Le Canadien « All The Way! »
Canadiens lundi, 10 avr. 2017. 14:20 dimanche, 15 déc. 2024. 03:32Dans sa grande sagesse et sa plus grande encore clairvoyance associée à ses années comme policier enquêteur d’abord et entraîneur-chef ensuite, le regretté Pat Burns avait l’habitude de dire que les partisans du Canadien dévaluaient leur club favori à l’aube de la saison régulière, pour ensuite le surévaluer grandement à l’aube des séries éliminatoires.
Champion de sa division, le Canadien a su faire contrepoids aux critiques et doutes multipliés par ses partisans en cours de saison. Il a surtout su composer, voire louvoyer entre les embûches, les passages à vide et le congédiement de Michel Therrien qui ont marqué sa saison sans toutefois l’anéantir.
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À ce chapitre, il faut souligner la décision prise par Marc Bergevin le 14 février dernier lorsqu’il a congédié Michel Therrien pour le remplacer par Claude Julien. L’éveil de Carey Price et de plusieurs joueurs au lendemain de ce changement d’entraîneur et les 16 victoires signées par le Tricolore sous la gouverne de Claude Julien ont confirmé la justesse de cette décision. Une décision qui représente le fait saillant de la saison du Canadien. Le point tournant en fait puisque sans ce changement, le Canadien aurait non seulement peiné à demeurer au premier rang de sa division, mais il aurait peut-être même raté les séries. Le pire a ainsi été évité. Et voici le Canadien en séries.
Mercredi soir, dans un Centre Bell qui vibrera au rythme des séries et que le Tout-Montréal sera balayé par la frénésie des séries, le Canadien recevra les Rangers de New York pour donner le coup d’envoi à un duel qui s’annonce épique.
Dimanche devant le comptoir de la boucherie où ça se bousculait gentiment pour mettre la main sur les premiers filets mignons à faire griller sur le barbecue, un client s’est permis un « All The Way » bien senti lorsque le boucher lui a demandé si le Canadien avait des chances de se rendre loin en séries.
C’est là que la grosse et sympathique bouille de Pat Burns et la mise en garde qu’il brandissait chaque printemps quand le Canadien et ses partisans se préparaient aux séries ont refait surface dans ma mémoire.
Plusieurs raisons d’être optimiste
Le client croisé dimanche et les centaines, milliers, voire dizaines de milliers de partisans qui, comme lui, doutaient hier encore et sont aujourd’hui débordants de confiance ont-ils raison d’être persuadés que leurs favoris iront « All The Way» ?
À 48 heures du duel qui opposera le Canadien aux Rangers, il est bien difficile de répondre que oui, ils ont raison. Il serait même périlleux de le faire avec autant d’entrain.
Cela dit, ils ont des tas de motifs d’être confiants.
Premièrement, le Canadien a fini la saison comme il l’avait commencée... ou à peu près. Vrai que les neuf victoires signées lors des 15 dernières rencontres (9-5-1) n’ont rien à voir avec les 13 célébrées (13-1-1) lors des 15 premières parties. Mais il ne faut pas perdre de vue que le Canadien, une fois sa place et série et sa première place assurée, s’est rendu coupable d’un brin ou deux de laisser aller qui était prévisible. Voire normal.
Malgré ce laisser-aller et le fait que le Canadien se soit contenté de 59 buts sous la gouverne de Claude Julien, il est troisième dans la LNH au cours de cette période avec seulement 50 buts accordés.
Est-il besoin de rappeler que marquer des buts c’est nécessaire, mais que ce sont les défensives qui gagnent les championnats?
Price est redevenu intimidant
Parlant de défensive, Carey Price est redevenu le Carey Price qui détient le titre de meilleur gardien de la LNH. Son retour en force qui a coïncidé avec le changement de coach redonne au Tricolore son plus gros facteur d’intimidation à l’aube des séries.
Surtout qu’avec ses neuf victoires (9-1-1) lors de ses dix derniers départs face aux Rangers, Price inspire beaucoup plus confiance que Henrik Lundqvist qui ne revendique qu’un gain (1-8-1) à ses dix dernières parties contre le Canadien.
