À l'image de son équipe, Bob Gainey n'a pas été parfait derrière le banc du Canadien depuis le début des séries. Sans prétendre que ses erreurs expliquent la situation précaire du CH, voici un aperçu de cinq erreurs de l'entraîneur à un moment crucial de la saison.

1. Des ajustements trop lents

Premièrement, j'ai trouvé que Bob Gainey a eu une très bonne idée en utilisant Georges Laraque sur le premier trio en compagnie d'Alex Kovalev et Saku Koivu lors du premier match de la série. Cependant, Gainey a mis trop de temps à s'ajuster surtout que son équipe tirait de l'arrière 3-2 à mi-chemin de la dernière période. L'entraîneur du Canadien aurait dû ramener Alex Tanguay plus rapidement sur sa première unité. Pendant ce temps, Tanguay évoluait sur le quatrième trio avec Glen Metropolit et Christopher Higgins. Le Canadien avait besoin d'un but et il aurait pu se tourner du côté de Guillaume Latendresse également. Bref, le CH avait besoin d'un marqueur pour compléter ce trio. Je n'aurais pas écarté l'idée d'utiliser Matt D'Agostini dans ce rôle, il aurait été capable de faire le travail et Kovalev a apprécié joué avec lui. Tout ça pour dire que ces joueurs possèdent du talent permettant de compter des buts.

Ceci dit, je ne veux pas blâmer Laraque qui a très bien fait son travail. C'est simplement que tous les joueurs ont un rôle particulier au sein d'une équipe. Gainey aurait dû être capable d'ajuster cela pendant la partie, car il était à la recherche de buts. J'aurais compris la stratégie de Gainey si sa formation détenait l'avance ou que le jeu était très robuste. De plus, Gainey a gardé cette combinaison pour la deuxième rencontre.

2. Des choix contestables

Le vétéran défenseur Patrice Brisebois n'était pas en uniforme pour la troisième partie de la série. À moins qu'il soit affecté par une blessure non dévoilée, je crois qu'il aurait été un meilleur choix que Ryan O'Byrne pour ce match. Je n'ai rien contre le fait de faire progresser O'Byrne durant la saison, mais il s'agissait d'un match crucial et O'Byrne n'est pas très robuste malgré son physique imposant. Si j'observe ses points forts, je ne pense pas qu'il pouvait beaucoup aider le Canadien tandis que Brisebois se serait avéré un atout en avantage numérique. Le Canadien a été incapable de marquer en trois jeux de puissance. De plus, Brisebois a connu une excellente saison et il possède beaucoup d'expérience.

3. Les mauvais joueurs à certains moments

À quelques occasions, Gainey n'a pas utilisé les bons joueurs dans des situations critiques. Je pense notamment à l'utilisation de Gregory Stewart, Matt D'Agostini et Tomas Plekanec en fin de première période alors que le Canadien menait 1 à 0. À ce moment, le CH misait sur l'appui de la foule et il venait de disputer un impressionnant début de match. J'admets que la passe de Mike Komisarek n'était pas précise ce qui a mené au revirement et au but de Phil Kessel, mais le positionnement de Stewart n'était pas adéquat. J'aurais aimé que le Canadien protège son avance ce qui aurait permis de bâtir la confiance des troupes.

4. Le pari risqué de Bouillon

C'est anormal qu'un joueur (Francis Bouillon) qui est sur la touche depuis deux mois et qui n'a pas effectué un entraînement complet enfile son uniforme pour une partie éliminatoire. Il peut exister une exception comme un joueur qui est employé dans une mission très spécifique. Je pense notamment à un joueur qui doit se placer devant le filet en avantage numérique. Ce pari audacieux de Gainey pouvait même devenir dangereux pour la carrière de Bouillon.

Il ne faut jamais oublier que Bouillon est un guerrier et qu'il ne refusera jamais un appel à l'aide de son directeur général. Dans une telle situation, ça revient à l'entraîneur de trancher.

En fin de compte, Gainey a dû se débrouiller sans Bouillon ce qui l'a forcé à jongler avec ses trios. Ce n'est pas une tâche facile pour un entraîneur qui ne parvient pas à s'ajuster très rapidement.

