Le point de non-retour
Hockey lundi, 20 févr. 2012. 22:33 jeudi, 12 déc. 2024. 05:41
-Lui : « Et puis? » -Moi : « Je crois que nous avons franchi le point de non-retour... »
C'était le 26 décembre très tôt le matin. J'étais le premier arrivé à l'aréna, je m'apprêtais déjà à enfiler mes jambières pour sauter sur la patinoire avant que les autres arrivent. Lui, c'était John Tortorella. On avait beau être le lendemain de Noël, être prêt à sauter sur la patinoire à 8h ne me dérangeait pas. Ce n'est pas comme si j'avais eu à me réveiller de bonne heure, je ne dormais plus depuis un certain temps. Les paroles que j'ai prononcées à ce moment n'étaient pas préparées, elles étaient senties, elles m'ont façonné.
Le point de non-retour faisait allusion à toutes ces prises de bec, ces désaccords, ces gifles au visage, ces tentatives de réparer les pots cassés, ces essais que l'on ne mène pas jusqu'au bout. J'ai passé par le déni, la colère, la reconnaissance de mes torts, l'acharnement et le découragement avant de comprendre. Comprendre que de blâmer autre que soi ne fait que nous ralentir, que d'attendre l'aide d'autrui peut être interminable.
Après une première saison où je n'ai pas performé à la hauteur des attentes, le Lightning s'est tout de même qualifié pour les séries alors que j'avais disputé la majorité des matchs. L'affront ultime est venu lors du 82e et dernier match de la saison à Atlanta lorsque je fus laissé sur la galerie de presse pour la première fois de ma carrière au profit d'un jeune gardien fraîchement rappelé de la LAH. Je croyais obtenir le départ ce soir-là! Naïf, dites-vous? Peut-être
Après une élimination au premier tour que j'ai observée du haut des gradins, on m'a promis un nouveau départ la saison suivante. On m'a dit que j'aurais la chance de me faire valoir, j'y ai cru. Naïf, dites-vous? Pas à peu près
Ce lendemain de Noël, c'était en 2007. C'était suite à une première moitié de saison où je n'avais obtenu aucun départ à domicile. Quatre au total, trois lors d'un deuxième match en 24h pour notre équipe, mon dernier, qui s'avère aussi être mon dernier en carrière, contre les Canadiens au Centre Bell, une victoire, ironiquement.
Le 27 décembre, le Tricolore nous visitait à Tampa. En chemin vers le Forum, j'ai reçu un appel de Jay Feaster, le directeur-gérant. En arrivant dans son bureau, il m'a confirmé que mon nom serait inscrit au ballottage. Je devais me rapporter à Norfolk ensuite, mais pas de presse. Il me laissait tout le temps dont j'avais besoin. J'ai disputé mon premier match dans la Ligue américaine en plus de dix ans, le 31 décembre 2007, à Wilkes-Barre. J'avais mal. Bonne année.
La délivrance est survenue l'été suivant, un appel de Feaster, encore. Aux prises avec un changement de propriétaires, il avait tout de même obtenu le feu vert pour racheter la dernière année de mon contrat. Oui, oui j'ai bien utilisé le mot délivrance.
Je ne faisais pas le même salaire que Scott Gomez, mais mon contrat, contrairement à la croyance populaire, n'a jamais agi comme un baume sur mes plaies. L'honneur et le sentiment du devoir accompli, l'athlète ne les trouve pas dans son talon de chèque de paie, mais dans ses performances. J'étais libéré d'un fardeau, libre de tenter ma chance ailleurs et de retrouver mes repères, même si je n'ai jamais rejoué sur une base régulière dans la LNH.
Je ne suis pas amer envers ce qui m'est arrivé, le hockey m'a donné beaucoup plus qu'il ne m'en a pris. Je suis l'homme que je suis aujourd'hui parce que j'ai traversé ces tempêtes et que j'en suis sorti détrempé, mais la tête haute. Je serai un homme, un père, un mari bien plus longtemps que je n'ai été un gardien de la LNH.
