Le respect selon Brendan Gallagher
Canadiens mercredi, 6 avr. 2022. 00:55 dimanche, 15 déc. 2024. 12:05Lorsque Nick Suzuki a servi un coup de genou à Tim Stützle en fin de période médiane, les autres joueurs des Sénateurs témoins de la scène ont aussitôt tenté de s’en prendre au jeune centre du Canadien.
C’est normal. Ou habituel si vous préférez.
Suzuki n’est pas un joueur salaud. C’est acquis. Comme il est acquis qu’il n’avait sans doute pas la moindre intention de blesser Stützle. Même qu’il est possible que l’impact aurait pu être évité si le joueur des Sénateurs avait glissé un brin ou deux sa jambe pour se protéger.
Mais un coup de genou, qu’il soit volontaire ou accidentel, demeure aussi dangereux qu’illégal. Suzuki méritait donc sa pénalité. Il méritait aussi « l’attention » que lui ont accordée ses adversaires qui se sont rués sur lui pendant que Stützle, étendu sur la patinoire, attendait l’arrivée du thérapeute athlétique de son équipe.
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Chanceux, Stützle n’a pas été blessé. Il était même sur la patinoire lorsque les Sénateurs ont terminé la période en avantage numérique. Il était aussi sur la patinoire lorsque Drake Batherson a marqué dès la 29e seconde de la troisième période alors que Suzuki était toujours au cachot.
Ce but a fait mal à Suzuki et à son équipe puisqu’il a permis aux « Sens » de prendre les devants (4-3) pour la troisième fois de la rencontre. Une avance qu’ils ont non seulement maintenue, mais moussée pour finalement doubler le Canadien 6-3.
Parce qu’ils étaient en avant, parce que leur coéquipier avait clairement évité le pire et certainement aussi parce que Nick Suzuki est loin d’être un salaud sur la patinoire, les joueurs des Sénateurs lui ont finalement fiché patience.
Suzuki n’a donc pas eu à composer avec le « code » selon lequel il aurait dû avoir à répondre de ses actes. Un code absurde et d’une autre époque qui n’a plus sa place dans le hockey d’aujourd’hui.
De fait, les pires représailles, ce n’est pas Suzuki qui les a essuyées, mais bien Tim Stützle qui s’est fait assaillir par Brendan Gallagher en fin de troisième période.
L’issue du match était réglée. Les Sens, qui avaient mieux joué que le Canadien, menaient 6-3. Malgré toute la magie orchestrée par Martin St-Louis depuis son arrivée derrière le banc, il était clair que son équipe n’allait pas réaliser une remontée impossible.
Gallagher a profité de la situation pour faire respecter un code qui lui est cher.
« Depuis que nous sommes petits, on sait qu'on doit sauter notre tour et rester au banc lorsqu’un coach ou un soigneur vient nous sortir de la patinoire après un jeu au cours duquel on s’est blessé. Nous sommes des professionnels. Nous devons donner cet exemple encore aujourd’hui. Mais voilà : ça fait je ne sais plus combien de fois que ce joueur – Tim Stützle – reste étendu sur la patinoire après des impacts avec un de nos joueurs. Un moment donné, il faut que ça cesse. Si tu restes étendu sur la glace c’est que tu es blessé. Et si tu es blessé, tu sautes quelques tours », que Gallagher a défilé lorsque les journalistes lui ont demandé pourquoi les fils s’étaient touchés sous son casque en fin de match.
Gallagher a assumé pleinement ce qu’il a fait. On peut être d’accord ou non avec le geste qu’il a posé. Mais qu’on soit d’accord ou non avec le geste, le motif était certainement louable.
« Si j’étais le coéquipier d’un gars qui feint des blessures, j’irais le voir pour le sommer de se servir de sa tête et de cesser d’embarrasser le reste du groupe », que Gallagher a tranché.
Je comprends parfaitement Gallagher d’avoir agi comme il l’a fait. Un gars comme lui fonce tête baissée dans le trafic. Il ne recule devant rien ni personne. Loin de s’écraser sur la patinoire au moindre signe de douleur, Gallagher est au contraire le genre de gars qui ignore la douleur et donne tout ce qu’il peut offrir en dépit des maux, petits et grands, qui le minent pour le bien de son équipe.
Un gars qui feint une blessure, qu’il soit de son camp ou du camp ennemi, Gallagher ne peut accepter ça. Il ne peut endurer ça.
D’où le geste qu’il a posé en fin de troisième. Un geste clair, qu’il a pleinement assumé en défilant des commentaires directs et précis pour l’expliquer et surtout le justifier. Le fait qu’il ait affronté les questions avec les mêmes convictions qu’il a affichées dans son geste aux dépens de Stützle et ses coéquipiers venus à sa défense en fin de match, m’incite à bien plus reconnaître le leadership affiché par Gallagher dans cette affaire qu’à condamner son geste.
J’ai peut-être tort ici.
Surtout que je prône depuis des années l’abolition des bagarres, surtout celles orchestrées qui n’ont plus leur place dans le hockey d’aujourd’hui.
Mais Gallagher, dont j’ai toujours reconnu et salué le courage, le leadership et le complet abandon pour le bien de son équipe et de ses coéquipiers, ne s’est pas bêtement battu en fin de match mardi.
Il ne s’est pas attaqué à Tim Stützle comme Jay Beagle, des Coyotes de l’Arizona, l’a fait en assénant un double-échec dans le dos de Trevor Zegras et en jetant les gants devant Troy Terry qu’il a martelé de coups au visage – au point de le blesser à un œil – alors que le meilleur marqueur des Ducks d’Anaheim n’a pas même jeté les gants pour tenter de se défendre.
Gallagher s’est assuré de faire respecter le code d’honneur qui dicte sa manière de se donner sans compter sur la patinoire depuis qu’il est tout petit.
Le coup asséné par Nick Suzuki était dangereux. Suzuki a été chassé par les arbitres et c’était mérité. Peut-être même qu’il écopera une amende qui serait tout aussi justifiée parce que ce genre de coup peut avoir des conséquences catastrophiques pour le joueur qui l’encaisse.
Le fait d’avoir feint une blessure alors qu’il était en mesure de reprendre l’action dès la mise en jeu suivante est un geste déplorable d’une tout autre façon. Un geste difficile, voire impossible, à punir pour les arbitres qui peuvent difficilement établir s’il s’agit, ou non, d’une mise en scène dans le feu de l’action. Mais un geste qui peut inciter des adversaires à faire ce que Gallagher a fait en fin de rencontre.
À tort ou à raison...