Les parents: il y en a aussi des bons...
Hockey mardi, 17 déc. 2002. 18:43 dimanche, 15 déc. 2024. 13:35
(RDS) - Nous sommes en décembre 2000. Il règne un brouhaha incroyable dans le vestiaire ce jour-là. Les tout petits, âgés de 5 et 6 ans viennent de disputer leur premier tournoi de hockey à l'extérieur de leur aréna habituel. Les entraîneurs distribuent les jus et les gâteries, les parents enjambent les pièces d'équipements jonchés ça et là... Les rires fusent de toute part, ça se taquine, quelques bas et chandails volent la pièce, bref la bonne humeur est au rendez-vous.
Assis dans un coin du vestiaire, un petit bout d'homme aux grands yeux bleus enlève paisiblement son équipement. Quelques parents s'approchent, lui frotte les cheveux mouillés en guise de félicitations pour le match qu'il vient de disputer. " Bravo Kevin, tu as été superbe", "Kevin, tu es notre champion", ce à quoi le petit Kevin réplique avec un sourire timide. Je m'approche de lui. Mon fils Simon, assis juste à côté de la "vedette" de la journée me prend par le bras et me dit. "Maman, il est bon hein Kevin?" Bon? mets-en mon Simon. " Combien as-tu marqué de but dans ce match Kevin?" lui demandais-je... Dans un haussement d'épaules, Kevin me regarde droit dans les yeux et me répond" Je ne sais pas, je ne les ai pas comptés." Moi je les avais comptés. 22 OUI OUI!!! 22 buts dans un match. N'importe quel enfant dans ce vestiaire se serait pavané avec cette statistique mais pas Kevin.
"Le pire dans tout ça, c'est qu'à 4 ans, il ne voulait rien savoir du hockey" me précise son père Sylvain. " Nous avons alors tenté une deuxième fois de le mettre sur la glace à 5 ans. Je l'ai laissé s'asseoir quelques minutes sur la patinoire, le temps que j'aille chercher quelque chose au vestiaire et en revenant, il patinait seul, pas de cône! Il faisait le tour de la patinoire. Je n'en revenais pas," d'ajouter un papa très fier.
Et avec raison. Kevin Canuel fait la pluie et le beau temps depuis qu'il a donné ses premiers coups de patin. Il apprend très vite et se passionne pour le hockey. Il veut être le meilleur et prend les moyens." Il patine 6 à 7 fois par semaine et ce, à sa demande. Comme il est un premier de classe, ses parents acceptent de jouer les taxis."J'ai la chance de terminer mon travail à 15h30 alors je l'amène au patinage libre vers 16h00. Lorsque j'ai un empêchement et que nous devons demeurer à la maison, Kevin ne le prend pas du tout. Pour lui, c'est une punition. " "Non, je ne suis pas content" me réplique tout de go le petit Kevin. J'aime jouer et j'aime gagner des matches. J'adore le hockey" ajoute-t-il.
On le croit sur parole. Après ses journées de classe, Kevin arrive en trombe à la maison, va au patinage libre, reviens à la maison faire ses devoir et retourne à l'extérieur pour lancer 200 rondelles par jour dans un filet. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que Kevin a sauté plusieurs étapes dans le hockey mineur. C'est un "naturel" selon son entraîneur André Carlos. Il manie bien la rondelle, a plusieurs feintes déroutantes pour un jeune de 7 ans, il possède un lancer du poignet épatant et est très rapide sur patin. Si rapide, que personne dans sa catégorie ne pouvait le suivre. Les dirigeants ont donc décidé de le faire graduer dans le novice A à sept ans. Kevin se retrouve alors avec des garçons de 8-9 et 10 ans. Sur la glace, pas de problème, Kevin ne se laisse pas impressionner du tout. En 8 matches, il marque 5 buts. Ses entraîneurs le situent parmi les 5 meilleurs de l'équipe. "Ça brassait pas mal plus qu'au novice B. Il se faisait tasser, cingler mais ça ne le dérangeait pas. Il avait presqu'un pied de moins que les autres joueurs mais il fonçait. " Quand Kevin est sur la glace" me précise sa mère Patricia, "il est dans sa bulle dans son monde.Il est très concentré."
Le problème n'est pas sur la glace pour Kevin. Déjà un brin timide, ce charmant garçon ne s'amusait plus dernièrement en jouant au hockey. "Nous avions remarqué un changement d'attitude chez lui. Son équipe ne gagnait pas mais il se tirait très bien d'affaire, on se demandait bien ce qui se passait" raconte sa mère. " Je voulais le retourner dans le B avec ses amis," dit-elle, "mais quand ton garçon saute les étapes et joue dans le A et qu'il fait très bien, tu ne veux pas nuire non plus à son évolution." ajoute Patricia.
