MONTRÉAL – À Ottawa, la transaction qui a envoyé le meilleur défenseur de l’histoire des Sénateurs à l’autre bout du continent en septembre dernier a été justifiée ainsi : l’organisation mettait la main sur six atouts sur lesquels elle pouvait désormais baser son travail de reconstruction. Qui? Pas important. SIX atouts!

À San Jose, le pitch de vente n’a pas nécessité autant de créativité. On venait, après tout, d’acquérir Erik Karlsson. Y avait-il vraiment quelque chose à ajouter?

En fait, oui.

Dans l’éclipse provoquée par l’ajout d’un double récipiendaire du trophée Norris à une brigade défensive déjà composée de deux joueurs étoiles, le Québécois Francis Perron est un peu (beaucoup) tombé dans l’oubli. Pourquoi s’attarder sur le sort d’un ancien choix de septième ronde quand l’un des joueurs les plus courtisés dans la LNH change finalement d’adresse?

« On s’entend que je ne m’attendais pas à autre chose, s’est empressé de dédramatiser Perron en entrevue avec RDS cette semaine. Quand Pierre [Dorion, le directeur général des Sénateurs] m’a appelé pour me dire que j’étais échangé avec Karlsson, je savais un peu que ça allait faire ça. Alors non, ça ne me dérange pas. Je suis arrivé là et personne n’avait d’attente envers moi. La plupart du monde ne savait même pas qui j'étais parce que les deux dernières années ont été assez tranquilles dans la Ligue américaine. »

La saison est encore bien jeune, mais l’ancien des Huskies de Rouyn-Noranda est en train de faire sa part pour solidifier la réputation de fin renard du directeur général Doug Wilson. Limité à 26 et 15 points à ses deux premières saisons chez les professionnels, il en compte déjà neuf en sept matchs depuis le début de son aventure californienne avec le Barracuda de San Jose, le club-école des Sharks. Les quatre buts à sa fiche égalent la production qu’il a générée en 44 matchs la saison dernière. S’il conserve son rythme actuel, il aura surpassé toutes ses marques personnelles avant la mi-décembre.    

Cette apparence d’éclosion, l’attaquant de 22 ans se l’explique d’abord par l’accumulation d’expérience à son compteur. Arrivé au camp des Sénateurs complètement débarrassé d’une blessure à la main et fort d’un gros été d’entraînement, il croit que qu’il serait parvenu à engraisser ses statistiques même s’il était retourné à Belleville pour une troisième saison dans le réseau des Sénateurs.

« De ce côté-là, je n’étais pas trop inquiet. C’est quand même long, deux grosses saisons comme ça dans la Ligue américaine. Tu apprends, tu vieillis là-dedans. Veux, veux pas, je n’ai pas produit beaucoup, mais j’ai beaucoup grandi dans mes deux années à Binghamton et Belleville. Je suis devenu un joueur beaucoup plus complet, j’ai beaucoup travaillé sur mon côté défensif. Présentement, ça rapporte parce que l’entraîneur ici me fait confiance et peut voir que je suis un gars assez mature pour mon âge. »

Perron ne cache toutefois pas qu’un changement de décor n’était pas de refus. Une fois le choc de la transaction encaissé, il a rapidement réalisé que les nouvelles conditions dans lesquelles il se retrouverait lui seraient favorables. « C’est une organisation qui s’était montrée bien intéressée au repêchage, je m’en souvenais », note-t-il.

Chez le Barracuda, il a retrouvé plusieurs confrères québécois en Thomas Grégoire, Jeffrey Truchon-Viel, Antoine Bibeau et Jérémy Roy, son partenaire d’entraînement estival. La présence de l’entraîneur-adjoint Jimmy Bonneau n’a pas nui non plus.

L’entraîneur-chef Roy Sommer lui a rapidement donné les bons outils pour faire sa niche. Il est utilisé sur un deuxième trio et sur la deuxième vague de l’avantage numérique. Le Suisse Vincent Praplan, une recrue de 24 ans, est son partenaire régulier. Ils ont joué trois matchs avec Dylan Gambrell avant que celui-ci ne soit rappelé par le grand club.  

« J’ai un rôle vraiment offensif. C’est ce que je voulais et je pense qu’à date, je montre à l’entraîneur qu’il n’a pas le choix de me le laisser », constate Perron. Celui qui a terminé sa carrière junior avec une saison de 108 points ajoute que ce genre d’opportunité lui était offert avec parcimonie avec l’équipe réserve des Sens.

« C’est arrivé dans les deux dernières années que j’ai eu du temps de jeu sur l’avantage numérique. J’ai aussi eu quelques matchs sur les deux premières lignes, mais je te dirais que c’était vraiment plus souvent troisième, quatrième trio. Et l’année passée, je jouais pratiquement juste en désavantage numérique. Je te dirais que c’est vraiment la première fois... tu sais, j’ai une bonne chimie avec l’entraîneur. Je pense qu’il voit ce que je peux apporter à l’équipe. C’est la première fois que je me sens aussi bien par rapport à ça. On me donne ma chance et j’essaie de la prendre le plus possible. »