RDS.ca vous présente des Montréalais qui sont méconnus du grand public, mais qui occupent des postes importants dans le monde du hockey ou qui se démarquent par leur parcours singulier. Le portrait d'aujourd'hui : Blair Mackasey.

MONTRÉAL – Blair Mackasey a déjà une blague toute prête pour ceux qui voudraient le questionner au sujet de son premier match dans la Ligue nationale de hockey.

C’était au tout début de la saison 1976-1977. Les Maple Leafs de Toronto avaient apporté deux défenseurs recrues à Denver pour y affronter les Rockies du Colorado. Mackasey était l’un d’eux. L’autre était Randy Carlyle.

« À nous deux, on a fini par jouer au-dessus de 1000 matchs dans la Ligue nationale », lâche Mackasey avec tout le sérieux du monde.

Elle est là, la blague. Carlyle a cumulé plus de 1100 parties avec les Leafs, les Penguins de Pittsburgh et les Jets de Winnipeg. Mackasey a été renvoyé dans les ligues mineures, a subi une opération au dos et a enduré la douleur pendant deux autres saisons avant de finalement se résoudre à accrocher ses patins à l’âge de 22 ans. Son premier match aura finalement été son seul.

Rien de plus normal dans ce cas qu’aux yeux du grand public, Mackasey n’ait pas la même notoriété que son éphémère coéquipier, un gagnant du trophée Norris qui a enchaîné avec une carrière d’entraîneur tout aussi remarquable. Mais il n’y a à peu près rien que le Montréalais de 64 ans, qui a été considéré par le Canadien lors de ses recherches pour un nouveau directeur général en 2012, n’ait pas fait dans le monde du hockey depuis son aventure d’un soir sur une patinoire de la LNH.  

Mackasey est né à Hamilton, mais sa famille est venue s’installer au Québec alors qu’il était âgé de 6 ans. Son oncle, Bryce Mackasey, était un homme d’affaires prospère doublé d’un ambitieux politicien. Il a été élu député libéral fédéral dans Verdun en 1962. Lorsqu’il a été appelé à se greffer au cabinet de Pierre-Elliott Trudeau quelques années plus tard, il a cédé la gestion de son commerce à son frère.

Le jeune Blair était l’un des bons athlètes du quartier. À 16 ans, il a signé un contrat avec l’organisation des Expos et s’est envolé pour la Floride pour casser ses crampons dans la « Ligue des recrues » aux côtés de Gary Carter et Ellis Valentine. L’automne venu, le joueur de premier but devenait défenseur pour le Bleu-Blanc-Rouge de Montréal dans la LHJMQ.

« J’avais un deal avec les Expos, raconte celui qui habite aujourd’hui Beaconsfield dans un généreux entretien avec RDS. Chaque année, je pouvais jouer ma saison de hockey et tout de suite après, j’allais pratiquer pendant deux ou trois semaines avec les Expos avant d’être placé dans une équipe. Je manquais donc toujours le camp d’entraînement. »

En 1975, Mackasey a été repêché par les Capitals de Washington. Les Racers d’Indianapolis, de l’Association mondiale, lui ont aussi démontré de l’intérêt. Le choix entre les deux organisations a été facile. Celui entre ses deux passions s’est aussi imposé.

« Dans ce temps-là, c’était bien plus facile pour un Canadien de faire carrière au hockey qu’au baseball, surtout pour un joueur de position », raisonne-t-il. Il a donc mis son gant et ses bâtons dans une boîte à souvenirs et s’est concentré sur le hockey.

Mackasey a passé un an dans les mineures avant d’obtenir sa chance dans la LNH. Ce soir-là, l’entraîneur-chef Red Kelly lui a dit qu’il formerait un duo avec le vétéran Claire Alexander, un autre droitier. « Red m’a demandé si je voulais bien jouer à gauche. Je n’avais jamais joué là de ma vie, mais évidemment que j’ai dit oui! »

Une carrière par accident

Mackasey traînait des maux au dos depuis le junior. À Noël, cette année-là, il est passé sous le bistouri pour subir une fusion vertébrale. Il n’a toutefois jamais retrouvé sa mobilité d’antan et 18 mois plus tard, à 22 ans, il a rangé ses patins pour de bon.

« J’aurais sans doute pu continuer à jouer dans les mineures, mais ça ne m’intéressait pas, honnêtement. J’avais un emploi qui m’attendait et je suis donc allé aider mon père dans l’imprimerie familiale. C’est la décision que j’ai prise. »

Le hockey est toutefois resté dans sa vie comme ces vieilles cicatrices qui ne guérissent que partiellement. Un jour, des amis lui ont demandé s’il pouvait aller aider leurs fils sur la glace. « Ils jouaient Atome AA, quelque chose de même », se souvient-il vaguement. Il a accepté. Puis ce qui devait être un simple coup de main a pris la forme d’un engagement permanent. Dans l’Association de hockey mineur de Lakeshore, Mackasey a pris en charge des jeunes d’âge Peewee, puis Bantam. En 1990, François Lacombe l’a choisi comme adjoint à son arrivée avec les Lions du Lac St-Louis, une ancienne puissance de la Ligue de hockey Midget AAA.

