MONTRÉAL – Qu’ont en commun le père de Sidney Crosby, le légendaire gardien Vladislav Tretiak, l’ancien entraîneur Barry Melrose, le pionnier Viacheslav Fetisov et Gerry Johannson (l’agent de Carey Price et Brendan Gallagher) ? 

Ils composent un bref échantillonnage des joueurs repêchés par le Canadien qui ont eu un parcours intéressant – pour des raisons différentes - dans le monde du hockey sans avoir joué un seul match pour l’organisation montréalaise. Avec humour, on pourrait dire qu'ils se classent parmi les « objets perdus » intéressants de l'organisation. 

Melrose n’a rien oublié, ou presque, de la fin de ce printemps 1976 alors qu’il vivait avec sa famille sur une ferme en Saskatchewan. Il venait d'être sélectionné en quatrième ronde (37e au total) par les Stingers de Cincinnati durant le repêchage de l’Association mondiale de hockey. Quelques jours plus tard, c’était au tour de la LNH de tenir son événement annuel et il avait du mal à contenir sa nervosité.

À cette époque, le repêchage exigeait une immense patience. Impossible de suivre le tout à la télévision et encore moins de s’emparer de son cellulaire pour suivre chaque sélection sur Internet.

« J’ai sauté sur le tracteur et je suis allé me promener pendant quelques heures pour me changer les idées. Notre terre était très plate donc on pouvait facilement voir au loin et j’ai aperçu la voiture de mon grand-père qui se dirigeait vers moi. Je savais que quelque chose venait de se passer. Il s’est avancé jusqu’à la hauteur du tracteur et il m’a lancé ‘Let’s go, let’s go. Tu as été repêché, tu dois appeler ton agent’. Mais je n’en savais pas plus. Quand on est arrivés à la maison, toute ma famille était là. J’ai appelé mon agent et il m’a annoncé que j’avais été choisi par le Canadien en deuxième ronde (36e sélection). C’était fabuleux », s’est rappelé l’ancien joueur et entraîneur devenu analyste par la suite. 

Barry Melrose« Mais je dois dire que j’avais des sentiments partagés parce que j’étais un partisan des Maple Leafs en grandissant. Ça m’a fait penser au livre bien connu (Le chandail de hockey de Roch Carrier) dans lequel le jeune garçon reçoit un chandail des Leafs au lieu du Canadien. C’était l’inverse dans mon cas », a-t-il relaté en riant. 

Melrose s’empresse de préciser qu’il était honoré d’avoir été repêché par le Canadien, mais il comprenait aussi que ça faciliterait la première grande décision de sa carrière. 

« J’aurais adoré jouer pour Montréal. Par contre, je n’étais pas si bête que ça et je savais que le Canadien disposait de ressources infinies à la ligne bleue. En plus de la brigade actuelle (Larry Robinson, Serge Savard et Guy Lapointe notamment), la relève était assez fascinante dans leur club-école des Voyageurs (de la Nouvelle-Écosse) avec les (Brian) Engblom, (Gilles) Lupien et (Rick) Chartraw. Je comprenais bien que ça me prendrait beaucoup de temps avant de jouer pour le grand club », a exposé Melrose au RDS.ca. 

L’ancien entraîneur des Kings de Los Angeles conserve tout de même un magnifique souvenir de son lien éphémère avec le Canadien : une lettre signée de la main du directeur général Sam Pollock et de l’entraîneur-chef Scotty Bowman pour lui souhaiter la bienvenue dans l’organisation. Celle-ci était accompagnée d’un contrat pour lequel c’était impossible de négocier les termes. 

Les Stingers avaient déduit la même chose si bien qu’ils ont conclu que ça valait la peine de le courtiser. 

« Ils m’ont amené voir un match de baseball des Reds, un geste que j’ai bien apprécié et qui m’a fait sentir comme un membre de l’organisation. Ils avaient bon espoir que j’accepte leur offre et c’est ce que j’ai fait. L’AMH allait de mieux en mieux et ça ressemblait de plus en plus à la LNH », a rappelé Melrose. 

Son pari n’a pas été bon uniquement parce qu’il s’est établi avec les Stingers dès la saison suivante. 

