BROSSARD – En identifiant les ajustements qui ont permis à son effectif de confondre les sceptiques et de prolonger son parcours en séries éliminatoires, l’entraîneur des Sénateurs d’Ottawa a-t-il du même coup exposé la lacune qui a causé la perte du Canadien?

Juste avant de quitter le Centre Bell après la qualification de son équipe pour la deuxième ronde, Paul MacLean s’est dit d’avis que sa capacité à jouer la carte de la robustesse avait été un facteur déterminant dans sa victoire contre les champions de la division Nord-Est.

« L’aspect physique de notre jeu est une partie importante de notre identité, avait-il noté. L’année dernière, nous misions surtout sur la vitesse, mais les blessures qui nous sont tombées dessus nous ont forcés à apporter plusieurs changements. Nous nous sommes mis à chercher et ce que nous avons trouvé, ce sont des gros joueurs. Le jeu physique est un ingrédient essentiel dans la quête du succès, surtout en séries. »

Et donc, la question a été posée à la majorité des joueurs qui sont venus faire le bilan de leur saison samedi au Complexe sportif Bell de Brossard. Le Canadien doit-il prendre du muscle s’il veut tenir son bout parmi les équipes d’élite la saison prochaine?

«Nous avons des petits joueurs mais avec de grands coeurs»
«Nous avons des petits joueurs mais avec de grands coeurs»

« Si on gagne la série, personne n’en parle, a minimisé David Desharnais lorsqu’on lui a proposé cette piste de réflexion. C’est facile à dire après. »

Mais justement. Le Canadien est en vacances après avoir été sorti par une équipe plus imposante, plus intimidante. Cinq des sept défenseurs envoyés dans la mêlée par les Sénateurs mesuraient au moins 6 pieds 3 pouces. L’équipe qui a dominé au niveau des mises en échec a remporté quatre des cinq matchs de la série.

« Jouer de façon physique n’a rien à voir avec le nombre de mises en échec qu’on vous accorde sur la feuille de statistiques, a toutefois argué Josh Gorges. Il s’agit plutôt de gagner ses batailles dans les coins de la patinoire ou devant le filet, d’être affamé et acharné lorsqu’on veut la rondelle. Et ça, nous l’avons. Nous avons cette ténacité. Ce n’est pas une question de grosseur, mais plutôt de volonté. »

« Je ne crois pas que nous ayons besoin d’avoir des monstres de 6 pieds 4 pouces, a approuvé Ryan White, qui a cumulé 90 minutes de pénalité en 29 matchs cette saison. Nous devons toutefois trouver un moyen de bien jouer dans des conditions hostiles, contre des équipes qui tentent de nous intimider. Je crois qu’on l’a oublié par moments dans les dernières séries. »

«Un pas dans la bonne direction»
«Un pas dans la bonne direction»

Pour prouver sa théorie, White a pointé le doigt en direction de Brendan Gallagher de l’autre côté du vestiaire. Selon lui, la petite recrue est la preuve vivante que la grosseur n’est pas toujours ce qui compte le plus.

« Pour moi, le gabarit d’un joueur est insignifiant tant et aussi longtemps qu’il est capable de gagner ses batailles, a lui-même développé Gallagher. Ta taille ou ton poids n’a pas d’importance si tu n’es pas prêt à te sacrifier pour aller dans la circulation lourde. Personnellement, j’ai aimé la façon dont notre équipe s’est défendue cette année. »

À l’aide!

Une photo passeport et quelques radiographies, c’est tout ce dont Brandon Prust aurait besoin pour démontrer qu’il a fait tout ce qui était attendu de lui lorsque l’état-major du Canadien a sorti les billets verts pour l’attirer à Montréal.

Le tour de l’œil gauche de Prust change de couleur quotidiennement. Samedi, il tirait sur le vert. Il a été l’un des pugilistes les plus occupés de la Ligue nationale cette saison en livrant dix combats. Le reste de son équipe en a totalisé quinze. Aucun de ses coéquipiers n’a jeté les gants plus de quatre fois.

Prust a souffert d’une blessure à l’épaule pendant une bonne partie de la saison. Il se croise les doigts et espère apprendre au cours des prochains jours qu’elle pourra guérir sans opération. Il s’est aussi infligé une blessure à la cage thoracique en séries éliminatoire. Il s’agit, de son propre aveu, de la plus éprouvante de ses six saisons dans la LNH. Et malgré tout, il n’a raté que onze matchs.

Pardonnons-lui donc de prêcher pour sa paroisse.

«On a toujours su se relever»
«On a toujours su se relever»

« Je ne m’opposerai jamais à davantage de robustesse et je serais bien d’accord si on trouvait un ou deux gars prêts à partager le travail, a plaidé Prust avec honnêteté. Par contre, j’adore l’équipe que nous formons et je ne crois pas que nous ayons besoin de changer radicalement notre formation. »

« Personnellement, je pense que c’est important d’avoir des gros gars qui vont être là pour ça », a relancé Francis Bouillon, qui s’est fracturé un auriculaire en livrant un combat à Steve Ott, des Sabres de Buffalo, en avril.

« Toutes les équipes en ont, a poursuivi le défenseur qui n’a jamais été freiné par sa taille. Quand tu joues contre les Maple Leafs, ils ont deux ou trois gars intimidants. Quand tu joues contre Boston, c’est la même chose. Je pense que l’important, c’est de regarder qui est dans ta division, qui tu vas affronter le plus souvent et t’ajuster en conséquence. On a très bien fait tout au long de la saison sans vraiment de gros joueur, mais quand tu arrives dans les séries, c’est important d’avoir ces gars-là. »

Bouillon, l’aîné de la brigade défensive du Canadien, a passé le dernier droit de la saison en paire avec une verte recrue qui semble avoir tout ce qu’il faut pour chausser les patins du colosse recherché.

« Je suis convaincu que mon style de jeu vient combler un besoin pour cette équipe », clame Jarred Tinordi, un géant de 6 pieds 6 pouces qui a amassé plus de 200 minutes de pénalité en deux saisons au niveau junior et qui s’est inséré dans le groupe des six défenseurs partants du Canadien après avoir débuté la saison dans la Ligue américaine. « C’est bon d’avoir un bon mélange dans les styles. C’est important de ne pas mettre toutes ses pommes dans le même panier et de négliger le reste. »