À chaque fois que je croisais John D'Amico, je cherchais toujours à savoir s'il aurait toujours la même version des faits.

"John, ils étaient combien sur la patinoire, les Bruins?"

D'Amico répondait toujours avec un sourire : " Trop… " Puis, il cherchait toujours à appuyer sa défense avec un récit précis des événements.

C'était le 10 mai 1979. Le Forum était rempli à craquer, les Bruins et le Canadien disputaient le match décision d'une série qui jusque là avait été fertile en émotions. Une série typique de celles que se livraient à tous les printemps, ou presque, ces deux formations. Les Bruins n'étaient qu'à deux ou trois minutes d'une victoire inattendue, une victoire qui freinerait la course du Tricolore vers une quatrième coupe Stanley d'affilée.

… puis le coup de sifflet se fit entendre. Don Cherry monte sur le banc. Lève les bras et regarde en direction de John D'Amico.

Les Bruins ont trop de joueurs sur la patinoire. Une décision audacieuse de la part de John D'Amico mais a-t-il vraiment le choix?

" Pourtant j'avais crié au banc des Bruins avant d'arrêter le jeu : vous avez trop de " clients " sur la patinoire, faites vite, " me raconta-t-il des dizaines de fois au cours des dernières années. Don Cherry avait perdu le contrôle, c'était la panique chez les Bruins parce que Guy Lafleur venait de sauter dans la mêlée et la stratégie voulait que Don Marcotte devait se retrouver lui aussi sur la surface de jeu dans l'unique but de stopper Lafleur.

Mais, deux joueurs des Bruins sautèrent sur la patinoire.

Les Bruins menaient alors 4-3 et Harry Sinden, du haut de la galerie de la presse, fit une sainte colère. Les fameux fantômes du Forum s'apprêtèrent à hanter une fois de plus l'existence des Bruins. Vous connaissez le scénario.

Un tir de Lafleur dans la dernière minute de jeu, alors que le Canadien travaille en supériorité numérique, un tir qui surprit Gilles Gilbert. En prolongation, un superbe jeu de Serge Savard aux dépens de Rick Middleton qui filait seul vers Ken Dryden fut à l'origine d'une contre-attaque spectaculaire de Réjean Houle à Mario Tremblay à Yvon Lambert. But en prolongation, bye bye les Bruins, au revoir Donald La Cerise comme on se plaisait à l'appeler.

John D'Amico, intronisé au Temple de la Renommée, est décédé en fin de semaine à l'âge de 67 ans, souffrant de la leucémie. Plusieurs soutiennent, notamment Scotty Bowman, qu'il fut le meilleur juge de ligne de l'histoire du hockey. Il savait quand intervenir lorsque l'atmosphère était tendue, il savait comment riposter à des joueurs un peu trop nerveux, il savait comment réagir dans l'adversité et il savait surtout prendre les décisions corsées sous la pression.

Ça barde

C'était inévitable.

On ne peut pas entraîner un groupe d'athlètes dans une situation aussi dramatique sans soulever la controverse et sans créer un climat de contestation au sein de l'organisme qu'on dirige.

Bob Goodenow a offert une réduction des salaires de 24%, les propriétaires ont accepté mais Goodenow n'a rien réglé. Il a refusé un plafond salarial à $42.5 millions, aujourd'hui, les propriétaires lui offrent un plafond à $36 millions.

Les joueurs ont perdu $1.2 milliard en salaires en plus de concéder 24% de leurs revenus. Et, pourtant, Goodenow n'a encore rien gagné.Doit-on maintenant s'étonner qu'il y a maintenant deux clans, au sein de l'AJLNH, celui de Bob Goodenow et celui de Trevor Linden et Mike Gartner.

Linden et Gartner dirigent un groupe imposant de joueurs qui souhaitent le renouvellement de la convention de travail dans les plus brefs délais. Le groupe de Goodenow désire de son côté ralentir les discussions dans l'espoir d'obtenir des compromis importants de la part des propriétaires.

Aujourd'hui et jeudi, les joueurs et les propriétaires se rencontrent à Toronto, deux réunions qui pourraient déterminer quel clan chez les joueurs a pris le contrôle du syndicat. Est-ce Goodenow ou encore Linden et Gartner?

Pour l'instant, Linden et Gartner ont suffisamment de joueurs ralliés à leur cause pour renverser le pouvoir. Une situation qui doit sûrement plaire aux propriétaires.