TORONTO - Habitués de se regrouper autour des couleurs de leur pays natal pour attiser leur fierté, les joueurs de l’Équipe Europe n’ont qu’un logo quelconque cousu sur la poitrine de leurs chandails pour mousser leur désir de vaincre.

Habitués de se bomber le torse au rythme de leur hymne national, les joueurs de l’Équipe Europe doivent le faire en silence puisqu’il a été impossible de trouver une pièce musicale susceptible de respecter les huit nations représentées par ses joueurs sans fausses notes. Les neuf en fait puisque s’il est citoyen suisse, le défenseur Luca Sbisa est natif de l’Italie.

Qu’à cela ne tienne : ces joueurs sans drapeau à agiter et sans hymne national à entonner sont pratiquement assurés de passer en ronde éliminatoire de la Coupe du monde de hockey.

À moins que les USA ne battent le Canada mardi soir, les joueurs de l’Europe affronteront, en fin de semaine prochaine le club qui terminera au premier rang du groupe B. À moins qu’après leur victoire-surprise aux dépens des Américains et leur gain face à la Tchéquie, ils puissent anéantir toute logique et battre le Canada mercredi.

On ne s’emportera pas trop vite...

Mais peu importe le résultat du match contre le Canada, peu importe qu’ils se rendent, ou non en grande finale, les hockeyeurs de l’Équipe Europe ont gagné bien plus que deux matchs de hockey jusqu’ici à Toronto. Ils ont gagné le respect de bien des amateurs et observateurs qui regardaient de haut cette courtepointe de joueurs provenant de pays satellites aux puissances du hockey européen.

« Nous sommes en train de réaliser quelque chose de vraiment spécial », a reconnu Anze Kopitar, le capitaine de cette courtepointe de hockeyeurs.

« Nous méritons cette reconnaissance », a fièrement ajouté le défenseur Zdeno Chara qui a marqué le premier but des siens dans le cadre de la victoire de 3-2 en prolongation aux dépens de la Tchéquie.

« Cette Coupe du Monde représente à mes yeux le tournoi de hockey le plus relevé de l’histoire. À cause du format, de la présence des moins de 24 ans pour l’Amérique du Nord et des joueurs des huit nations qui forment notre équipe, les meilleurs joueurs de tous les pays sont ici. C’est bien sûr différent d’avoir ce logo sur la poitrine plutôt que les armoiries de mon pays, mais cette équipe est mon équipe ici. J’ai vécu de grandes rivalités Tchéquie-Slovaquie depuis que je joue au hockey. Mais aujourd’hui ce n’était pas juste des Slovaques qui affrontaient les Tchèques. C’était l’Europe. Et même si je sais que le concept ne plaît pas à tout le monde, je peux vous assurer que nous défendons tous cette équipe avec fierté. Nous avons le drapeau de notre pays natal sur l’épaule. Mais nous avons aussi le mandat de représenter l’ensemble de nos nations et je vous assure que je prends ce défi au sérieux. Que nous le prenons tous avec sérieux », a commenté le défenseur format géant.

Joueur sensationnel s’il en est un, Anze Kopitar assure d’ailleurs que ce regroupement un peu hétéroclite au début prend maintenant tout son sens. «Mes chances de gagner qu’un seul match dans le cadre de ce tournoi avec mon club national de la Slovénie seraient nulles alors que nous pouvons faire rayonner le reste de l’Europe avec l’équipe que nous formons.»

C’est justement de mandat de faire rayonner leur pays sur une aussi grande scène que celle de la Coupe du monde qui a uni les joueurs du reste de l’Europe.

« La France est un bien petit pays sur la scène du hockey. Malgré tout, je suis ici. Je suis à la Coupe du monde. Le drapeau de mon pays flotte avec les autres nations qui sont représentées ici. C’est énorme à mes yeux. Et cela peut contribuer à mousser la popularité de mon sport en France ce sera une belle récompense », m’assurait Pierre-Édouard Bellemare avant le match contre la Tchéquie.

Après avoir enfilé un but dans la victoire de 3-0 de son équipe aux dépens des USA, le cousin français a récolté une passe dans le gain de lundi.

« C’est incroyable ce qu’on a fait ensemble depuis que nous avons été regroupés en camp d’entraînement. Nous savons que nous sommes négligés. Nous restons toutefois concentrés. Nous respectons les directives et nous nous motivons en voulant prouver qu’on est là nous aussi », a ajouté Bellemare.

Et pour être là, Équipe Europe est toute là!

Car non seulement sa victoire aux dépens de la Tchéquie était plus que méritée, mais elle aurait pu être couronnée en temps réglementaire. N’eût été la performance du gardien tchèque Petr Mrazek, c’est d’ailleurs exactement ce qui serait arrivé.

Mrazek a multiplié les arrêts importants face aux 41 tirs de l’Europe. Il s’est aussi imposé devant Anze Kopitar sur un tir de pénalité accordé en période médiane. Ironiquement, Mrazek a accordé le but qui a éliminé son équipe au terme d’une longue échappée offerte par à l’Allemand Leon Draisaitl par le Norvégien Matt Zuccarello.

En dépit ses nombreux arrêts, Mrazek a été victime d’un très vilain but accordé à Zuccarello alors qu’il laissé un tir anodin glisser de sa mitaine. Malgré ce but, Mrazek n’a rien de rien à se reprocher dans la défaite puisqu’il a été littéralement abandonné par ses coéquipiers qui semblaient encore étourdis par leur revers de 6-0 aux mains du Canada.

Je ne sais pas si l’Europe a surpris davantage que la Tchéquie a déçu. Mais ce qui est clair, c’est que l’Europe mérite pleinement sa place en demi-finale alors que la Tchéquie mérite tout aussi pleinement être déjà écartée du tournoi.

« Nous sommes partis de rien il y a deux semaines et nous voilà avec deux victoires en poche à la Coupe du monde. J’espère que les joueurs de mon équipe recevront tout le crédit qu’ils méritent, car c’est vraiment sensationnel de voir le sérieux qu’ils ont mis se rendre jusqu’ici », a conclu l’entraîneur-chef Ralph Krueger. Un entraîneur-chef qui mérite autant de crédit que ses joueurs pour avoir trouvé une façon de les unir autour d’une même cause sans avoir de drapeau ou d’hymne national pour l’aider à y arriver.