MONTRÉAL - S'il peut sembler assez clair que Guy Lafleur ait fait des déclarations contradictoires lors de deux témoignages, en 2007, le noeud de l'affaire réside dans l'intention qu'il avait.

À moins d'un changement, le juge Claude Parent, de la Cour du Québec, devrait trancher le 1er mai si, oui ou non, l'ancienne étoile du Canadien a volontairement induit la cour en erreur à sa première apparition devant le tribunal, en septembre 2007.

"Il est toujours rentré aux heures qu'il devait rentrer", avait alors prétendu Guy Lafleur au sujet de son fils Mark, soumis à un couvre-feu. "Il n'a jamais dépassé minuit et demi." Un mois plus tard, sa version était tout autre, le père admettant que son fils avait couché deux nuits à l'hôtel.

Accusé d'avoir livré des témoignages contradictoires, une offense qui peut valoir jusqu'à 14 ans de détention, Guy Lafleur subissait son procès, jeudi, au Palais de justice de Montréal.

La procureure de la Couronne, Lori Weitzman, soutient qu'il a sciemment menti, et qu'il avait des raisons de le faire.

"Il faut savoir qu'il l'a fait dans un contexte d'enquête-caution, où il essayait de sortir son fils de prison et de donner toutes les garanties qu'il pourrait lui faire respecter les conditions de couvre-feu et de ne pas consommer, a-t-elle déclaré à sa sortie de la salle d'audience. Est-ce qu'il avait intérêt à faire croire au juge qu'il était capable de lui faire respecter les conditions, alors que pour lui un couvre-feu pouvait se faire correctement alors que son fils couchait à l'hôtel?"

Pendant le procès, Me Weitzman a fait entendre les enregistrements des deux témoignages en cause, puis le célèbre numéro 10 a une nouvelle fois pris la barre pour soutenir, entre autres, qu'il n'avait jamais eu l'intention de mentir.

M. Lafleur a dit que s'il n'a pas mentionné la première fois que son fils avait passé au moins deux nuits à l'hôtel, c'était parce qu'on ne lui avait alors pas posé la question et que ça ne lui était "pas passé par l'esprit".

Mais le juge Parent s'est montré étonné d'apprendre que M. Lafleur n'y avait pas pensé, alors que plusieurs questions tournaient alors autour de cette possibilité.

Guy Lafleur a souvent insisté sur le fait que dans son esprit, l'obligation de respecter un couvre-feu permettait quand même à Mark de dormir à l'hôtel. "Le sens du couvre-feu, c'était qu'il respecte les heures qu'il devait être rentré, a-t-il argué. Ça ne voulait pas nécessairement dire à la maison, ça pouvait être à l'hôtel."

Pressé par Me Weitzman, M. Lafleur a finalement reconnu qu'il avait "peut-être fait une erreur".

Dans sa plaidoirie, l'avocat Jean-Pierrre Rancourt a reconnu que son client avait donné une explication pouvant paraître ambiguë, mais il a ajouté que celle-ci demeurait "quand même plausible".

Me Rancourt a ainsi joué la carte du doute raisonnable.

Le 19 septembre 2007, Guy Lafleur avait témoigné à l'enquête sous remise en liberté de son fils devant le juge Robert Sansfaçon. Il avait alors passé sous silence le fait que Mark avait découché au moins deux fois pour passer la nuit avec sa copine à l'hôtel. Mark Lafleur devait dormir chez ses parents lorsqu'il obtenait une permission de sortie du centre de désintoxication où il demeurait sur l'ordre de la cour.

Le 15 octobre, il avait livré un autre discours à la juge Carol Cohen.

"Il a respecté son couvre-feu à l'exception de deux reprises, où il est allé dans un hôtel", avait reconnu le père. M. Lafleur avait expliqué l'avoir laissé faire parce qu'il était "important pour sa réinsertion sociale qu'il ait une vie intime".

"C'est parce que vous avez la preuve qu'il est allé à l'hôtel", avait carrément répondu Guy Lafleur quand on lui avait demandé pourquoi il admettait cette fois que son fils y avait passé deux nuits.

En début de procès, jeudi, la cour a entendu le sergent détective Josée Gagnon, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). C'est elle qui avait découvert que Mark Lafleur avait passé des nuits à l'hôtel.

En février dernier, le juge Claude Parent avait rejeté la requête du hockeyeur qui cherchait à obtenir un arrêt des procédures, en invoquant les circonstances de sa mise en accusation. Me Rancourt avait fait valoir que le mandat d'arrestation lancé contre le célèbre numéro 10 était abusif et illégal.

Le juge Parent avait tout de même conclu que l'émission d'un mandat d'arrestation à son égard n'était pas nécessaire et constituait effectivement un abus. Le magistrat avait cependant conclu que "l'émission illégale du mandat d'arrestation ne menace d'aucune façon l'équité du procès".

Me Rancourt avait vu dans les commentaires du juge un argument susceptible de favoriser le recours civil de 3,5 millions $ que Guy Lafleur a intenté contre le SPVM et la Couronne.