ai dit qu'on avait deux choix : soit que l'on refuse et que quelqu'un fasse une biographie non autorisée quand même, soit que l'on accepte et que l'on s'implique. Ça l'a fait réfléchir et après une rencontre avec les représentants des Éditions de l'Homme, ça l'a comme rassurée et elle a dit oui », relate Richard.

La collaboration entre Richard et Normand a mené à la production d'un livre de 16 chapitres, un hasard assure Normand.

« Quand nous avons réalisé que l'on avait 16 chapitres, nous avons décidé de ne pas en ajouter », dit-il.

Chacun des chapitres s'attarde à un pan de la vie de Richard, autant familiale que professionnelle. Ils comptent une section intitulée « Dans mes mots » dans laquelle Denis Richard offre sa perspective de ces moments.

Dans l'ombre

Ardent partisan du Tricolore lorsque le « Pocket Rocket » a entamé sa carrière en 1955, et auteur de six autres livres sur l'histoire du Canadien, Normand rappelle que Richard a toujours évolué dans l'ombre de son frère Maurice, de Jean Béliveau et de Guy Lafleur.

« Il est le joueur qui a gagné le plus de coupes Stanley et de qui on a parlé le moins. Il était excessivement apprécié de la population, mais toujours en arrière des autres. »

Au-delà de sa carrière sportive, Normand voulait que le livre fasse ressortir ses traits de personnalité au moins tout autant.

« L'une de ses qualités, c'est son amour des enfants. Cet homme-là n'a jamais refusé un autographe à un enfant, peu importe la fatigue, peu importe qu'il soit malade, peu importe du monde qui l'attendait », note Normand.

« J'ai appris qu'il était un homme entier. Il n'avait pas de filtre, ni comme joueur, ni comme individu », ajoute-t-il.

Homme réservé mais fier

Réjean Houle peut témoigner de tout cela, lui qui l'a côtoyé sur la patinoire mais aussi à l'extérieur, quand Richard tenait le rôle d'ambassadeur du Canadien.

« Il avait son tempérament des Richard qui ressortait à l'occasion, mais ce n'est pas négatif. C'était sa nature. Il ne fallait pas lui marcher sur les pieds. Comme ambassadeur, il était généreux de son temps, il prenait le temps qu'il faut pour signer des autographes, prendre des photos. Il ne voulait pas faire des discours, ce n'était pas son style. Il ne cherchait pas les feux de la rampe », corrobore Houle, pour qui Richard a été un guerrier sur la patinoire.

Le livre inclut aussi une préface signée par Ronald Corey, l'ancien président du Canadien de Montréal, et un ami fidèle de Richard jusqu'à son décès, le 6 mars dernier, de la maladie d'Alzheimer.

« Pour moi, c'était essentiel que M. Corey rédige la préface. Il était mon premier choix », confie Richard.

« M. Corey est passé plusieurs fois au Centre Riviera pour voir mon père. Chaque fois, je sentais une espèce de sincérité de sa part. Il lui racontait des histoires d'époque et mon père souriait. Il écoutait Ronald et j'avais retenu ça. »

Dans sa préface, M. Corey note que cette biographie va permettre de mieux connaître l'importance de Henri Richard dans l'histoire du Canadien.

« Il a été une grande vedette inconnue. Tout le monde l'adorait en silence. C'est un peu à l'image de ce qu'il était. Je pense que c'est important d'avoir une biographie de Henri qui le fait connaître sous un autre angle, ainsi que sa riche carrière. »

Terrible maladie

Le livre ne néglige d'ailleurs pas la cruelle maladie qui a frappé Richard et, par ricochet, toute sa famille. Le 16e et dernier chapitre y est totalement consacré et nous fait ressentir tout l'amour que lui portaient Lise, que Henri avait rencontrée pour la première fois alors qu'il n'avait que six ans, et les enfants du couple.

« Je voulais sensibiliser les gens à cette maladie qui n'est pas facile pour les proches, et qui ne l'a surtout pas été pour ma mère », explique Denis.

Pour ce dernier, le livre est un témoignage de la réussite d'un homme aux origines modestes, doté de talent, certes, mais aussi d'une grande volonté. Cette réussite, il a aussi voulu la partager avec la plus jeune génération de la famille.

« J'ai quatre petits-enfants et j'aimerais qu'ils voient leur arrière-grand-père d'une autre façon que l'homme malade, que l'homme diminué qui était au Centre Riviera. »