« Ce fut l’une des meilleures décisions de ma vie. C’est là que j’ai rencontré ma femme et ça fait 42 ans que nous sommes mariés. En fait, elle était une des cheerleaders de l’équipe. Les Stingers avaient été l’une des premières équipes professionnelles à se doter de cheerleaders au hockey. L’AMH a été bonne pour moi », a raconté Melrose qui a côtoyé des grands noms du baseball comme Pete Rose et Johnny Bench. 

À sa troisième année avec les Stingers, en 1978-1979, Melrose a même été coéquipier de Mark Messier et Mike Gartner. Barry Melrose

« Dans les dernières années, c’était une très bonne ligue. On battait les équipes de la LNH régulièrement quand on se frottait à elles. Je me suis donc développé dans l’AMH au lieu de la Ligue américaine et j’ai dû attendre trois ans avant de parler avec le Canadien de manière sérieuse pour signer avec le club », a noté Melrose. 

L’AMH négociait déjà avec la LNH pour une fusion et les Stingers avaient bon espoir de se classer parmi les clubs qui feraient le saut dans la LNH. Ce scénario ne s’est pas concrétisé alors que trois équipes canadiennes (les Jets de Winnipeg, les Oilers d’Edmonton, les Nordiques de Québec) et les Whalers de Hartford ont finalement été rescapées. 

« Je venais de signer un nouveau contrat. L’équipe allait bien et on jouait dans un nouvel aréna. Quand ce n’est pas arrivé, tout a changé. C’est là que, tous les joueurs repêchés par la LNH, on a été renvoyés dans le giron de nos clubs respectifs et on était nombreux à appartenir au Canadien », a exposé Melrose. 

À cet instant, Pollock, qui était encore DG du CH, a déployé sa grande vision de gestionnaire. Il a échangé plusieurs joueurs, dont Melrose, à d’autres équipes avec un objectif bien précis.  

« Il disait ‘On vous échange ce joueur, mais vous ne prenez aucun autre joueur de notre formation lors du repêchage d’expansion. Montréal avait accumulé des droits sur tellement de joueurs, Sam Pollock avait été très fort là-dessus. Il a fait ça plusieurs fois et ça ressemblait drôlement à ce que Vegas a fait pour son arrivée dans la LNH. Il était en avance sur ses homologues et son approche a été payante puisqu’ils n’ont pas perdu de gros morceaux », a décrit Melrose.  

Il fallait être un joueur spécial pour s'établir avec le CH 

La beauté du sport aura voulu que, 17 ans après avoir été repêché par le Canadien, Melrose affronte le club montréalais dans le cadre de la finale de la coupe Stanley en 1993.  

Barry MelroseMelrose avait déjà eu le privilège de jouer au Forum de Montréal en tant que membre des Jets. Il n’en demeure pas moins que la sensation de diriger son équipe menée par Wayne Gretzky, contre Montréal, pour l’obtention du championnat, est difficile à surpasser.  

« C’était aussi encore plus spécial que de juste revenir contre le Canadien étant donné que Jacques Demers avait été mon entraîneur pendant une saison à Cincinnati. Je l’avais adoré. On venait de battre trois équipes canadiennes en Toronto, mon équipe d’enfance, ainsi que Vancouver et Calgary. On était prêts pour le Canadien, mais on savait que ce serait très difficile comme tâche », a-t-il confié. 

« C’était tout un honneur de vivre de tels moments dans cet amphithéâtre. J’aimais tellement les vieux édifices de hockey », a enchaîné Melrose. 

Sans avoir été un grand défenseur, Melrose aura joué près de 500 parties professionnelles (dont 300 dans la LNH avec Winnipeg, Toronto et Detroit). Se plonger dans de tels souvenirs finit par le ramener à sa prémisse de départ. 

« Ce n’était pas facile de parvenir à jouer pour le Canadien. Ils avaient de bonnes équipes à Montréal même quand ils ne gagnaient pas la coupe Stanley. Il fallait être un joueur spécial pour réussir à jouer pendant le CH pendant une longue période », a conclu Melrose. 

*Avec la collaboration de Christian D'Aoust pour l'idée.