En plus de s’appuyer sur des statistiques personnelles éloquentes et des statistiques aux dépens des Rangers qui sont plus éloquentes encore, Carey Price semble vraiment au sommet de sa forme : autant sur le plan physique que sur celui de la confiance. De très bonnes nouvelles pour le Tricolore et ses fans.
Devant Price, le Canadien et ses partisans peuvent compter sur Shea Weber qui a terminé l’année avec un différentiel de plus-20 en dépit des 25 :03 qu’il passe en moyenne sur la patinoire. Parmi les meilleurs arrières de la LNH au grand complet – il partage le deuxième rang de la Ligue avec ses 17 buts et est bon premier avec ses 12 buts en attaque massive – Weber jouera un rôle de premier plan pour stabiliser la défensive du Canadien et protéger son gardien face aux assauts prévisibles des attaquants des Rangers qui en plus d’être gros et physiques sont aussi rapides.
Weber ne sera pas seul. Andrei Markov, Jeff Petry et même Nathan Beaulieu qui a repris du poil de la bête en fin de campagne sauront aider leur leader à la ligne bleue. Mais je m’attends aussi à des performances solides de Jordie Benn dans la quête d’une meilleure protection de Carey Price. Jumelé à Alexei Emelin au sein d’un duo défensif et physique, Benn pourra redorer l’image du directeur général Marc Bergevin qui a eu la main heureuse en obtenant ses services dans les heures qui ont précédé la fin de la période des transactions.
Points d’interrogation en attaque
À 48 heures du premier match face aux Rangers, l’attaque du Canadien soulève encore des questions. Voire des doutes.
C’est normal.
Le fait de voir Phillip Danault au centre du premier trio mousse ces doutes. Quiconque n’a pas suivi le Canadien et surtout les performances du jeune québécois au centre de Max Pacioretty et Alexander Radulov pourrait tourner cette décision au ridicule. Les résultats multipliés en saison régulière donnent toutefois raison au Canadien et à son jeune centre sous-estimé.
On verra ce que ça donnera en séries.
Alex Galchenyuk représente lui aussi un gros point d’interrogation. Est-ce que le but qu’il a enfilé en prolongation pour permettre au Canadien de battre les Red Wings de Detroit dans le cadre du dernier match de la saison servira de tremplin vers des jours meilleurs en séries?
C’est la question à un million $.
Car si Galchenyuk retrouve sa touche et qu’il recommence à contribuer offensivement au sein d’un club qui s’est collectivement remis à produire depuis une dizaine de parties, les chances de victoire du Canadien seront bien meilleures qu’elles ne le sont actuellement.
Surtout qu’un éveil de Galchenyuk permettrait de relancer l’attaque massive qui représente le plus gros nuage noir flottant au-dessus du Tricolore depuis l’arrivée de Claude Julien.
Le Canadien affiche une efficacité de 14,3 % en supériorités numériques depuis le 18 février dernier.
Non seulement le Canadien s’est-il contenté de marquer huit buts seulement, mais seulement trois de ces buts sont venus des attaquants. Alex Galchenyuk a marqué deux fois en prolongation donc à quatre contre trois les 27 et 28 février dernier et Max Pacioretty a marqué l’autre le 25 février contre les Maple Leafs de Toronto.
Ça veut donc dire que le Canadien les attaquants du Canadien n’ont pas marqué en temps réglementaire en attaque massive lors des 20 derniers matchs de la saison. C’est long. Très long. Et c’est loin d’être un facteur qui fait monter la cote du Canadien à l’aube de son duel contre les Rangers.
Quel Pacioretty se présentera?
Outre les questions associées à Phillip Danault, on peut se demander quel Max Pacioretty se présentera face aux Blue Shirts? Celui du début de saison ou celui qui a su rebondir pour se hisser au 6e rang des francs-tireurs de la LNH avec ses 35 buts.
Pacioretty peut être un marqueur intimidant lorsqu’il est à plein régime. À demi-régime, c’est moins édifiant.
Cette caractéristique du capitaine est à l’image de son équipe. Car s’il est capable d’être vraiment bon par moment, et même d’être excellent au point de nous faire croire qu’il peut vraiment aller jusqu’au bout, le Canadien peut aussi sombrer dans une morosité qui nous oblige à nous demander s’il gagnera un autre match un jour.
