MONTRÉAL - Si les choses ne changent pas chez le Canadien, il pourrait y avoir d'autres bouleversements au sein de l'organisation. C'est là une phrase qui est souvent revenue dans la bouche des joueurs du Tricolore, samedi, quelques heures après le congédiement de Jacques Martin.

Certains observateurs estiment que c'est maintenant Pierre Gauthier, le directeur général, qui se retrouve sur la sellette. Mais d'ici à ce que le propriétaire et président du Tricolore Geoff Molson réagisse, c'est peut-être chez les joueurs que d'autres têtes pourraient rouler.

«Collectivement, joueurs et entraîneurs, nous n'avons pas accompli le travail. Peu importe les raisons, il fallait faire des changements et dans le sport professionnel, c'est habituellement l'entraîneur qui est le premier à partir, a déclaré le défenseur Josh Gorges en réagissant au départ de Martin. Tu ne peux pas te débarrasser de 20 joueurs, c'est trop compliqué. C'est la réalité. Nous devons aller de l'avant, nous devons être meilleurs et nous devons commencer à remporter des matchs, sinon il y aura d'autres changements et nous devrons dire au revoir à d'autres gens.»

«Ça fait assez longtemps que je joue pour savoir que si les choses changent encore, ce sera dans le vestiaire qu'il y aura des changements, a réagi Mathieu Darche. Je ne sais pas nécessairement ce que Pierre Gauthier pense, mais habituellement, ce qui arrive dans une équipe, c'est que si les choses ne se règlent pas, l'effet domino risque de se faire sentir jusque chez les joueurs.»

«C'est évident, nous avons eu de la difficulté à faire preuve de constance. Il faut trouver une manière de changer ça, a affirmé le capitaine Brian Gionta. La direction avait une décision difficile à prendre et malheureusement, c'est tombé sur Jacques.

«C'est toujours difficile dans ce contexte et on espère que Jacques retombera sur ses pieds.»

«Nous avons laissé trop de points nous glisser des mains, a ajouté Gorges. Probablement que (Gauthier) avait le sentiment qu'il fallait réagir avant qu'il ne soit trop tard, avant que remonter au classement ne devienne une tâche impossible.»

Certains accuseront Martin d'avoir trop cherché à étouffer le talent, à être trop dur à l'endroit des jeunes. Pas P.K. Subban.

«Quand tu arrives dans la ligue, la plupart des jeunes ont beaucoup de passion et d'énergie et veulent en faire le plus possible pour l'équipe. Mais en même temps, il faut apprendre et savoir quand et comment faire certaines choses, a affirmé Subban à ce sujet. Je sais que pour moi et les autres jeunes dans l'équipe, (Martin) nous a enseigné plusieurs choses qui nous serviront tout au long de notre carrière, qui feront de nous de meilleurs joueurs.»

Les qualités de Cunneyworth

Gorges a dit aimer l'intensité et la passion de Randy Cunneyworth, qui remplacera Martin par intérim à la barre du CH jusqu'à la fin de la saison.

«C'est un gars qui veut gagner, a dit le vétéran défenseur. Il est bien préparé, il parle beaucoup et il est facile d'approche. Sur la glace, tu peux toujours aller lui poser des questions. Et en dehors, il a toujours l'ordinateur pas loin pour l'aider dans ses discussions avec les joueurs. Il a le don de nous faire prendre conscience de l'importance de toutes sortes de petits détails.

«Je ne m'attends pas à de grands changements, il a un peu la même philosophie (que Martin), a fait remarquer Darche. On n'a rien chambardé à l'entraînement (samedi matin). Randy croit au système de Jacques. C'est simplement à nous, les joueurs, de mieux le mettre à exécution.»

«Si tu regardes les autres équipes, les systèmes de jeu sont pas mal semblables partout, a noté Gionta. C'est donc avant tout une question de bien mettre en application le système et de trouver une certaine constance. Je pense que c'est là-dessus que (Cunneyworth) va mettre l'emphase — la constance.

«Chaque entraîneur livre son message d'une manière différente, a par ailleurs souligné le capitaine du Tricolore. Le message ne sera pas nécessairement différent, mais le simple fait que ce sera une voix différente devrait s'avérer un avantage.

«Jacques n'a pas nécessairement 'perdu' son vestiaire. C'est juste qu'une voix différente se fera mieux entendre, a ajouté Gionta. Chose certaine, nous sommes à l'aise avec (Cunneyworth), il est là depuis le début de la saison, alors c'est bien de savoir qu'il est connaît déjà l'environnement.»

Quand l'ego fait obstacle

Martin n'en a pas été la première victime, et il n'en sera pas la dernière. Reste que les entraîneurs du sport professionnel doivent souvent composer avec un phénomène bien curieux, attribuable à la nature humaine: leurs méthodes et leur approche, qui fonctionnaient très bien à leur arrivée, perdent en efficacité avec le temps. Une sorte de loi du rendement décroissant.

«Parfois, les egos se mettent en travers du chemin, a reconnu Gorges. Rien n'a changé deux ans plus tard, le système est le même et tu sais qu'il peut fonctionner... Alors ça revient au fait que ce sont les joueurs qui ne font pas le travail. Parfois, peut-être que tu n'aimeras pas quelque chose personnellement, et tu t'éloignes de ce que tu dois faire...»

«Je n'ai jamais vu un entraîneur faire l'unanimité, a relaté Darche. J'ai des amis qui ont gagné la coupe Stanley ces dernières années et, sans nommer de noms, je peux vous dire que la moitié de l'équipe détestait l'entraîneur. Même si je ne pense pas que c'était comme ça ici.

«C'est le choix que chaque joueur fait individuellement, a poursuivi Darche. Moi, j'ai toujours eu comme mentalité que peu importe si je joue 15 minutes, cinq minutes ou zéro, je cherche à me préparer du mieux que je peux. Tout le monde devrait fonctionner comme ça, mais reste que certains sont moins contents quand ils vivent ce genre de choses. Ils en veulent plus. Sauf que si chacun fait son travail, il n'y a pas de problème.»