WINNIPEG - La Couronne demande une peine d'emprisonnement de six ans contre l'ex-entraîneur de hockey junior Graham James, pour des agressions sexuelles commises à l'encontre de deux de ses anciens joueurs.

James a présenté ses excuses aux victimes mercredi, de même qu'à l'ensemble de la communauté canadienne du hockey.

Il a tenu ces propos pendant une audience sur la détermination de la peine, à Winnipeg, après avoir plaidé coupable en décembre dernier à de nouvelles infractions de nature sexuelle contre l'ancien joueur étoile de la Ligue nationale de hockey (LNH) Theoren Fleury, et un autre joueur, Todd Holt.

James a soutenu regretter ce qui s'est produit, ajoutant être conscient que les parents s'attendaient à ce que leur enfant soit en sécurité avec lui. Il a aussi déclaré que toute la faute lui revenait.

L'avocat de James, Evan Roitenberg, a quant à lui soutenu que son client est réhabilité, et qu'il n'est pas le `monstre' qu'on a décrit. Au-delà de la peine à purger dans la communauté, la sentence pourrait également inclure un couvre-feu et d'autres conditions, a suggéré Me Roitenberg.

La juge Catherine Carlson a pris la cause en délibéré.

La procureure de la Couronne Colleen McDuff a affirmé que le juge devrait tenir compte de l'impact qu'a eu sur ses victimes ce pédophile, déjà condamné pour d'autres agressions sexuelles par le passé.

Theoren Fleury, aujourd'hui à la retraite, avait raconté en cour à Winnipeg comment sa vie avait été pratiquement anéantie par ces agressions.

Les deux hommes avaient expliqué que ces événements avaient nui à leurs relations, les avaient incités à boire, en plus de les priver de sommeil pendant plusieurs années.

Le rapport d'un psychiatre souligne que James est indifférent et distant, précisant qu'il «réagit rarement aux gestes et aux sentiments des autres».

La Couronne a soutenu mercredi que l'ex-entraîneur avait dorloté les hockeyeurs avant de les agresser sexuellement, les menaçant par la suite de détruire leur carrière de sportif.

Me McDuff a ajouté que les jeunes sportifs se tournaient vers James parce qu'il était très respecté dans le monde du sport. Les plaignants croyaient aussi que James avait le pouvoir de démarrer leur carrière ou de la briser, ce que l'ex-entraîneur leur a également déclaré.

Au total, James a fait face à neuf accusations d'agressions sexuelles, qui auraient été commises entre 1979 et 1994.

Un autre ex-joueur de la LNH, Sheldon Kennedy, a de son côté qualifié d'étrange le fait de revoir Graham James, son agresseur, quelque 14 ans après les faits.

Les deux hommes se sont croisés au tribunal mercredi matin, à l'extérieur d'une salle d'audience de Winnipeg. Sheldon Kennedy a regardé directement James en le croisant, mais ce dernier a évité tout contact visuel avec lui.

L'ex-entraîneur a déjà été condamné pour des agressions commises sur d'autres joueurs, incluant Sheldon Kennedy, pour lesquelles il a purgé environ dix-huit mois sur une peine d'emprisonnement de trois ans et demi. James avait été relâché en 2000.

Sheldon Kennedy est à Winnipeg en appui à un autre joueur, Greg Gilhooly, qui a lui aussi déclaré avoir été agressé par James. Les accusations dans cette affaire ont été suspendues.

L'ancien hockeyeur avait indiqué qu'il serait tout de même en cour mercredi, où il fera face à James pour la première fois en 30 ans. De son propre aveu, il trouvait important de se prouver à lui-même que cet individu n'a plus aucun pouvoir sur lui.

Theoren Fleury est le dernier en lice à avoir déposé des accusations contre James, en lien avec des événements remontant à plusieurs années. L'ancien joueur étoile des Flames de Calgary se trouvait à Vancouver mercredi, mais il s'est tout de même exprimé sur le dossier lors d'une conférence de presse.

Il a dit espérer que le juge prendrait la bonne décision après avoir entendu «toutes ces informations», ajoutant toutefois qu'il était possible qu'une entente ait déjà été conclue dans cette affaire.

Au moment où James a plaidé coupable, Theoren Fleury avait déclaré souhaiter que l'homme écope d'une peine d'emprisonnement de 27 ans — soit le nombre d'années que l'ex-hockeyeur a mis avant de dénoncer publiquement son agresseur.

«Tout cela est derrière moi et je sors vainqueur devant cette violence sexuelle que j'ai subie, avait-t-il confié à La Presse Canadienne, plus tôt cette semaine.

«Mon seul et unique objectif dans la vie — et pour le reste de mes jours — est d'offrir mon appui aux autres victimes qui se sont manifestées, ou qui le feront, et qui sont sur le chemin de la guérison.»

Par ailleurs, Sheldon Kennedy avait déclaré mardi, devant le comité sénatorial chargé d'étudier l'imposant projet de loi du Parti conservateur pour s'attaquer à la criminalité, que James écoperait probablement d'une peine avec sursis.

Il est apparu devant ce comité pour exprimer son soutien au projet de loi C-10 qui vise, entre autres, à établir des peines minimales obligatoires pour les crimes de nature sexuelle sur mineurs.

«Vous savez, Graham James va encore une fois s'en tirer. Et ce n'est pas correct.»

Greg Gilhooly a indiqué qu'il se préparait à cette possibilité.

«Sous plusieurs aspects, Graham n'est pas différent de Clifford Olson (tueur en série s'en étant pris à des enfants). À cette exception près que Graham a décidé de ne pas tuer ses victimes après les avoir traitées comme il l'a fait», a-t-il soutenu.

«Graham est un pédophile en série, qui choisissait sa victime, puis qui passait à une autre, puis une autre, et une autre encore, a-t-il ajouté. Si notre système judiciaire croit que la peine qu'il a reçue la première fois est suffisante, alors je dis que ce système est pourri.»