D’où la grande difficulté de faire des projections justes concernant le Tricolore à l’aube des séries.
Avantages pour et contre
Bien que le Canadien ait remporté ses trois matchs de saison régulière contre les Rangers, je considère qu’il serait périlleux de donner un avantage au Canadien sur ce simple facteur.
Je vais toutefois donner l’avantage au Canadien dans le duel Price-Lundqvist. Le contraire serait absurde. Vrai que Lundqvist peut encore se signaler et que Price n’est pas à l’abri d’une contre-performance. Mais une telle situation patinerait tellement à contresens qu’elle tient presque du non-sens.
Avantage pour le Canadien.
À la ligne bleue, je considère que le groupe de défenseurs menés par Shea Weber est meilleur que celui qui est mené par Ryan McDonagh. L’ancien premier choix du Tricolore est souvent venu hanter son ancien club et surtout ceux qui ont osé – quel sacrilège – l’échanger aux Rangers en retour de Scott Gomez. C’est vrai. Et il hantera sans doute le Canadien encore bien longtemps. Mais le capitaine des Rangers est moins bien entouré que Weber.
Malgré l’incertitude associée à l’état de santé des défenseurs de chaque camp, je donne aussi un avantage, léger cela dit, au Canadien dans ce duel Montréal-New York au chapitre des brigades défensives.
À l’attaque, j’aime les Rangers. Vrai que les Blue Shirts n’ont pas de marqueur de 30 buts comme c’est le cas du Canadien avec Pacioretty.
Mais contrairement à Montréal qui n’a que deux marqueurs de 20 buts et plus – qui aurait prédit que Paul Byron serait le 2e du CH? – les Rangers en ont quatre.
Et si les deux clubs comptent dix marqueurs de 10 buts et plus chacun, le groupe des Rangers a enfilé 18 buts de plus que le Canadien.
Ça semble très mince comme écart. Surtout réparti sur une saison. Mais dans le cadre d’une série quatre de sept, cet écart assure les Rangers d’une production plus diversifiée qui pourrait jouer en sa faveur. Mais attention, ce n’est qu’une tendance et non une certitude.
Attaque : avantage Rangers
Dans les impondérables, les deux clubs sont encore nez à nez.
Claude Julien et Alain Vigneault se connaissent bien. Ils excellent tous les deux en matière de préparation et d’ajustement à apporter en cours de partie. Vrai que Claude Julien a eu le dessus lorsque les deux anciens coachs des Olympiques de Hull et du Canadien de Montréal se sont croisés en finale de la coupe Stanley en 2011. Une finale que les Bruins ont gagnée en sept parties. De là à donner l’avantage au Canadien en matière de coaching, il y a un fossé que je refuse de traverser.
Bien qu’ils en aient arraché contre le Canadien cette année et que leur gardien Henrik Lundqvist semble un brin allergique au Centre Bell où il a connu plus que sa part de mauvais matchs, les Rangers forment la meilleure équipe de la LNH sur la route cette saison.
Un avantage? On verra. Surtout que les partisans du Canadien sont bien souvent capables de déstabiliser des adversaires qui font escale à Montréal alors que les fans des Rangers sont très capables de se tourner contre leurs favoris s’ils décident de les prendre en grippe.
Je sais. Les fans du Canadien peuvent aussi chahuter leurs favoris. Ça arrive même souvent en saison régulière. Mais en séries, les fans du Tricolore sont beaucoup plus fidèles.
D’où les prétentions de plusieurs selon lesquelles le Tricolore pourrait aller « All The Way » cette année.
On ne peut empêcher le cœur d’avoir ses raisons que la raison ne comprend pas toujours. C’est vrai. Mais bien que je sois convaincu que le club qui sortira gagnant du duel New York – Montréal se rendra en finale d’association, je peine encore à favoriser le Canadien au détriment des Rangers. Et le contraire est aussi vrai.
Je crois que cette série sera très serrée. Vraiment. Si le Canadien fonctionne à plein régime, il gagnera. Si le premier trio ne fonctionne pas, que Galchenyuk ne se réveille pas et que du coup l’attaque massive est trop passive, les Rangers passeront.
C’est d’ailleurs ce que je crois qui arrivera.
D’où ma prédiction favorisant les Rangers en sept longues parties.