MONTRÉAL - L'ex-hockeyeur Guy Lafleur dit que son arrestation en 2008 lui "a coupé les jambes" et que cela lui a fait très mal de voir sa famille souffrir.

« On m'a traité comme un criminel », a-t-il relaté mardi devant un juge de la Cour supérieure, dans une salle du palais de justice de Montréal.

M. Lafleur, âgé de 63 ans, a raconté son arrestation par la police en 2008, après avoir été accusé d'avoir offert des témoignages contradictoires dans la cause criminelle de son fils Mark, pour que ce dernier soit remis en liberté.

Il s'agissait de la deuxième journée du procès civil qu'a intenté Guy Lafleur contre le Service de police de la ville de Montréal et le procureur général du Québec pour 2,16 millions $ en dommages.

Il allègue que la police a bâclé l'enquête criminelle à son sujet et que la Couronne a voulu l'intimider et a commis un abus de pouvoir en déposant des accusations contre lui.

L'ancien joueur étoile du Canadien de Montréal a ainsi détaillé l'humiliation qu'il a subie en raison de son arrestation et des procédures criminelles intentées contre lui, ainsi que le tort causé à sa famille.

Il a dit qu'après son arrestation, sa femme était « dévastée ».

« Elle a perdu la voix et est restée au lit pendant six mois », a-t-il rapporté.

« Elle a dit: 'mon fils a été arrêté. Mon mari a été arrêté. La prochaine ça va être moi? »

Il a aussi dit avoir eu « très mal » de ne pas pouvoir aider son fils quand il en avait besoin. Après avoir été arrêté, il n'a plus témoigné dans la cause criminelle de son fils Mark, ne se sentant plus la crédibilité de le faire.

« Quand tu vois tes proches souffrir, tu souffres autant », a-t-il dit au juge André Wery, calme mais tendu.

« Tout le monde était à l'envers. »

Dans son témoignage sobre, peu détaillé, l'ancien joueur de hockey s'est adressé au juge pour tenter d'expliquer ce qu'il avait vécu.

« J'aimerais ça trouver les mots comme certains, mais je ne peux pas. »

« Ça fait mal », a-t-il résumé.

Guy Lafleur a expliqué qu'il collaborait avec les policiers en lien avec l'accusation de témoignages contradictoires et avait même déjà un rendez-vous avec eux. Malgré cela, une agente qui voulait le voir plus tôt l'a menacé d'envoyer un policier chez lui pour l'arrêter devant tous ses voisins.

Il a aussi relaté ses déboires avec d'autres policiers, qui l'ont interrogé, entre les deux témoignages pour Mark. Les questions portaient notamment sur le beau-père d'un ancien joueur du Canadien, Chris Nilan. Ces policiers ont exhibé devant lui des lettres du FBI et l'un d'eux aurait dit que le FBI « l'a à l'oeil » et « quand ils se mettent à surveiller quelqu'un, ils peuvent te détruire, toi et ta famille », a déclaré M. Lafleur.

Selon lui, la nouvelle de son arrestation a rapidement fait le tour de la planète. Il a expliqué avoir immédiatement reçu des appels d'un avocat de Boston et d'un ami en Italie qui se posaient des questions à son sujet.

Des bruits ont commencé à courir selon lesquels il se ferait retirer l'Ordre national du Québec, une médaille reçue en 2005. Jean Charest, alors premier ministre, est intervenu lui-même pour faire taire les rumeurs.

Les témoignages divergents qu'on lui reproche ont été faits lors d'audiences de remise en liberté de Mark, alors âgé de 22 ans. Celui-ci devait résider au centre l'Exode. Mais lors de sorties de fin de semaine, il demeurait chez ses parents. À deux occasions, il a passé une nuit à l'hôtel, avec sa petite amie. Lors d'un premier témoignage, M. Lafleur n'a pas parlé de ces deux nuits passées à l'hôtel mais l'a mentionné lors d'une seconde audition en Cour. Se faisant confronter à cette divergence, M. Lafleur a répliqué que personne ne lui avait posé cette question la première fois et aussi qu'il croyait que les seules conditions pour son fils lors des sorties étaient de respecter un couvre-feu et aussi de ne pas consommer d'alcool ni de drogues.

Condamné en Cour supérieure, Guy Lafleur a toutefois été blanchi par la Cour d'appel en 2010. Dans son jugement, la Cour d'appel écrit que la Couronne n'a pas fait la preuve de l'infraction reprochée et même que cette obligation pour Mark de dormir chez ses parents n'existait pas du tout.

Mais les procédures, hautement médiatisées, lui ont fait vivre un enfer, dit-il.

Le procès doit durer environ trois semaines. Le témoignage de M. Lafleur se poursuit mercredi. Il sera ensuite contre-interrogé par les avocats des policiers et de la Couronne qui pourront alors contester sa version des faits.

Pour une deuxième journée, M. Lafleur a préféré ne pas répondre aux questions des journalistes.