Par Réal-Jean Couture - Le grand titre dans LE SOLEIL est très clair: 'Brashear a payé 10 000 $ et reçoit l'absolution'. Félicitations pour votre beau programme et fin du dossier. Trois petits tours et puis s'en va empocher son million $ avec les Capitals de Washington dans la LNH.

Tant pis pour sa victime, un gars de 23 ans au moment de l'assaut, sérieusement blessé, frappé à plusieurs occasions alors qu'il était sans défense, inanimé sur la glace. Il a subi une commotion cérébrale et une fracture sous-orbitale et n'a pas joué au hockey depuis.

Mais Donald Brashear a continué à jouer cette saison-là - après une petite suspension de 12 matchs - avant d'évoluer dans la LNH la saison dernière. Et là encore, il a empoché, dans les 7 chiffres ! Belle justice !

MOTIFS ET JURISPRUDENCE

L'accusé, donc a reçu l'absolution totale sans même recevoir de pénitence par Madame la juge. Dans la vraie vie, même à la confesse, le curé l'aurait condamné à au moins 2 Notre-Père et 3 Je-Vous-Salue-Marie et peut-être un Chemin-de-Croix.

Mais dans ce dossier, Donald n'a même pas eu à parler. Il n'a eu qu'à faire dire par son avocat qu'il regrettait, que dans le feu de l'action, il était difficile de faire la part des choses, et qu'il a donné 10 000 $ à un organisme caritatif. Ça lui a donné le droit de s'en aller. Ni vu, ni connu. Pas même une petite tape sur les doigts. L'histoire ne dit pas s'il s'est arrêté au bureau de Madame la juge pour lui signer un autographe. Vaut mieux pas le savoir...

Le procureur Jean-François Bertrand était prêt à défendre son célèbre client, citant en exemple les cas de Todd Bertuzzi et Marty McSorley, deux cancres qui, dans les activités de la LNH, ont commis des gestes au moins aussi criminels, aussi dangereux et aussi condamnables, mais qui ont 'bénéficié' de la clémence de la Cour avec des absolutions. Si c'est permis dans la grosse ligue, 'why not dans la LNAH ?'

Si l'accusé n'a pas parlé à la Cour, ni à Madame la juge, ni aux médias, Me Bertrand a indiqué de son côté que Brashear 'regrettait les derniers coups de poing qu'il avait donnés à son adversaire en soulignant toutefois qu'il était difficile de faire la part des choses dans le feu de l'action !'

Me Bertrand a aussi 'souligné le contexte particulier de la LNAH, qu'il a décrite comme un circuit qui non seulement tolérait les bagarres, mais les encourageait pour tenter d'attirer des spectateurs'. (au texte du journaliste Buissières)

Et ce qui a joué dans la décision de Madame la juge est l'absence de casier judiciaire, le don de 10 000 $ avant comparution et le fait que l'accusé a plaidé coupable malgré l'absence de la victime. Ben oui ! Pourtant, la victime était là, sur vidéocassette, mais la Justice n'a pas voulu la regarder. Quand la Justice veut être aveugle, elle sait comme le faire. La preuve en est éloquente !

Dans les rapports de presse, rien sur les arguments de la Couronne. De toutes manières, qu'aurait-elle plaidé, après avoir été 'complice' du pacte de l'absolution inconditionnelle ? Il n'y a donc pas d'appel possible, dans ces conditions, à ce que je sache.

DÉCISION SCANDALEUSE

Madame la juge a beau dire que les gestes posés par Brashear la répugnent, elle n'a pas hésité - se cachant derrière ce qu'elle appelle des règles de droit - à sanctionner l'accord entre les avocats de la Couronne et de la Défense et donné l'absolution inconditionnelle à l'accusé, sans procès, sans même visionner la vidéocassette du crime commis le 07 décembre 2004.

Son refus de visionner les événements, selon le journaliste Ian Buissières, était motivé par le fait que Madame la juge 'ne souhaitait pas accorder d'importance à un geste qu'elle considère comme déplorable au plan social'.

Je veux bien, Madame. Mais au plan criminel, vous faites quoi ? J'entre dans un dépanneur, j'y maudis une volée au caissier sous l'œil de la caméra témoin et je m'en vais. Vous, Madame, vous allez refuser de visionner la vidéocassette ? Vous allez affirmer de votre siège que c'est 'déplorable au plan social' pour ensuite me donner l'absolution inconditionnelle ?

N'importe qui d'entre nous, dans une bagarre de rue, ou ailleurs, qui aurait eu le malheur de 'continuer à frapper l'adversaire alors qu'il était inanimé sur le sol' aurait été condamné pour tentative de meurtre. Au mieux, pour voies de faits graves causant des lésions. Nous aurions couché en prison pendant quelques semaines, quelques mois, même.