5. Exploiter l'avantage de la patinoire

En conférence de presse, Gainey avait précisé que l'avantage de la patinoire était un aspect très important. Par contre, j'ai pu remarquer à quelques reprises en début de match qu'il envoyait ses joueurs sur la patinoire avant ceux des Bruins. Claude Julien pouvait donc répliquer avec les joueurs qui lui convenaient. Le trio de Plekanec, Stewart et D'Agostini a donc été envoyé dans la mêlée pour contrer l'unité de Marc Savard, P. J. Axelsson et Phil Kessel en fin de période.

Bref, les changements de trios ne sont pas toujours effectués de façon à prendre avantage de la glace.

D'ailleurs, j'aurais aussi aimé que Gainey utilise toutes les façons possibles pour enlever Kovalev des pattes de Zdeno Chara qui est un excellent défenseur. Kovalev aurait pu se démarquer dans des situations plus faciles.

C'est dommage, mais en séries ces détails font souvent la différence entre une victoire et une défaite.

Ces erreurs n'expliquent pas tout

Maintenant, il faut se questionner à savoir si ces cinq erreurs ont directement provoqué ce déficit de 0-3. D'abord, il ne faut pas oublier que les blessures ont fait extrêmement mal. Personne ne peut nier que les absences d'Alex Tanguay, Mathieu Schneider, Andrei Markov et Robert Lang coûtent cher. C'est impossible de contrôler l'aspect des blessures et tu dois compenser avec d'autres choses comme des détails.

Je pense notamment à Claude Julien qui a expliqué que son équipe a commis une erreur coûteuse sur la mise au jeu menant au but de Yannick Weber. Si un tel détail saute aux yeux de Julien, ce doit être la même chose pour Gainey. En séries, le résultat des matchs se joue souvent dans les détails comme les sacrifices, le prix à payer, les lancés bloqués…

Cet aspect me fait penser à quelques joueurs du Canadien qui effectuaient ces «petites choses» l'an dernier comme Steve Bégin. L'accumulation de ces facteurs peut expliquer la situation actuelle du Tricolore.

Aux entraîneurs de renverser la vapeur

Au terme de la troisième partie, le langage corporel des joueurs en disait long. C'est normal qu'ils soient abattus après une troisième défaite consécutive contre une équipe. Ils ne voient peut-être pas la lumière au bout du tunnel. Maintenant, ça revient donc aux entraîneurs de tout faire pour sortir des lapins de leur chapeau. Vont-ils réussir, voilà une autre question?

Évidemment, rien ne sera facile pour le Canadien et c'est le moment de prendre un match à la fois même s'il s'agit d'un cliché. Sauf que l'avantage psychologique demeure dans le camp des Bruins surtout qu'il possédait cet atout avant la série car ils ont terminé au premier rang de l'Association Est.

Le Canadien peut toujours semer un doute en gagnant la quatrième partie sauf qu'il devra retourner à Boston par la suite et les Bruins ont été très constants cette saison en excellant au niveau de la discipline, des buts, de la robustesse et du jeu de puissance.

Le sort de Bob Gainey

Plusieurs amateurs se questionnent déjà sur l'avenir de Bob Gainey à la tête du Canadien particulièrement si le CH est envoyé en vacances par les Bruins en quatre matchs. Gainey devra décider s'il remet sa démission selon ce qu'il ressent.

Chose certaine, il aura des comptes à rendre. Il occupe les postes de directeur général et entraîneur-chef donc l'organisation épiera ce qu'il a fait depuis qu'il a congédié Guy Carbonneau.

Mais c'est difficile de prédire s'il démissionnera ou si le propriétaire George Gillett le forcera à démissionner? Je peux toutefois avancer que Gainey ne passera pas l'été qu'il prévoyait surtout que le dossier des 11 joueurs autonomes n'est pas réglé et que le repêchage s'en vient rapidement, donc plusieurs décisions s'imposent pour le bien de l'organisation.

Bien sûr, il sera intéressant d'observer la poignée de main entre Gainey et Julien si les Bruins éliminent le Canadien. Par contre, Julien n'est pas du style à se pavaner et il respecte Gainey qui est un personnage dans le monde du hockey. Julien serait fier d'une telle réussite, mais il ne sera pas exubérant.

*Propos recueillis par Éric Leblanc