MONTRÉAL – Dès que la fenêtre donnant accès au marché des joueurs autonomes s’est ouverte, l’été dernier, le Canadien a été la première équipe à bouger en faisant l’acquisition de Manny Malhotra.

L’ajout n’avait rien de spectaculaire, mais il venait combler un besoin précisément ciblé par la direction du club. On cherchait un joueur de centre capable de naviguer en territoire défensif et dont la présence rassurante permettrait de mieux distribuer les rôles en désavantage numérique. On connaissait aussi sa réputation impeccable dans les cercles de mises en jeu.

La saison est encore très jeune, mais discrètement, Malhotra s’acquitte à la perfection des tâches qui lui ont été confiées.

Immuable pivot du quatrième trio depuis le début de la campagne, l’athlète de 34 ans domine tous les joueurs de centre de la Ligue nationale avec un taux de succès de 66,3 % sur les mises en jeu. En six matchs avec sa nouvelle équipe, une seule fois a-t-il terminé sa soirée de travail avec un pourcentage de réussite inférieur à 60 %.

De plus, près du quart des douze minutes qu’il passe en moyenne sur la patinoire est consacré aux unités spéciales. Malhotra a été sur la glace pour deux des cinq buts concédés par le Canadien en désavantage numérique depuis le début de la campagne. 

« C’est la raison pour laquelle on voulait faire son acquisition cet été, affirme l’entraîneur Michel Therrien. On comprend tous l’importance des mises en jeu, mais son apport ne se limite pas à ça. On peut l’utiliser à court d’un homme ou pour protéger une avance en fin de partie. Il a été une excellente addition pour notre équipe. »

Malhotra n’a pas toujours porté les chapeaux qui en font aujourd’hui un vétéran respecté et recherché dans la LNH. Après tout, les Rangers de New York lui prédisaient probablement un avenir différent lorsqu’ils l’ont sélectionné avec le septième choix au repêchage de 1998.

À sa quatrième saison avec les Rangers, en 2001-2002, Malhotra a été échangé à Dallas. C’est avec les Stars qu’il a ressenti pour la première fois l’influence de Guy Carbonneau. Sans trop le savoir, l’ancien capitaine du Canadien et triple récipiendaire du trophée Selke est devenu le premier mentor du jeune homme de Mississauga.

« Quand je suis arrivé là-bas, il était l’assistant au directeur général et je me souviens que tous les joueurs de centre de l’équipe retiraient une certaine fierté de leurs résultats lors des mises en jeu. C’est à partir de là que mon intérêt pour ce genre de mission a commencé à croître », racontait Malhotra lundi après un entraînement tenu au Centre Bell.

Malhotra n’était pas un très bon joueur de centre à l’époque. À sa première saison avec les Stars, il a remporté moins de la moitié (44,5 %) de ses mises en jeu. Même chose l’année suivante, où son taux d’efficacité a connu une modeste hausse, à 47 %.

Mais la bonne volonté de Malhotra a commencé à rapporter à mesure qu’il gagnait en maturité. À l’âge de 23 ans, il est passé aux Blue Jackets de Columbus, avec qui il a commencé à réussir plus souvent qu’il échouait. Sa moyenne est passée à 53,9 % en 2003-2004, puis à 56,3 % l’année suivante.

L'ABC de la mise-en-jeu

À l’automne 2006, les Blue Jackets ont congédié Gerard Gallant et l’ont remplacé par Ken Hitchcock, qui allait réellement façonner le talent de Malhotra. Ce dernier a commencé à gagner près de 60 % de ses mises en jeu et à mériter peu à peu la confiance de son nouvel entraîneur, qui a été le premier à l’utiliser comme une référence dans son domaine.

En trois saisons sous les ordres de Hitchcock, Malhotra a pris 621, 683 et 801 mises en jeu. Il n’y a qu’en 2010-11, sa première année avec les Canucks de Vancouver, qu’il a été aussi souvent utilisé (778 fois) dans sa spécialité.

Et encore une fois, sans faire quoi que ce soit, c’est Guy Carbonneau qui a aidé Manny Malhotra à perfectionner son art.

« Ken Hitchcock me parlait toujours de Guy, du rôle qu’il lui confiait à l’époque où il le dirigeait à Dallas et de ses tendances. J’avais 24 ou 25 ans à l’époque et je pensais constamment à Carbo. Je crois que ça a été le point tournant de ma carrière. Il a eu une grande influence sur moi », confie Malhotra.

Au cours des cinq dernières années, que ce soit à San Jose, Vancouver ou en Caroline, Malhotra n’a jamais affiché une moyenne de réussite inférieure à 58,5% lorsqu’un juge de ligne dépose une rondelle à ses pieds.

« J’ai réellement commencé à comprendre l’importance des mises en jeu en vieillissant, mais il y a aussi le fait que j’ai eu la chance d’être confronté à d’excellents joueurs de centre depuis le début de ma carrière. Ça m’a aidé à construire mon répertoire, à me servir de mes forces et à apprendre à cacher mes faiblesses. Peu à peu, c’est devenu mon identité en tant que joueur de hockey », constate celui pour qui la répétition du mouvement et la discipline à l’entraînement représentent les clés du succès.

Un succès collectif

En général, le Canadien s’en tire plutôt bien dans les cercles des mises en jeu depuis le début de la saison. Collectivement, ses joueurs de centre ont gain de cause dans 54,5 % de leurs face-à-face. Seulement deux équipes, les Hurricanes de la Caroline et les Blue Jackets de Columbus, peuvent se vanter de faire mieux.

L’échantillonnage est petit pour initier le jeu des comparaisons, mais une amélioration est pour l’instant observable dans l’efficacité de David Desharnais et Lars Eller. Le premier gagne ses mises en jeu dans une proportion de 56,4 % cette année comparativement à 50,8% l’an dernier. L’autre a amélioré son rendement de 1,9 %, de 53,2 % à 55,1 %.

Seul Tomas Plekanec, l’autre centre régulier du club, tarde à s’imposer à ce chapitre. Son taux d’efficacité de 46,1 % est non seulement le pire de l’équipe, mais il est inférieur à celui de 48 % qu’il a affiché la saison dernière.

« Tout le monde semble avoir compris l’importance des cinq joueurs impliqués dans cette facette du jeu. Nos ailiers sautent constamment sur les rondelles contestées et nous permettent souvent de débuter une séquence avec la possession du disque. Le crédit leur revient, ainsi qu’à nos défenseurs, qui sont très alertes et agressifs sur les mises en jeu », a remarqué Malhotra, loin de vouloir s’approprier une partie du mérite relatif à ces résultats.

« Si je remarque un petit détail dans les entraînements, je vais le mentionner. Il arrive que les gars viennent me voir pour un conseil et si je peux aider, ça va me faire plaisir de dévoiler quelques-uns de mes secrets... mais pas tous! »