Nous sommes à moins d'une semaine de la date limite des transactions, il sera intéressant de voir combien de joueurs changeront d'adresse et combien d'autres auront franchi le point de non-retour
C'était le 26 décembre très tôt le matin. J'étais le premier arrivé à l'aréna, je m'apprêtais déjà à enfiler mes jambières pour sauter sur la patinoire avant que les autres arrivent. Lui, c'était John Tortorella. On avait beau être le lendemain de Noël, être prêt à sauter sur la patinoire à 8h ne me dérangeait pas. Ce n'est pas comme si j'avais eu à me réveiller de bonne heure, je ne dormais plus depuis un certain temps. Les paroles que j'ai prononcées à ce moment n'étaient pas préparées, elles étaient senties, elles m'ont façonné.
Le point de non-retour faisait allusion à toutes ces prises de bec, ces désaccords, ces gifles au visage, ces tentatives de réparer les pots cassés, ces essais que l'on ne mène pas jusqu'au bout. J'ai passé par le déni, la colère, la reconnaissance de mes torts, l'acharnement et le découragement avant de comprendre. Comprendre que de blâmer autre que soi ne fait que nous ralentir, que d'attendre l'aide d'autrui peut être interminable.
Après une première saison où je n'ai pas performé à la hauteur des attentes, le Lightning s'est tout de même qualifié pour les séries alors que j'avais disputé la majorité des matchs. L'affront ultime est venu lors du 82e et dernier match de la saison à Atlanta lorsque je fus laissé sur la galerie de presse pour la première fois de ma carrière au profit d'un jeune gardien fraîchement rappelé de la LAH. Je croyais obtenir le départ ce soir-là! Naïf, dites-vous? Peut-être
Après une élimination au premier tour que j'ai observée du haut des gradins, on m'a promis un nouveau départ la saison suivante. On m'a dit que j'aurais la chance de me faire valoir, j'y ai cru. Naïf, dites-vous? Pas à peu près
Ce lendemain de Noël, c'était en 2007. C'était suite à une première moitié de saison où je n'avais obtenu aucun départ à domicile. Quatre au total, trois lors d'un deuxième match en 24h pour notre équipe, mon dernier, qui s'avère aussi être mon dernier en carrière, contre les Canadiens au Centre Bell, une victoire, ironiquement.
Le 27 décembre, le Tricolore nous visitait à Tampa. En chemin vers le Forum, j'ai reçu un appel de Jay Feaster, le directeur-gérant. En arrivant dans son bureau, il m'a confirmé que mon nom serait inscrit au ballottage. Je devais me rapporter à Norfolk ensuite, mais pas de presse. Il me laissait tout le temps dont j'avais besoin. J'ai disputé mon premier match dans la Ligue américaine en plus de dix ans, le 31 décembre 2007, à Wilkes-Barre. J'avais mal. Bonne année.
La délivrance est survenue l'été suivant, un appel de Feaster, encore. Aux prises avec un changement de propriétaires, il avait tout de même obtenu le feu vert pour racheter la dernière année de mon contrat. Oui, oui j'ai bien utilisé le mot délivrance.
Je ne faisais pas le même salaire que Scott Gomez, mais mon contrat, contrairement à la croyance populaire, n'a jamais agi comme un baume sur mes plaies. L'honneur et le sentiment du devoir accompli, l'athlète ne les trouve pas dans son talon de chèque de paie, mais dans ses performances. J'étais libéré d'un fardeau, libre de tenter ma chance ailleurs et de retrouver mes repères, même si je n'ai jamais rejoué sur une base régulière dans la LNH.
Je ne suis pas amer envers ce qui m'est arrivé, le hockey m'a donné beaucoup plus qu'il ne m'en a pris. Je suis l'homme que je suis aujourd'hui parce que j'ai traversé ces tempêtes et que j'en suis sorti détrempé, mais la tête haute. Je serai un homme, un père, un mari bien plus longtemps que je n'ai été un gardien de la LNH.
Nous sommes à moins d'une semaine de la date limite des transactions, il sera intéressant de voir combien de joueurs changeront d'adresse et combien d'autres auront franchi le point de non-retour