L'appel du banc a mené Dave Noël-Bernier dans la NCAA
Hockey mardi, 21 mai 2019. 17:53 dimanche, 15 déc. 2024. 07:28MONTRÉAL – Dave Noël-Bernier n’avait pas encore 40 ans quand il a atteint la Ligue nationale de hockey. Pendant deux ans, il a fait partie du personnel d’entraîneurs des Red Wings de Detroit, un accomplissement peu banal considérant son parcours modeste de joueur et l’étendue de son expérience dans le monde du coaching.
Dans son rôle d’adjoint à Jeff Blashill, le natif de Montmagny sautait sur la glace pour les entraînements et s’occupait de la vidéo durant les matchs, un rôle capital dans la LNH moderne où la vigilance d’un observateur averti peut faire la différence entre la victoire et la défaite.
« Je suis arrivé dans la Ligue la même année qu’on a accordé aux entraîneurs le droit de contester une décision, précise-t-il. C’était stressant un peu parce que la première année, personne n’avait accès à la vidéo sur le banc. C’était moi qui donnais le ‘Go’. »
Des hommes de hockey vendraient leur mère pour un job dans la LNH et refuseraient probablement de la racheter si ça leur permettait d’y rester. Dave Noël-Bernier ne gère pas sa vie de cette façon. En 2017, une offre est arrivée du champ gauche. Côté prestige, aucune comparaison à faire, mais le projet avait ses attraits. Tellement qu’après avoir étudié son dilemme sous tous ses angles, il est allé cogner à la porte de Blashill, l’homme qui lui avait ouvert les portes du hockey professionnel.
Les deux ont vite compris que la séparation était inévitable.
« C’est important, quand tu sens que tu as appris le plus que tu pouvais apprendre, de passer à une autre étape et de continuer de progresser. Moi, je voulais retourner en arrière d’un banc. Ça me manquait. Les Red Wings, ça a été une superbe expérience, c’est incroyable ce que ça m’a permis d’ajouter à mon bagage, mais je n’étais pas en arrière d’un banc et c’est ce que je voulais. Je suis peut-être fou, mais il me manquait quelque chose. Jeff a compris et m’a dit de suivre mon cœur. »
Noël-Bernier a donc accepté la proposition de Mike Gabinet et est devenu entraîneur-adjoint du programme de l’Université du Nebraska à Omaha (UNO), dont il avait fièrement porté les couleurs pendant quatre ans à la fin des années 1990.
« Plusieurs personnes m’ont demandé si je faisais un pas en arrière, mais moi je ne pense pas. J’ai été gâté à Detroit et je dois tout aux Red Wings, mais j’ai la conviction de m’améliorer encore plus ici. J’ai un plus gros rôle et je travaille avec un entraîneur qui me fait beaucoup confiance. C’est une offre qui arrivait au bon moment dans ma vie. Je ne regrette pas du tout. »
Une reconstruction qui passe par le Québec
Noël-Bernier, qui a aussi été entraîneur dans la USHL et la Ligue américaine, n’a pas atterri dans la ouate en faisant le saut chez son alma mater. Depuis plusieurs années, les Mavericks n’étaient ni très bons, ni très mauvais sous la gouverne de l’entraîneur sortant Dean Blais. Lors des deux campagnes qui ont précédé le changement de régime, l’équipe était devenue l’enfant pauvre d’une conférence ultra-compétitive dominée par des géants comme Minnesota-Duluth, Denver, North Dakota et St. Cloud State. En deux ans, Gabinet et ses adjoints n’ont toujours pas réussi à redresser la barque.
« Le coach qui est parti était plus vieux, il voulait gagner et gagner maintenant. Il ne s’est pas beaucoup occupé du recrutement et quand on est rentré, on savait qu’on avait du pain sur la planche. Mais on est deux gars qui ont joué pour le programme et on va nous donner le temps de rebâtir ça comme il faut. On savait dans quoi on s’embarquait. »
Comme une dizaine de confrères de différents programmes de la NCAA, Noël-Bernier a passé la dernière fin de semaine à Montréal, au camp Apex, dans l’espoir d’y dénicher des joueurs de talent et de les convaincre de poursuivre leur parcours académique et sportif dans son coin des États-Unis. Au hockey professionnel, cette tâche est exécutée en comité. Les dépisteurs repèrent le talent et les hommes en cravate tentent de le retenir avec les bons arguments. Mais sur le campus, cette importante mission sur laquelle repose le succès d’un programme fait partie des responsabilités des entraîneurs.
Depuis son retour sur le campus, Noël-Bernier sort donc de sa zone de confort et apprivoise les nuances du recrutement. Ses yeux le trahissent rarement – il rôde depuis assez longtemps dans le monde du hockey pour savoir reconnaître un jeune avec du potentiel. Le défi est de trouver les bons mots pour transmettre son attachement à l’institution qui a modelé l’adulte qu’il est devenu.
« Je vends une opportunité, résume-t-il. Si tu vas au Wisconsin, si tu vas au Michigan, ils en ont des joueurs repêchés dans la LNH. Nous autres, on n’en a pas. On est un nouveau staff et tu vas avoir une chance de jouer. Une opportunité, c’est tout ce que ça prend dans la vie. Tu peux être un très bon joueur, mais si tu n’as jamais la chance de remplir un rôle important, ce n’est pas évident. C’est ça qu’on vend. Et puis si on réussit à amener un jeune sur notre campus, c’est presque gagné. Nos installations sont incroyables. Aussitôt qu’on les amène, on a une chance! »
Noël-Bernier aime revenir piger dans sa cour. En deux ans, il a convaincu sept Québécois de venir jouer pour lui dans le Midwest. Sa plus récente prise est Joakim Lemay, un défenseur qui sera admissible à joindre les rangs de la NCAA en 2021. Le jeune homme de la Mauricie a repoussé l’intérêt de l’Océanic de Rimouski afin de poursuivre la voie des universités américaines. La réflexion est de plus en plus répandue sur le territoire de la LHJMQ, mais son futur entraîneur remarque que certaines mentalités sont difficiles à ébranler.
« Pour un Québécois que je réussis à convaincre, je dois en travailler une quinzaine. Mais ça change tranquillement pas vite. Les familles nous écoutent davantage, leurs conseillers commencent à voir que si un jeune veut jouer dans la LNH, la NCAA est une méchante bonne option. Mais il y a encore de l’éducation à faire parce que ça fait un peu peur aux parents. Ils se demandent ce qui arrivera à leur fils entre la fin du midget et le début de l’université. C’est là-dessus que je travaille beaucoup. Si tu es préparé et que tu arrives avec un plan précis, ils sont plus ouverts. »