MONTRÉAL – Jacob Dion a eu l’opportunité de jouer six matchs la saison dernière dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. C’est beaucoup moins que ce qu’il s’imaginait avant d’être le dernier défenseur retranché au camp des Voltigeurs de Drummondville et disons que ça n’a pas été la plate-forme idéale pour espérer épater la galerie.

 

« J’étais remplaçant, alors c’était normal que je ne joue pas beaucoup », explique-t-il dans ses propres mots.

 

Mais à ses yeux, ces six matchs lui ont amplement suffi pour prouver, à lui-même et à tous ceux qui pouvaient en douter, que son décevant renvoi dans la Ligue de hockey Midget AAA était une question de circonstances et non de talent.    

 

« J’étais content de pouvoir revenir et montrer que malgré le fait que je jouais dans le Midget, je n’étais pas nécessairement un "deux de pique" dans cette ligue-là », dit-il aujourd’hui sans détour.

 

S’il restait des sceptiques après étude de ce bref échantillon, Dion s’est assuré de les rallier à sa cause. À sa première saison complète dans la LHJMQ, le natif de l’Estrie a su transposer à son nouvel environnement les qualités offensives développées lors de son stage prolongé avec les Cantonniers de Magog. Avant les matchs du week-end, il occupait le quatrième rang du classement des meilleurs pointeurs parmi les défenseurs du circuit Courteau avec 45 points en 55 matchs.

 

« Il était avec Félix Potvin dans une équipe qui a tout gagné, alors c’est sûr qu’il avait énormément à tirer de cette expérience, croit le directeur général des Voltigeurs, Philippe Boucher. Je pense qu’il était prêt à jouer junior l’année passée, on ne se le cachera pas, mais à Drummondville, on avait un club à l’image de ce qu’on voit cette année à Rimouski ou à Moncton. Est-ce qu’il aurait eu le temps de jeu pour continuer à se développer? Je ne peux pas répondre, je n’étais pas là, mais c’est sûr que c’est toujours bénéfique de dominer ton niveau. Et non seulement dominer, mais y apprendre à gagner. »

 

Cette année, l’arrière de 18 ans s’est surtout découvert un flair pour trouver le fond du filet adverse. Après avoir été limité à trois buts à ses 29 premiers matchs, il en a inscrit douze à ses 26 suivants. La marque d'équipe pour le plus grand nombre de buts pour un défenseur recrue, qui a appartenu à Dimtry Kulikov pendant dix ans, est maintenant sienne et avec treize matchs à jouer au calendrier de la saison régulière, ses quinze réussites le placent en bonne position pour s’approcher du même record à l’échelle de la ligue. C’est Boucher, son DG, qui en est le détenteur depuis 1991.

 

« Quand je suis arrivé à Drummond en début d’année, je ne savais pas trop à quoi m’attendre exactement. Oui j’avais eu six matchs l’année d’avant, mais le contexte n’était pas du tout le même. Alors en début de saison, j’ai pris le temps d’étudier la ligue en essayant d’imposer mon jeu et plus ça allait, plus je prenais confiance. En continuant comme ça, j’ai juste fini par démontrer que j’étais capable de jouer comme je jouais l’année passée dans le Midget », affirme celui qui a amassé 70 points en 52 matchs, séries éliminatoires incluses, comme capitaine des Cantonniers.

 

Des sceptiques

 

Il reste encore des sceptiques, en fait. La production offensive de Dion ne lui a pas encore permis de gagner le cœur des évaluateurs de la Centrale de recrutement de la Ligue nationale. Lorsque la liste de mi-saison de la firme supervisée par Dan Marr a été rendue publique, en janvier, les noms de dix défenseurs de la LHJMQ s’y retrouvaient, mais pas le sien.

 

« Il ne pas que je prenne ça nécessairement négativement. Je suis un peu plus vieux que les joueurs sur cette liste, philosophe Dion. C’est sûr que j’aurais vraiment aimé y être parce que je pense que je suis capable de jouer avec les joueurs qui sont sur cette liste. En même temps, il faut juste que je continue à démontrer que même si je suis peut-être dans l’ombre de certains joueurs, je suis capable de me démarquer. Ça ne veut pas dire que je suis un mauvais joueur pour autant. C’est juste une liste, ça peut changer tout le temps et il ne faut pas que je prenne ça comme si c’était la fin de ma carrière. »

 

Les failles dans le jeu de Dion sont les mêmes que la plupart des joueurs de son âge qui possèdent des instincts naturels en possession de la rondelle. « Il est déjà un défenseur dominant du côté offensif. Il lui reste des choses à travailler, comme sa constance et son jeu défensif, mais je pourrais te dire ça d’à peu près tous les jeunes joueurs », normalise Boucher.

 

Un coup de patin qui ne se démarque pas de la moyenne contribue aussi à la réticence des recruteurs, surtout pour un joueur qu’on répertorie à 5 pieds 9 pouces.

 

« Mon jeu défensif, il fallait que je l’améliore, j’étais au courant, répond Dion, fort lucide par rapport à ce qu’il a à offrir. Mais j’ai beaucoup travaillé avec [l’entraîneur-adjoint] Mathieu Turcotte, on regarde beaucoup de vidéo et après les pratiques, on reste des fois pour travailler sur mon positionnement. Je me rends compte présentement que ça va bien offensivement, mais que ça va bien aussi dans ma zone. Les stats vont toujours plus montrer si on fait des buts et tout ça, mais je pense que s’il y en avait pour mon travail dans ma zone, j’en aurais des bonnes à ce niveau-là aussi. »

 

Il existe de nombreux exemples de jeunes talentueux qui se rebellent à l’apparition du premier obstacle et qui finissent par laisser l’amertume gâcher le déploiement de leur potentiel. Dion, qui n'est assurément pas un « deux de pique »​, n'est pas tombé dans ce piège. 

 

« Je vais être honnête, c’est sûr que j’avais été vraiment déçu d’être coupé. Même s’il y avait d’excellents joueurs devant moi, je tenais vraiment à faire ma place à Drummond et revenir dans le Midget, ça ne faisait pas mon affaire. Mais avec du recul, je pense que ça a été une bonne chose pour moi. J’ai eu des opportunités que je n’aurais pas eues avec les Voltigeurs. J’ai pratiqué encore plus fort et j’ai ramassé la confiance dont j’avais besoin cette année pour avoir une bonne saison. »