Une des beautés du sport est qu'il perdure au-delà des individus, aussi grands soient-ils. Le golf après Palmer, le basket après Jordan, le baseball après Ruth, le hockey après Gretzky. Tous ces sports ont connus des jours plus sombres et des plus glorieux après les performances de leurs plus grands ambassadeurs; le dénominateur commun demeure qu'ils y ont survécu voire, en ont profité. Il est difficile de soustraire ses émotions de l'équation lorsque, dans le moment présent, un athlète nous éblouit, nous subjugue, nous transporte. Les légendes ont ce don de porter à bout de bras une cause qui semble être la nôtre, à laquelle on s'identifie; et le sport a besoin de ces messagers.

À la sortie du lock-out de 2004, malgré le départ de centaines de joueurs, le hockey a prospéré avec le temps. À la sortie du lock-out de 2012, le hockey en fera de même, avec le temps. Le plus difficile, pendant cette période incertaine de conflit de travail, c'est de garder le cap. Surtout quand on est à la tête d'une organisation qui n'avait pas besoin de toutes ces chicanes pour boucler les fins de mois, mais qui piaffe d'impatience de retrouver ses lettres de noblesse sur la patinoire.

La norme pour les dirigeants d'équipes professionnelles, où les succès se mesurent trop souvent par le résultat du dernier match, c'est de trouver une solution temporaire à un problème qui est souvent plus profond. L'écran de fumée crée un engouement et achète du temps jusqu'à la prochaine hémorragie. Ici, le mode d'emploi lit souvent : « Répéter au besoin ». L'histoire récente des Canadiens est remplie de gestes de panique qui ont, petit à petit, hypothéqué les résultats attendus.

Le défi de Geoff Molson était donc de taille. De briser les liens avec un laps de temps médiocre pour en recréer avec un passé plus glorieux, pas si lointain, mais difficile à capturer pour la nouvelle génération de partisans, ne serait pas facile. L'édition 2013 du tricolore n'a pas une victoire à sa fiche et n'aspire pas aux grands honneurs. Force est toutefois d'admettre que depuis le printemps, l'organisation est conséquente dans toutes ses décisions pour la première fois depuis un bail. Au-delà des embauches populaires, il est là pour moi le vent de changement.

À l'ouverture du camp, c'est un directeur gérant en contrôle qui ne souffrait d'aucune insécurité, qui n'avait pas peur d'avouer sa fatigue qui a rencontré la presse. Un dirigeant de la même génération qu'un président actuel, présent sur les réseaux sociaux qui n'a pas peur de procéder à la mise en jeu protocolaire du tournoi atome à l'aréna du Plateau à Chicoutimi-Nord où son garçon évoluait. Un entraîneur d'expérience qui enseigne un système qui détonne de celui préconisé auparavant complétait le portrait sur la surface glacée.

Au-delà des apparences, le club de hockey Canadien renoue avec une tradition riche où le collectif prime sur l'individuel. Ainsi, un leader par position a récemment été signé pour six ans. Un personnel de soutien digne de ce nom a été engagé et l'encadrement ne sera plus jamais un souci. Un fardeau lourd à supporter a été renvoyé à la maison et un autre, élément important celui-là, ronge son frein en attendant une entente contractuelle qui cadrera dans la structure envisagée. Tous des messages forts qui touchent plusieurs cibles chez les joueurs et chez les amateurs. C'était la seule façon de gagner le respect rapidement. De se tenir debout, n'en déplaise à certains, c'est aussi la seule façon d'établir une identité distincte.