Les Bozon n'ont pas perdu espoir
Championnat du monde mardi, 17 mai 2016. 13:29 dimanche, 15 déc. 2024. 05:48En 2014, Timothé Bozon a dû lutter pour sa vie lorsqu’une méningite a forcé son hospitalisation durant trois semaines. Aujourd’hui, l’ailier gauche des IceCaps de St. John’s ne regarde plus en arrière. Selon lui, le club est conscient que cette méningite est bien de l’histoire ancienne.
« Tout le monde sait que ça n’a plus d’impact sur mon développement. Je suis traité comme les autres joueurs. Au sein du Canadien, on ne m’en parle plus. »
Timothé n’est pas le seul à défendre cette position. Son père, le mythique Philippe Bozon, assure que la méningite n’a pas laissé de trace.
« La maladie n’est plus un problème. Lors de ces Mondiaux, il doit vivre avec un autre problème. Une semaine avant le championnat, il a subi une blessure. »
Les méninges et le système immunitaire de Tim sont en parfait état. Cette saison, l’obstacle principal à son développement vient d’ailleurs.
« Mon problème, cette année, ce fut mes épaules. Je me suis encore blessé en Norvège durant la préparation aux Mondiaux. C’est triste, car j’avais de grands espoirs dans ce tournoi. Heureusement, ça n’aura pas d’impact sur mon retour au jeu à l’automne. »
C’est la deuxième blessure à l’épaule du jeune Bozon cette saison. Comme l’explique son père, ces deux visites à l’infirmerie ont eu de fâcheuses conséquences sur son développement.
« À St. John’s (Terre-Neuve), il s’est blessé dès le début du camp d’entraînement. Il a perdu un mois d’activité. À son retour, il a eu de la difficulté à se tailler une place au sein de la formation. Il a donc été rétrogradé dans la East Coast League (ECHL). Ce n’est pas le meilleur endroit pour progresser. »
Tim n’a toutefois pas baissé les bras.
« J’ai toujours continué de travailler fort et j’ai progressé. Je suis heureux de ma fin de saison. J’ai eu un rôle différent que celui dont je suis habitué d’avoir. On m’a donné du temps en désavantage numérique. Les gens de l’organisation m’ont fait savoir qu’ils étaient satisfaits de mon travail. »
Le père est aussi heureux de ce qu’il a vu de son fils après son retour au jeu. Il croit que Tim peut devenir un joueur plus complet grâce à ces expériences de Sylvain Lefebvre.
« Il a toujours été considéré comme un buteur, mais on lui a donné un rôle différent cette saison. J’ai beaucoup aimé. Il avait besoin de s’améliorer en désavantage numérique. De jouer sur la quatrième ligne, ça lui a permis de devenir un peu plus robuste. Il a d’ailleurs pris du gabarit. Il a tout même encore besoin de progresser pour jouer dans la LNH. »
Ces déclarations ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Timothé sait que la balle est dans son camp.
« Cette année, ce sera ma dernière année de contrat et j’espère que j’aurai une meilleure saison. Il s’agit d’avoir un bon camp d’entraînement et après je pourrais être rappelé durant la saison. Du moment qu’on me donnera une chance, ce sera à moi de ne pas la rater. »
Vivre avec le nom de Bozon
Philippe Bozon est le meilleur joueur de hockey de l’histoire de la France. Tim avoue que jouer dans l’ombre de son père, ce n’est pas toujours facile.
« Les gens ont des attentes envers moi. Surtout depuis que j’ai été repêché. Je vie tout de même bien avec ça. En fait, des fois, la pression vient surtout de moi. »
La comparaison reste toutefois difficile à éviter. Philippe explique que, même en Amérique du Nord, les gens ont encore ce réflexe.
« Toujours entendre dire qu’on est le fils d’un autre, ça peut devenir un peu compliqué, mais parfois, ça peut être cocasse. Je travaille comme analyste pour Canal+. Avant-hier, j’ai entendu le descripteur des matchs de TSN, assis à côté de nous, dire que “Philippe Bozon contrôlait le disque” lorsque Tim a saisi la rondelle. Ray Ferraro a dû le rappeler à l’ordre! »
Philippe Bozon croit tout de même que le pire est déjà passé.
