BROSSARD - Ce n'est pas une illusion. Les jeunes occupent plus de place que jamais dans la LNH.

C'est le cas du Canadien, qui a ouvert la porte toute grande à P.K. Subban cette saison. Les Oilers d'Edmonton, de passage au Centre Bell mercredi soir, ont poussé l'exercice encore plus loin - prudence budgétaire oblige - en alignant Taylor Hall, Jordan Eberle et Magnus Paajarvi, tous des attaquants de 20 ans et moins.

"On dirait qu'à peu près toutes les équipes ont un jeune ou deux qui ont un certain impact, souligne Subban. C'est bien, c'est une bonne chose pour l'avenir de la ligue."

C'est là un phénomène relativement nouveau. Hal Gill peut en témoigner, lui qui a fait ses débuts dans la LNH en même temps que Joe Thornton avec les Bruins, en 1997-98.

Le vétéran défenseur du Tricolore se souvient que Thornton en avait arraché à ses premiers moments dans la ligue avant de devenir l'un des joueurs-clés des Sharks de San Jose.

"Les entraîneurs étaient sur son dos et il ne jouait pas beaucoup, raconte Gill. Il a dû gagner ses galons, en prouvant d'abord qu'il pouvait faire toutes les petites choses de la bonne façon.

"Maintenant, les jeunes ont beaucoup plus de marge de manoeuvre. On les laisse davantage essayer des choses, tenter des jeux quitte à commettre des erreurs, note le défenseur de 35 ans. On les laisse jouer à leur manière.

"Que ce soit à cause du plafond salarial ou parce que les joueurs ont droit à l'autonomie à un plus jeune âge, il y a assurément plus de jeunes qui ont davantage d'impact dans leurs clubs."

Selon Jacques Martin, l'attitude des dirigeants de clubs à l'égard des jeunes a changé à cause des deux raisons évoquées par Gill. Ces contraintes font en sorte qu'on n'a plus le temps d'être aussi patient qu'avant. On veut rentabiliser son investissement le plus vite possible.

"Les clubs repêchent des joueurs, les développent et à un certain moment, ils doivent leur donner une réelle opportunité, souligne l'entraîneur du Canadien. Ils ne veulent pas risquer de les perdre au ballottage."

Le nombre accru de jeunes a aussi mené à un cercle vicieux: il y a plus de joueurs rapides et fringants dans la LNH, alors il faut des joueurs rapides et fringants pour rivaliser contre eux.

"Le hockey est devenu très rapide, note Martin. Le rythme du jeu semble s'accélérer d'année en année. Les vétérans ont parfois de la difficulté à suivre."

"Les jeunes pètent le feu quand ils arrivent dans la ligue, indique Subban. Tu veux faire bonne impression, tu veux conserver le poste qu'on t'a confié, et montrer que tu veux faire carrière dans la LNH. Il n'y a aucun relâchement dans ton jeu."

Les Oilers, un cas type

Même s'ils n'alignent pas l'équipe la plus jeune de la LNH - cet honneur revient aux Kings de Los Angeles - les Oilers représentent un bon exemple du phénomène de rajeunissement qu'on observe dans le circuit Bettman.

Chez les Oilers, les Hall, Eberle et Paajarvi se retrouvent déjà sous les feux de la rampe. Ils doivent donc composer avec la pression malgré leur manque d'expérience. Ce qui n'est pas toujours évident - on l'a vu à Montréal dans le cas de Subban, dont l'enthousiasme a eu l'heurt de prendre certains adversaires à rebrousse-poil.

"On essaie d'éliminer cette pression", déclare Tom Renney, l'entraîneur des Oilers, en parlant de son trio de jeunes prodiges en devenir, que certains évoquent dans le même souffle que les Wayne Gretzky, Mark Messier et Jari Kurri du début des années 1980. On peut les protéger jusqu'à un certain point, mais vient un moment où il faut les laisser aller sur la glace et jouer. On veut qu'ils vivent pleinement chaque situation.

"L'important, c'est de les aider à comprendre ce qu'ils viennent de vivre comme expérience, à l'aide de séances de vidéo et de discussions. Il faut aussi les laisser respirer un peu, du moins assez pour qu'ils se fassent leur propre idée de la situation avant de venir à toi.

"Les entraîneurs doivent être proactifs dans le but d'éclaircir certaines zones grises, ajoute Renney, qui a dirigé les Rangers de New York pendant cinq saisons. Mais à part cela, il faut les laisser jouer, leur donner l'occasion de connaître du succès dans les aspects du jeu qui leur viennent naturellement, sans trop les protéger."

Taylor et Eberle passent plus de 17 minutes par match en moyenne sur la patinoire, tandis que Paajarvi a une moyenne d'un peu plus de 14 minutes par rencontre. Malgré cela, Taylor n'a pas l'impression qu'on leur impose un défi qui est au-delà de leurs capacités.

"On a notre rôle particulier à jouer. On sait quelle est notre place dans l'équipe, affirme celui qui a été le tout premier choix au dernier repêchage. Mais on sait aussi qu'il faut qu'on produise. On ne cherche pas à échapper à cette responsabilité-là.

"On s'attend à bien faire chaque soir. On peut connaître de bonnes soirées de temps à autre dans cette ligue, même si on est jeunes et sans expérience.

"On sait que l'équipe est jeune et que notre cheminement ne se fera pas sans heurts, mais nos attentes sont élevées."