Après une rencontre avec leur fils, Patricia et Sylvain découvrent en effet que Kevin n'est pas heureux avec son équipe. "Il ne gagnait pas et n'était pas très familier avec le reste de l'équipe. En étant le plus jeune et de loin, Il se sentait un peu à part. Tu sais, un garçon de 9-10 ans ne parle pas des mêmes choses d'un garçon de 7 ans..." me souligne son père en souriant. "Nous lui avons donc fait miroiter la possibilité de retourner dans le B et la réaction de Kevin a été instantanée " Oui, c'est ce que je veux" nous a-t-il dit. Il nous a aussi mentionné que ça faisait un petit bout de temps qu'il y songeait mais qu'il n'osait pas nous en parler pour ne pas nous décevoir", relate Patricia.
Le bonheur de leur fils étant plus important que le grade dans lequel il joue, les parents de Kevin n'ont pas hésité une seconde à demander aux dirigeants de le "rétrograder" dans le B avec ses amis et avec une équipe qui n'a perdu qu'un seul match cette saison.
" Moi, jouer dans le A ou le B, ça ne me dérange pas, me dit Kevin à la sortie d'un match." Ce que je veux, c'est m'amuser et de gagner." Bien sûr comme bien des jeunes, il rêve de jouer dans la Ligue nationale et d'accomplir les exploits de son idole Mario Lemieux. Il met beaucoup d'heures et d'énergie à polir son talent. En plus, il a une qualité que l'on retrouve chez les grands joueurs: il est modeste. Un cocktail impressionnant pour un jeune de son âge. Mais moi, je vous avoue que ce qui m'impressionne le plus, c'est la réaction des parents dans ce dossier. Pensez-y un peu, combien d'entre vous auraient pilé sur votre orgueil et "descendu" votre fils ou votre fille d'une catégorie, dans le simple but de voir votre enfant heureux? Pour qu'il puisse s'amuser? Même s'il appartient à une catégorie supérieure?
Cette décision a finalement porté fruit. Kevin a connu une saison exceptionnelle dans le novice B. Puis il a gradué avec les autres dans le A. Toutefois, en octobre dernier, après un court séjour dans le novice A, les dirigeants l'ont à nouveau fait graduer, cette fois dans le atome A. Il n'a que 8 ans et il se tire très bien d'affaire avec ses nouveaux coéquipiers. Bien sûr le jeune à encore beaucoup à apprendre. Il a du talent, de la volonté, mais on est bien loin de la Ligue nationale de hockey. Pour l'instant, cet enfant s'amuse et c'est ce qui compte. Après vous avoir parlé de ceux qui exigent trop de leurs enfants dans une chronique précédente, je tenais à vous donner une autre version, celle des parents qui prennent les bonnes décisions pour le bien de leur enfant...des bonnes décisions qui à un moment donné, sont toujours récompensées.
En ce temps des Fêtes, je lève donc mon verre à tous les parents, comme Sylvain et Patricia pour leur exemple de sensibilité et d'intelligence. Joyeuses Fêtes à tous!
Assis dans un coin du vestiaire, un petit bout d'homme aux grands yeux bleus enlève paisiblement son équipement. Quelques parents s'approchent, lui frotte les cheveux mouillés en guise de félicitations pour le match qu'il vient de disputer. " Bravo Kevin, tu as été superbe", "Kevin, tu es notre champion", ce à quoi le petit Kevin réplique avec un sourire timide. Je m'approche de lui. Mon fils Simon, assis juste à côté de la "vedette" de la journée me prend par le bras et me dit. "Maman, il est bon hein Kevin?" Bon? mets-en mon Simon. " Combien as-tu marqué de but dans ce match Kevin?" lui demandais-je... Dans un haussement d'épaules, Kevin me regarde droit dans les yeux et me répond" Je ne sais pas, je ne les ai pas comptés." Moi je les avais comptés. 22 OUI OUI!!! 22 buts dans un match. N'importe quel enfant dans ce vestiaire se serait pavané avec cette statistique mais pas Kevin.
"Le pire dans tout ça, c'est qu'à 4 ans, il ne voulait rien savoir du hockey" me précise son père Sylvain. " Nous avons alors tenté une deuxième fois de le mettre sur la glace à 5 ans. Je l'ai laissé s'asseoir quelques minutes sur la patinoire, le temps que j'aille chercher quelque chose au vestiaire et en revenant, il patinait seul, pas de cône! Il faisait le tour de la patinoire. Je n'en revenais pas," d'ajouter un papa très fier.
Et avec raison. Kevin Canuel fait la pluie et le beau temps depuis qu'il a donné ses premiers coups de patin. Il apprend très vite et se passionne pour le hockey. Il veut être le meilleur et prend les moyens." Il patine 6 à 7 fois par semaine et ce, à sa demande. Comme il est un premier de classe, ses parents acceptent de jouer les taxis."J'ai la chance de terminer mon travail à 15h30 alors je l'amène au patinage libre vers 16h00. Lorsque j'ai un empêchement et que nous devons demeurer à la maison, Kevin ne le prend pas du tout. Pour lui, c'est une punition. " "Non, je ne suis pas content" me réplique tout de go le petit Kevin. J'aime jouer et j'aime gagner des matches. J'adore le hockey" ajoute-t-il.