Tout ça restait du domaine du hobby jusqu’à ce que Lacombe, quelques mois plus tard, reçoive l’appel de Léo-Guy Morissette pour prendre la barre du Titan de Laval. Mackasey avait maintenant les deux pieds dedans. Il a passé trois ans avec les Lions. « On a eu un peu de succès », dit-il trop humblement. Son équipe a tout raflé à l’échelle de la ligue à ses deux premières saisons. En 1992, il l’a menée à la conquête de la Coupe Air Canada, le championnat canadien des clubs U18.

Mackasey a donc logiquement gradué dans la LHJMQ. Un an avec les Bisons de Granby, deux avec les Voltigeurs de Drummondville. Au même moment, on l’accueillait dans la grande famille de Hockey Canada. En 1996, il était entraîneur-adjoint au sein de l’équipe que José Théodore et Jarome Iginla ont menée à la médaille d’or.

« C’est comme ça que ça a commencé dans le hockey, s’arrête-t-il au milieu d’une longue anecdote. C’était juste par hasard. Je n’avais aucun intérêt à faire une carrière dans le hockey. J’avais quatre enfants à la maison et un bon emploi aux côtés de mon père. J’ai choisi le hockey, je ne sais pas pourquoi! J’imagine que j’avais une passion pour le sport et quand l’opportunité est arrivée... pourquoi pas! »

La pression avec Équipe Canada

Si le hockey ne s’est plus jamais effacé de la vie de Blair Mackasey, ses considérations pour sa situation familiale l’ont incité à s’éloigner du métier d’entraîneur. Après sa deuxième saison à Drummondville, il a accepté une offre des Coyotes de Phoenix pour devenir leur recruteur attitré au territoire du Québec et de la côte est. Il a occupé ce poste pendant six ans.

Mackasey n’a probablement jamais été autant sous les projecteurs qu’entre 2002 et 2006, période au cours de laquelle il a été rapatrié par Hockey Canada pour devenir l’un des architectes des sélections nationales U18 et U20. Sous son autorité, Équipe Canada junior a gagné deux médailles d’argent et deux d’or.

« Il y avait beaucoup de pression. Je ne veux pas dire que c’était l’or ou rien, mais quand on a gagné en 1996, c’était la quatrième médaille d’or de suite. Ce n’était pas une question d’être content, c’était plus du soulagement. C’était comme avoir une Coupe Stanley à chaque Noël », repense-t-il en dressant l’impressionnante liste des joueurs qu’il a recrutés au sein du programme.

En 2006, Mackasey est retourné dans la Ligue nationale en acceptant le titre de directeur du recrutement professionnel du Wild du Minnesota. Il a passé 14 ans dans cette organisation, d’abord sous les ordres du DG Doug Risebrough et ensuite sous ceux de son successeur, Chuck Fletcher. Il a été victime du grand ménage qui a coïncidé à l’arrivée de Paul Fenton en 2018.

Il a depuis bouclé la boucle en revenant à Toronto, où tout a commencé. Il y occupe depuis trois ans un poste de dépisteur professionnel dans l’organigramme dominé par Kyle Dubas.    

« Oui, le métier a beaucoup changé pendant toutes ces années. Par exemple, quand j’ai commencé, Doug Risebrough me disait : ‘Blair, on a besoin d’un défenseur qui peut jouer comme no 5 ou no 6’. C’était tout. Maintenant, c’est : ‘On cherche un joueur pour notre troisième paire de défenseurs, mais il faut qu’il gagne moins de 1 M$ par année et on veut qu’il reste moins de deux ans à son contrat! »

« Quand j’ai commencé avec Doug, on faisait nos meetings pour les joueurs autonomes ou la date limite des échanges dans une pièce où il y avait cinq autres personnes. Maintenant, on est peut-être une quinzaine. Il y a beaucoup plus de monde d’impliqué dans les décisions parce qu’il y a beaucoup plus de facteurs qui sont pris en compte pour les prendre. »

Accueilli dans la LNH par un entraîneur reconnu pour son penchant superstitieux, Mackasey travaille 34 ans plus tard pour un patron qui ne laisse absolument rien au hasard. Dubas est reconnu comme l’un des directeurs généraux les plus progressistes de la LNH. Son penchant pour les statistiques avancées est bien connu. Ses idées peuvent jurer avec celles des diplômés de la vieille école.

Mackasey n’aurait pas fait carrière dans le hockey si son esprit n’était pas ouvert au changement.

« Je suis très intéressé par les stats avancées. Le plus tu as d’information, meilleures sont tes chances de prendre une bonne décision. »

Mais il ne reniera pas non plus le pouvoir du regard. Le sien l’a plutôt bien servi jusqu’ici.

« Il ne faut pas croire qu’elles disent toute la vérité. Si c’est le facteur le plus important dans ta décision, je pense que tu vas faire des gaffes. Je crois honnêtement que c’est toujours avec les dépisteurs, ceux qui vont aux matchs et qui voient les joueurs en direct, que tu vas prendre les meilleures décisions. »