« C’était plus problématique durant son enfance. Lorsqu’il était jeune, j’ai été son entraîneur durant quelques années. Ça créait souvent de la jalousie. Je devais lui expliquer qu’il devait se montrer irréprochable pour éviter d’empirer la situation. »
Pour bien gérer ce type de problèmes, il n’y a rien de mieux que de tirer des solutions de son expérience personnelle. Philippe Bozon est aussi le fils d’un célèbre joueur de hockey français. Méconnu en Amérique du Nord, Alain Bozon est membre du Temple de la renommée du hockey français. L’homme de 78 ans se souvient de l’époque où il a été l’entraîneur de son fils.
« Ce n’est pas toujours facile lorsqu’on dirige son fils. Il faut faire attention pour ne pas tomber dans le favoritisme. En fait, souvent, je faisais le contraire. J’étais plus dur avec lui qu’avec les autres. »
La recette d’Alain Bozon, ce fut la confiance. Il n’a jamais douté que son fils réussirait à se faire une place dans le hockey par lui-même.
« J’ai été son entraîneur jusqu’à ses 14 ans. Je le voyais progresser et je savais qu’il réussirait à faire son chemin. Il patinait bien et il était bon techniquement. Lorsqu’il était enfant, de le voir dans la LNH, c’était impensable. Un Français dans la Ligue nationale, on ne pouvait pas imaginer cela. C’est lorsqu’Alain Gingras l’a invité à jouer dans le junior majeur qu’on a commencé à rêver. »
Pour les joueurs de hockey français, la LNH est, à l’époque où joue Alain Bozon, un objectif inatteignable. Le petit monde du hockey français connaît pourtant bien la ligue. Le Canadien y trouve d’ailleurs beaucoup de partisans. Le hockey est tout simplement un sport marginal dans l’Hexagone.
« Le hockey était seulement populaire dans les stations de sports d’hiver comme Chamonix, Villard-de-Lans, Saint-Gervais-les-Bains, etc. Outre à Paris et à Grenoble, le hockey était absent des villes. Moi, j’étais à Chamonix. J’ai commencé à jouer au hockey à l’âge de 12 ans. Je me suis retrouvé dans la première à équipe à 17 ans. Dans les années 50, on jouait encore sur des patinoires extérieures. Il faisait souvent -20 ou -22 degrés Celsius. »
De 1959 à 1974, Alain Bozon a représenté la France dans les compétitions internationales. Il sera le capitaine de l’équipe durant plus d’une décennie. À l’époque, les Bleus n’ont pas la chance d’affronter les Soviétiques et Hockey Canada.
« Nous étions dans le groupe C. Pour nous, jouer dans le groupe A, c’était impossible. On aurait perdu 25 à 0 contre la Finlande! Nous jouions contre l’Angleterre, les Pays-Bas, le Danemark et la Belgique. Notre objectif, c’était de se tailler une place dans le groupe B où l’on trouvait l’Allemagne et la Suisse. »
Alain Bozon a pris sa retraite en 1980 à Annecy pour devenir entraîneur. Il a depuis accompagné des centaines de jeunes hockeyeurs dans leur progression. Sans surprise, le patriarche de la famille Bozon a une opinion sur le développement de son petit-fils.
« Tim manque un peu d’agressivité. Il doit apprendre à aller au charbon, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut être patient. Il n’a que 22 ans. Il est donc encore en pleine progression. S’il travaille fort et s’il a la volonté pour y arriver, je crois qu’il jouera pour le Canadien. Je crois qu’il est capable de le faire. Cela étant dit, après la méningite, je suis déjà heureux de le voir en vie. Lorsqu’il a été malade, nous avons passé un hiver très difficile. Nous étions continuellement sur le qui-vive. De la voir à nouveau jouer au hockey, c’est déjà extraordinaire. »