OTTAWA - Jacques Martin n'a rien perdu de son calme habituel même si, à Ottawa, avant même que les Sénateurs n'aient disputé un premier match, on prétend qu'il a la tête sur la bûche. C'est la coupe Stanley ou la fin du règne de neuf ans à la tête de cette équipe qu'il a vu grandir, qu'il dirige avec beaucoup de passion et surtout avec beaucoup de doigté.

Hier soir, en levée de rideau, Martin affrontait Claude Julien, à qui il avait bien failli offrir un poste d'entraîneur-adjoint, il y a quelques années. A la fin de l'entretien qu'il avait eu avec le pilote des Olympiques de Hull, à l'époque, Martin lui avait conseillé : " Claude, je pense que tu as le talent pour diriger une formation dans la Ligue nationale et c'est la raison pour laquelle tu devrais envisager la possibilité d'aller travailler dans la Ligue américaine dans le rôle d'entraîneur-chef et de cette façon tu vas acquérir l'expérience requise pour tenter la grande aventure et crois-moi, la chance viendra. "

Julien entreprenait, hier soir à Ottawa, sa première saison dans la Ligue nationale, et sous la direction d'un directeur général, Bob Gainey, qui a décidé de lui offrir la chance d'exploiter son talent de meneur d'hommes. Un magazine spécialisé dans le monde du hockey, après sondage auprès de ses correspondants, affirmait que Julien serait le premier entraîneur congédié cette saison.

Vulnérable

Revenons à Martin, ce n'est pas la première fois que sa tête est mise à prix dans la grande région d'Ottawa. Année après année, depuis trois saisons, peut-être quatre, on le condamne et pourtant, il est toujours là à son poste. A chaque saison, parce qu'il a su tirer les bonnes ficelles, l'objectif est toujours plus élevé. Cette fois-ci, c'est l'ultime rendez-vous du printemps qu'il vise ou que ce sont les propriétaires et dirigeants des Sénateurs qui ont élevé la barre. On demande à Martin d'accomplir l'exploit mais on n'a toujours pas renouvelé son contrat.

Situation pour le moins étrange, n'est-ce pas? Tu gagnes la coupe Stanley ou encore, bye, bye… On sort la vieille théorie qu'un entraîneur qui passe huit ans avec la même équipe a besoin d'un changement d'air ou si vous vous placez dans la perspective des joueurs, on est " tanné " de lui voir la face. Mais, Martin est un entraîneur qui s'ajuste aux circonstances, il s'ajuste au hockey moderne, aux nouveaux joueurs qui s'amènent à chaque année. Il a fait de cette organisation l'une des plus solides - sur la patinoire on s'entend - de la Ligue nationale. Elle se compare aux Red Wings, aux Stars, à l'Avalanche, aux Devils mais avec $20 millions de moins pour la masse salariale.

Que Martin amorce la saison sans contrat pour l'an prochain est un manque de respect de la part de la haute direction de cette équipe envers leur entraîneur. Il a beau avoir le contrôle sur le vestiaire, ça le rend néanmoins vulnérable.

Dans le cas de Julien, il y aura plusieurs entraîneurs qui tomberont avant qu'il sente le plancher bouger sous ses pieds. Il amorce la saison jouissant d'une solide réputation au niveau du développement des patineurs. Au cours de l'entre-saison, il a appris à connaître son nouveau patron et Bob Gainey a appris à connaître Claude Julien.
La patience de Gainey

Il n'a pas hésité à le confirmer à son poste d'entraîneur-chef en vue de la saison qui s'est ébranlée, hier soir. Gainey est un homme patient. Il est prêt à faire du millage avec son pilote. Il va être aussi patient avec Julien qu'il l'a été avec Ken Hitchcock, lui aussi un entraîneur provenant des ligues mineures. Tant et aussi longtemps que Julien soutirera le meilleur de ses équipiers, il n'aura rien à craindre et, quand on jase avec les joueurs du Tricolore, déjà on sent une belle complicité entre les patineurs et le pilote.

On n'a pas à dénigrer Michel Therrien, comme l'a fait, avec mépris, Joe Juneau, l'autre jour, pour rehausser le prestige de Claude Julien. Le curriculum vitae de l'ex-pilote des Olympiques est assez bien garni pour justifier sa présence derrière le banc d'une formation de la Ligue nationale. Julien n'a que faire du passé, il n'a rien à foutre des erreurs des dernières années, c'est sa philosophie qui tentera d'implanter au sein de son équipe. Un point c'est tout. Ce qu'ont fait les autres, ça lui passe dix pieds par-dessus la tête.

Les deux entraîneurs savent fort bien cependant que, dans ce milieu, ils sont constamment assis sur un baril de poudre. On peut avoir des objectifs différents en fonction du personnel que l'on dirige… mais l'évaluation demeure la même. Plus souvent qu'autrement elle est sévère et cruelle. Parfois injustifiée!