J'ai vécu le lock-out de la LNH de 2004. Il m'a laissé un goût amer. Je sais comme à des milliers d'amateurs, je n'étais pas le seul.

J'étais encore à Columbus et j'ai même paraphé un contrat de deux ans quelques heures avant que ne se déclenche l'épisode qui allait nous priver de hockey pendant toute une saison. En effet, à la suite de négociations contractuelles qui se sont étirées quelque peu, les Blue Jackets et moi en étions venus à nous entendre alors qu'achevait la validité de l'entente collective de l'époque. C'est l'après-midi du 14 septembre que je suis passé dans les bureaux des Jackets au Nationwide Arena pour signer les documents afin qu'ils soient validés avant que n'expire le délai prescrit. C'était mon quatrième contrat dans la LNH, mon troisième avec Columbus. Je n'aurai finalement honoré qu'une année sur deux de ce contrat, le lock-out faisant disparaitre la première saison de l'entente en entier.

Le goût amer ne vient pas de l'année de contrat perdue. Le goût amer vient de l'année de hockey perdue. Perdu est également le premier mot qui me vient en tête lorsque je tente de replonger vers les sentiments qui m'habitaient au jour le jour lors de cette pause bien involontaire de notre part. Perdu mais pas par manque d'informations. Nous savions que l'affrontement entre notre association et la ligue en était un d'idéologie. Plafond salarial ou économie de marché sans restrictions. La structure financière entière du sport était mise en cause. Le débat est bien différent aujourd'hui.

J'ai occupé mon temps libre en pensant préparer une saison écourtée qui n'allait jamais venir. J'ai participé en 2004 et en 2005 à plusieurs rencontres au sein de comités de gardiens de but afin d'apporter certaines modifications à notre équipement et à certains règlements. En plus de me garder en bonne condition physique, j'ai touché à la glace sur une base quasi quotidienne en retournant au Saguenay pour m'entraîner et en participant à la Caravane de Joël Bouchard, tournée provinciale des joueurs de la LNH qui a réussi à amasser beaucoup d'argent pour de bonnes causes et pour nombre d'associations de hockey mineur aux quatre coins du Québec.

J'étais toujours perdu. On a beau meubler son temps, à ce stade de ma carrière c'est la compétition dont j'avais besoin et dont je m'ennuyais. N'étant pas une super vedette de la LNH, je n'ai pas reçu d'offre des meilleures ligues d'Europe lors de la première vague de signatures des joueurs nord-américains. D'autant plus que les meilleures formations du vieux continent étaient beaucoup plus à la recherche d'étoiles offensives que de gardiens étrangers. L'annulation entière de la saison m'a donc fait très mal.

J'étais perdu, donc, parce qu'il me manquait cette passion qui m'aidait à me lever chaque matin. Cette passion à laquelle personne ne m'avait jamais empêché de participer outre ma mère qui, lorsque j'étais enfant, me demandait de rentrer souper parce qu'il faisait noir dehors et qu'il était tard. Je persiste aujourd'hui à croire que c'est ce vide qui est venu à bout des convictions des joueurs. Tous ne l'ont pas vécu au même niveau ou aussi intensément, mais fallait sentir l'intensité augmenter à chaque réunion du « membership » pour se rappeler à quel point la passion a son gros mot à dire dans la vie des athlètes professionnels.

Je ne sous-entends pas que les propriétaires ne sont pas des passionnés. Ils sont tous des hommes d'affaires accomplis qui ont des histoires formidables. Je dis simplement qu'ils ont eu le dessus en 2005 en imposant leur convention aux joueurs qui, à leur tour, ont prospéré sous ce nouveau modèle économique.

On aura beau entendre parler de tous les chiffres de la terre, du partage de la tarte, de la définition des revenus, de relations de travail et de mises en demeure, mais au nom de notre passion à tous, ne croyez jamais, joueurs comme propriétaires, que vous êtes plus important que le sport dont vous n'êtes que les artisans temporaires. J'ai raté, comme vous tous, une saison complète en 2004-2005, pensant être solidaire pour finalement plier et acquiescer à un plafond salarial qui assurait la santé de la LNH pour le millénaire à venir.

Est-ce que le jeu en valait la chandelle; non, compte tenu que je sais maintenant qu'un millénaire ne dure que sept ans