Mais au hockey, à quelques tristes occasions maintenant, on apprend - on nous confirme même - que le 'crime de hockey' est acceptable, accepté, absout inconditionnellement, pourvu que tu disposes d'un bon avocat et que tu verses des 'peanuts' à un organisme sans but lucratif, sans même témoigner ni verser quelques larmes de crocodiles en invoquant - par le biais de ton avocat - le regret et 'qu'il était difficile de faire la part des choses dans le feu de l'action'. Big deal.

À Rimouski, sur le trottoir de la rue Saint-Germain, je m'engueule avec un citoyen, me bats, l'étampe sur le trottoir où, même s'il est sans défense et inanimé, je continue à le rouer de coups : je vais en prison, puis ça presse. Mais si je fais la même chose sur la glace du Colisée, en uniforme de hockey contre un autre joueur de hockey, c'est un simple fait 'déplorable sur le plan social' ?

Allez dire à un juge que si vous avez sapré une claque sur la margoulette de votre mari ou de votre femme ou un voisin au fil d'une discussion animée et vous devez tout de même recevoir l'absolution parce 'il était difficile de faire la part des choses dans le feu de l'action'. Innocent ! L'autre est tombé et s'est péter la tête sur le ciment et a une fracture du crâne. Mais toi, tu réclames l'absolution inconditionnelle... Pourquoi pas ! Si c'est permis au hockey, pourquoi pas dans la vraie vie ???

QUEL EST L'ENSEIGNEMENT À NOS JEUNES ?

Je me demande ce que les jeunes joueurs qui aiment le jeu dur, les bagarres et autres, tirent comme enseignement de cet épisode, ce triste événement qui, pardonné dans un contexte aussi invraisemblable, passe pour un fait divers, qui aura coûté quelques milliers de dollars au système judiciaire - donc à nos poches - mais qui est relégué à un simple fait 'déplorable au plan social' pour reprendre les termes de Madame la juge.

'Même si ces gestes me répugnent, le peuple canadien ne sera pas choqué de l'imposition d'une absolution inconditionnelle dans ce dossier' a déclaré Madame la juge Guylaine Tremblay en acceptant la proposition commune du procureur de la Couronne, Me Serge Sévigny, et de son homologue de la défense, Me Jean-François Bertrand.

Je regrette, Madame, mais il y a plus de monde de choqué que vous avez pu le croire. Lisez divers forums, écoutez certaines tribunes, et vous verrez que la justice des hommes écrite par les législateurs ne fait pas la distinction dans les lieux des crimes.

Les règles de droit comme vous dites, et derrières lesquelles vous vous cachez, sont le fait de décisions de tribunaux, de juges comme vous. Nulle loi dans ce pays décrète que le crime sur la rue est criminel mais pas sur la glace en jouant au hockey. Seuls des juges comme vous commettent l'imprudence de faire cette distinction. Et on voit ce que ça donne !

On est loin du dossier Brashear, me direz-vous. Surtout loin du sort de sa victime qui continue à subir les séquelles de ce 'geste déplorable au plan social'.

Et si Kjernisted ne s'était pas relevé, victime non pas d'une commotion cérébrale, mais d'une fracture du crâne ... Et s'il en était décédé...

C'est peut-être ça, au fond, qu'on attend, sur le plan social, pour enfin mettre ses culottes, et pénaliser la vraie violence dans nos arénas. Car l'incident Brashear, c'est pas une bagarre au hockey. C'est de la violence gratuite au hockey. Et on admet ça, quand ces crimes sont commis par des professionnels. Belle mentalité !

PS : On dira que je charrie. C'est sûrement moins que certains 'forummeux' qui prétendent que Kjernisted connaissait les risques avant de sauter sur la glace. Mon œil ! Il sait qu'il aura possiblement à se battre, mais pas se faire massacrer lorsque sans défense et inanimé sur la glace. Lui non plus ne pensait pas que ce geste serait à peine considéré 'comme déplorable au plan social'...

P.S. : Dire que j'ai vu, il y a quelques mois, un procureur - avec la complicité d'un agent de la SQ - tout faire pour convaincre un juge de condamner un jeune joueur de hockey à la prison pour voies de faits - il a lancé un rouleau 'tape' dans les estrades où il a atteint une spectatrice, sans conséquences malheureuses. Trois jours qui ont été perdues par une famille dans un palais de justice, deux comparutions et quoi encore. Heureusement, le juge n'est pas tombé dans le piège. Mais on y a traumatisé un jeune à peine touchant la vingtaine, pour faire un exemple. Sans compter les frais tant de la famille que de la société.

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