On le croit sur parole. Après ses journées de classe, Kevin arrive en trombe à la maison, va au patinage libre, reviens à la maison faire ses devoir et retourne à l'extérieur pour lancer 200 rondelles par jour dans un filet. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que Kevin a sauté plusieurs étapes dans le hockey mineur. C'est un "naturel" selon son entraîneur André Carlos. Il manie bien la rondelle, a plusieurs feintes déroutantes pour un jeune de 7 ans, il possède un lancer du poignet épatant et est très rapide sur patin. Si rapide, que personne dans sa catégorie ne pouvait le suivre. Les dirigeants ont donc décidé de le faire graduer dans le novice A à sept ans. Kevin se retrouve alors avec des garçons de 8-9 et 10 ans. Sur la glace, pas de problème, Kevin ne se laisse pas impressionner du tout. En 8 matches, il marque 5 buts. Ses entraîneurs le situent parmi les 5 meilleurs de l'équipe. "Ça brassait pas mal plus qu'au novice B. Il se faisait tasser, cingler mais ça ne le dérangeait pas. Il avait presqu'un pied de moins que les autres joueurs mais il fonçait. " Quand Kevin est sur la glace" me précise sa mère Patricia, "il est dans sa bulle dans son monde.Il est très concentré."
Le problème n'est pas sur la glace pour Kevin. Déjà un brin timide, ce charmant garçon ne s'amusait plus dernièrement en jouant au hockey. "Nous avions remarqué un changement d'attitude chez lui. Son équipe ne gagnait pas mais il se tirait très bien d'affaire, on se demandait bien ce qui se passait" raconte sa mère. " Je voulais le retourner dans le B avec ses amis," dit-elle, "mais quand ton garçon saute les étapes et joue dans le A et qu'il fait très bien, tu ne veux pas nuire non plus à son évolution." ajoute Patricia.
Après une rencontre avec leur fils, Patricia et Sylvain découvrent en effet que Kevin n'est pas heureux avec son équipe. "Il ne gagnait pas et n'était pas très familier avec le reste de l'équipe. En étant le plus jeune et de loin, Il se sentait un peu à part. Tu sais, un garçon de 9-10 ans ne parle pas des mêmes choses d'un garçon de 7 ans..." me souligne son père en souriant. "Nous lui avons donc fait miroiter la possibilité de retourner dans le B et la réaction de Kevin a été instantanée " Oui, c'est ce que je veux" nous a-t-il dit. Il nous a aussi mentionné que ça faisait un petit bout de temps qu'il y songeait mais qu'il n'osait pas nous en parler pour ne pas nous décevoir", relate Patricia.
Le bonheur de leur fils étant plus important que le grade dans lequel il joue, les parents de Kevin n'ont pas hésité une seconde à demander aux dirigeants de le "rétrograder" dans le B avec ses amis et avec une équipe qui n'a perdu qu'un seul match cette saison.
" Moi, jouer dans le A ou le B, ça ne me dérange pas, me dit Kevin à la sortie d'un match." Ce que je veux, c'est m'amuser et de gagner." Bien sûr comme bien des jeunes, il rêve de jouer dans la Ligue nationale et d'accomplir les exploits de son idole Mario Lemieux. Il met beaucoup d'heures et d'énergie à polir son talent. En plus, il a une qualité que l'on retrouve chez les grands joueurs: il est modeste. Un cocktail impressionnant pour un jeune de son âge. Mais moi, je vous avoue que ce qui m'impressionne le plus, c'est la réaction des parents dans ce dossier. Pensez-y un peu, combien d'entre vous auraient pilé sur votre orgueil et "descendu" votre fils ou votre fille d'une catégorie, dans le simple but de voir votre enfant heureux? Pour qu'il puisse s'amuser? Même s'il appartient à une catégorie supérieure?
Cette décision a finalement porté fruit. Kevin a connu une saison exceptionnelle dans le novice B. Puis il a gradué avec les autres dans le A. Toutefois, en octobre dernier, après un court séjour dans le novice A, les dirigeants l'ont à nouveau fait graduer, cette fois dans le atome A. Il n'a que 8 ans et il se tire très bien d'affaire avec ses nouveaux coéquipiers. Bien sûr le jeune à encore beaucoup à apprendre. Il a du talent, de la volonté, mais on est bien loin de la Ligue nationale de hockey. Pour l'instant, cet enfant s'amuse et c'est ce qui compte. Après vous avoir parlé de ceux qui exigent trop de leurs enfants dans une chronique précédente, je tenais à vous donner une autre version, celle des parents qui prennent les bonnes décisions pour le bien de leur enfant...des bonnes décisions qui à un moment donné, sont toujours récompensées.
En ce temps des Fêtes, je lève donc mon verre à tous les parents, comme Sylvain et Patricia pour leur exemple de sensibilité et d'intelligence. Joyeuses Fêtes à tous!