(RDS) - Bob Goodenow a toutes les raisons du monde pour arborer un large sourire. Malgré une économie qui bat de l'aile, malgré le fait qu'aux Etats-Unis, on enregistre plus de 800 000 emplois abolis depuis le début de l'année, ses membres continuent de vivre dans un autre monde, gâtés par des propriétaires sans scrupule. Les joueurs et les propriétaires ne savent pas ce qui se passe vraiment dans la vraie vie, dans les quartiers défavorisés.

Pendant que l'on congédie les gens, les hockeyeurs professionnels - disons plutôt les athlètes professionnels - baignent dans l'or. Les augmentations de salaire ne se comptent plus, bons ou mauvais, ils sont assurés, par la convention de travail, de gagner un salaire astronomique.

Goodenow, qu'on le veuille ou non, est mort de rire. A chaque saison, il entend les cris de détresse de Gary Bettman affirmant que les propriétaires grattent les fonds de tiroir. Il écoute les propos des administrateurs qui soutiennent que la situation ne peut pas continuer ainsi. Et, pourtant, à chaque été, c'est la course vers le Klondyke.

Encore cette année, à partir du 1er juillet, on a foutu en l'aire les bilans, au diable les chiffres des comptables, l'important c'est la victoire, il faut satisfaire les égos et, à nouveau, ce sont les dépenses indécentes. Une vingtaine de millions pour Martin Lapointe, $37.5 millions pour Jeremy Roenick, $47.5 millions pour Joe Sakic, $45 millions pour Rob Blake.

Et voilà maintenant que l'arbitre accorde $5.1 millions à Bill Guerin qui en demandait $6 millions aux Bruins. Sauf que les Bruins lui offraient $4 millions.

Si vous êtes le directeur exécutif de l'Association des joueurs, vous ne pouvez faire autrement que de sourire, d'autant plus que votre salaire de base, à titre de grand patron de l'Association, est établi à partir du salaire moyen des joueurs. Ca veut dire $1.5 millions par saison, plus évidemment les dépenses.

L'erreur des Jeux

Jusqu'à maintenant, Goodenow s'est admirablement bien débrouillé dans son rôle. L'AJLNH n'a jamais été aussi bien structurée, elle a élargi ses horizons, attaquant de nouveaux champs d'action afin d'augmenter les revenus de la caisse de retraite des joueurs. Il a aussi fait un travail colossal dans le but de venir en aide aux anciens joueurs dans le besoin.

Goodenow se prépare par ailleurs à livrer la négociation la plus importante de sa carrière. En 2004, la Ligue nationale et ses joueurs doivent renouveler la convention de travail et, à moins d'un revirement inattendu, il est d'ores et déjà assuré qu'il n'y aura pas de hockey en octobre 2004.

Les propriétaires veulent un plafond salarial. Il en a coûté $50,000 (amende imposée par Bettman) à Pierre Boivin, le président du Canadien, pour annoncer les couleurs des propriétaires. Mario Lemieux, plus chanceux que Pierre Boivin, a eu droit seulement aux reproches du commissaire, après avoir déclaré, il y a quelques semaines à Montréal, qu'un plafond salarial est incontournable pour la survie du hockey.

Dans le camp de Goodenow, nombreux sont les joueurs ne croient pas un traite mot de ce que peuvent prétendre les propriétaires au sujet de leur situation financière. Vincent Damphousse l'a mentionné ouvertement à mon confrère Serge Touchette. La table est donc mise pour un affrontement sans merci.

Il y a cependant un élément que Goodenow n'avait pas prévu et qui rendra les discussions encore plus animées et plus coriaces. Deux des meilleurs joueurs de l'histoire du hockey, les deux athlètes qui ont modifié par leur excellence la masse salariale de leur sport, s'attaqueront justement à Goodenow. Parce que cette fois-çi, Mario Lemieux et Wayne Gretzky sont de l'autre côté de la clôture.

Dans ses moments libres, Mario endosse toujours les épaulières, les jambières, le chandail mais Lemieux et Gretzky sont maintenant des propriétaires, et on peut dire aussi des propriétaires conscients des enjeux économiques de leur entreprise, conscients des difficultés qui pointent à l'horizon. Curieusement, les deux propriétaires qui ont décidé cet été de sabrer dans les dépenses, qui ont pris des positions drastiques vis-à-vis la masse salariale de leur formation, ce sont Lemieux et Gretzky. Jagr a été échangé pour trois inconnus, Jan Hrdina partira. Martin Straka et Alexei Kovalev sont sur le qui-vive. Gretzky a échangé Keith Tkachuk aux Blues. Il n'a fait aucun effort pour retenir Jeremy Roenick à Phoenix.

Un prélude

Et, dans le rôle avec l'équipe olympique du Canada, ils défient l'autorité de Goodenow en passant outre les recommandations de l'Association des joueurs.

Vous connaissez un peu le scénario. L'AJLNH ne voulait pas que Equipe Canada tienne un mini-camp d'entrainement en invitant une trentaine de joueurs. Goodenow donnait comme raison : des joueurs seront retranchés et ils n'ont pas à accepter une telle humiliation. Mon œil.

Finalement, Goodenow a cédé sous la pression en accordant la permission à Gretzky et son groupe d'organiser un mini-camp de deux jours. Une vraie farce.

Mais Goodenow aurait dû se méfier des deux ex-joueurs. Le grand Mario a relancé le débât en soulignant : " Et si on nous fournit du temps de glace pour au moins cinq jours, moi je suis prêt à demeurer à Calgary pour cinq jours. "

Pas fou du tout ce Mario. Si le meilleur joueur de la planète décide de demeurer à Calgary pour trois jours de plus, pensez-vous que les autres membres de l'équipe ne le feront pas. Ils sont d'ailleurs tous d'accord avec leur capitaine.

Indirectement, Mario et Gretzky viennent d'attaquer Goodenow sur son propre terrain. Ils viennent de lui servir un petit croc-en-jambe. Ca s'est fait poliment mais le coup fait grimacer le directeur exécutif de l'Association des joueurs.

Tout d'abord, les joueurs canadiens et même chose pour les Américains, se rangent du côté de Lemieux et de Gretzky, deux propriétaires. Ils se rangent aussi du côté de Lemieux, un membre " non participant " de l'Association des joueurs.

En 2004, ce n'est pas Bettman qui sera le gros joueur de la partie patronale lors des négociations. Ce sont Lemieux et Gretzky. Ils viennent tout juste de tâter le terrain et de faire connaître leurs couleurs.

Ca promet !