Depuis le début de la saison, Stéphan Lebeau et Daniel Marois ont évolué au sein d'un même trio à Ambri. Ce duo nous a permis de remporter plusieurs victoires, bien sûr avec la complicité des autres joueurs de notre formation. Nos jeunes d'origine suisse ont connu des bonnes séquences pendant cette période fructueuse. Les équipes adverses devaient se méfier de toutes nos lignes car notre attaque était équilibrée.

Récemment, notre équipe a éprouvé des difficultés à gagner. On a perdu plusieurs matchs par la marge d'un but. Sans vouloir se donner des excuses, il faut reconnaître que les blessures nous ont durement touchées.

Nos adversaires ont concentré leurs efforts à stopper le trio de Stéphan Lebeau et Daniel Marois. Le mort d'ordre était assez simple. Il suffit d'arrêt les deux Québécois pour battre Ambri. Un peu comme à Anaheim, lorsque l'ennemi neutralise Paul Kariya et Teemu Selanne, leurs chances de battre les Mighty Ducks viennent d'augmenter considérablement.

Stéphan Lebeau a connu une profonde léthargie. Il a été 12 matchs sans marquer un seul but. Il travaillait fort mais les résultats n'étaient pas là. Souvent, lorsqu'un joueur connaît une léthargie, il oublie de mettre en pratique les jeux de bases. On a dit à Stéphan de lancer plus souvent et de foncer au filet ce qu'il ne faisait plus.

Wayne Gretzky, pour un, était toujours parmi les joueurs ayant le plus de tirs dans une saison. Comme quoi, c'est payant de lancer. Les statistiques montrent que 60% des buts sont marqués de l'enclave, dans un cercle d'environ 40 pieds du filet. Or, dans sa période creuse, Stépan se trouvait rarement dans cette zone payante. Nous avons finalement démantelé le trio. Daniel Marois éprouvait lui aussi des difficultés en attaque. Bref, cela était devenu un cercle vicieux.

La pression est sur les étrangers

Stephan Lebeau a finalement retrouvé le fond du filet. Ce fut sûrement un soulagement pour lui car la pression sur les étrangers est infernale en Suisse. Les gens au Québec ne peuvent s'imaginer jusqu'à quel point la tension est forte sur les joueurs étrangers.

Financièrement, les hockeyeurs canadiens sont bien traités en Suisse. Par contre, ils doivent produire à tout prix, sinon la critique est vitriolique. Notre équipe a connu une période difficile après avoir connu un bon début de saison et rapidement les joueurs canadiens de l'équipe ont été pointés du doigt.

Pourtant, nos récents insuccès ne sont pas attribuables uniquement aux performances de nos joueurs canadiens. Avec nos blessés, les autres hockeyeurs suisses ont été incapable de prendre la relève sur le plan offensif.

Notre philosophie comme équipe est justement de changer cette mentalité. On doit amener les hockeyeurs suisses à devenir des joueurs clés au même titre que les étrangers. Ils se doivent eux aussi de faire la différence dans une partie. S'ils veulent un jour évoluer dans la Ligue nationale de hockey, ils doivent franchir cette étape.

Techniquement, les jeunes Suisses sont doués. Ils possèdent un bon coup de patin, leurs passes sont précises mais ils ont un blocage quand il s'agit de marquer les gros buts.

Contrairement à d'autres formations de la LNA, on utilise beaucoup les joueurs suisses de notre formation. Ils ont la chance de se développer. Ailleurs, les jeunes ont très peu de temps de glace. Les vétérans sont utilisés à profusion. Pour les dépisteurs de la LNH, la seule façon de les découvrir est d'assister aux pratiques.

A Ambri, deux de nos jeunes attaquants, Alain Demuth et Vitaly Lakhamatov devraient être rêpéchés même s'ils ont été blessés au cours de la saison.

Paul Kariya n'avait pas de lancer

Lorsque Paul Kariya a été repêché en 1993, il ne possèdait pas un tir foudroyant. Brendan Shanahan s'était même moqué de son lancer. Kariya est un athlète très fier et la remarque de Shanahan n'est pas restée lettre morte. Il a pratiqué son lancer pendant des heures et des heures pour s'améliorer. Aujourd'hui, plus personne ne rit de Kariya quand il décoche un tir.

A Ambri, je prends souvent l'exemple de Paul Kariya pour dire aux jeunes qu'on ne vient pas au monde avec un lancer puissant. Le cas de Kariya n'est pas unique. Al McInnis se pratiquait à lancer avec des rondelles d'acier et ce même durant l'été. Il a mis des efforts et du temps pour développer son tir, l'un des plus puissants de la Ligue nationale de hockey. Les rondelles d'acier, c'est un vieux truc. Mon oncle, Rosaire Pagé, nous en fabriquait quand nous étions jeunes à Lachute.

Avec Montréal, dans les années 1970, Jacques Lemaire est un autre exemple d'un joueur qui a mis des heures à améliorer son tir et à développer ses talents de marqueurs. Dieu sait qu'il en a marqué des buts importants pour Montréal. Evidemment, il y aura toujours des surdoués comme Guy Lafleur.

Après nos séances d'entraînements, nos jeunes pratiquent leurs lancers, parfois, pendant 45 minutes. On veut qu'il développe leurs habiletés individuelles.

Propos recueillis par Diane Hayfield