SHERBROOKE – Adossé contre la baie vitrée à l’autre bout de la patinoire, Stéphane Julien observe la scène en silence.

Vétérans, recrues, joueurs invités, gardiens... Personne n’y échappe en cette quatrième journée de camp d’entraînement. La pratique a beau durer depuis maintenant plus de deux heures, les joueurs du Phoenix de Sherbrooke ne rentreront pas au vestiaire avant un dernier exercice.

Un incessant va-et-vient entre les lignes de patinoire du Palais des sports Léopold-Drolet.

Cette manœuvre, les joueurs du Phoenix doivent l’exécuter à trois reprises. La cadence ralentit naturellement, mais chacun des jeunes hockeyeurs finit par franchir la distance sans broncher, à bout de souffle.

Bienvenue dans la deuxième ère du Phoenix de Sherbrooke.

Après quatre ans d’existence,  le dernier rejeton de la LHJMQ n’a peut-être plus l’étiquette de club d’expansion, mais il n’a d’autres choix que de repartir à zéro ou presque.

« Il faut changer la culture et les habitudes au quotidien, concède le directeur général Jocelyn Thibault. C’est comme élever des enfants, ça ne se fait pas en neuf jours. Il faut taper sur le clou tous les jours. »

Avec  Stéphane Julien comme commandant, c’est ce que s’efforce de faire DG depuis qu’il a été forcé en décembre dernier de faire le choix déchirant de congédier son prédécesseur Patrick Charbonneau, de même que le pilote Judes Vallée.

« Il fallait faire des choses drastiques », résume Thibault, tout en manifestant le désir de tourner la page sur le premier cycle décevant de son organisation.

Stéphane Julien

Un chum devenu entraîneur-chef

Après une participation surprise aux séries lors de sa première saison en 2012-2013, le Phoenix a conclu la campagne suivante au tout dernier rang du classement général. Puis, après s’être ressaisi un an plus tard en terminant l’année au huitième échelon, le club des Cantons de l’Est a mis la barre haute l’an dernier : une conquête.

Bourrée de talent, la formation qui comptait notamment sur Daniel Audette, Jérémy Roy et Guillaume Gauthier s’est plutôt inclinée au premier tour éliminatoire après avoir évité une exclusion par à peine sept points.

« On a mal commencé la saison et on n’a jamais pu virer ça de bord. [...] Je pense qu’on se fiait trop au supposé talent qu’on avait sur papier. Quand tu perds tous tes matchs en début d’année (NDLR : les 4 premiers), ta confiance descend et c’est ensuite dur de la retrouver », diagnostique le capitaine Carl Neill, seul survivant de l’an 1 du club.

Depuis son élimination en cinq matchs aux mains des Cataractes de Shawinigan le printemps dernier, le Phoenix a rompu ses liens avec plusieurs de ses joueurs. Audette a notamment quitté pour les professionnels, Gauthier a complété son stage junior, alors que Roy a été échangé à l’Armada de Blainville-Boisbriand.

« Le premier cycle est terminé, on repart sur de nouvelles bases », observe l’entraîneur-chef Stéphane Julien, qui après avoir assuré l’intérim pendant quelques mois l’an dernier, a été hérité du titre officiel au cours de la saison morte.

Julien en est toutefois à sa cinquième année à l’emploi du Phoenix, lui qui a d’abord agi à titre d’entraîneur adjoint avant de réduire sa charge de travail pour occuper un poste de responsable au développement des joueurs jusqu’au moment où il a reçu l’appel à l’aide de Thibault.

« À mon arrivée l’an dernier, ç’a été un peu plus difficile. Après avoir été adjoint et responsable du développement, les gars me voyaient plus comme un chum qu’un entraîneur-chef. [...] Je pense cependant qu’ils ont compris le message que les choses vont changer. On a une ligne directrice et il ne s’agit pas de sortir le fouet, mais il faut la suivre jusqu’à la fin de la saison », insiste-t-il.

Et ça commence à l’entraînement.

La mentalité d’abord, le talent ensuite

Le message que s’acharne à répéter la nouvelle direction est donc fort simple : l’attitude et l’effort avant le talent.

« Ce que je souhaite depuis le début, c’est que le processus soit sain. Quand la culture et les valeurs véhiculées sont les bonnes, les victoires suivent. Avant d’apprendre à courir, il faut apprendre à marcher », rappelle Thibault.

« Ça ne se fait pas en cliquant des doigts, renchérit Julien. Il y a des gars qui sont ici depuis deux ou trois ans. On ne pense pas les changer comme ça. Il faut un effet de groupe. »

Chose certaine, Julien pourra compter sur les vétérans Chase Harwell, Carl Neill, Julien Bahl, Nicolas Poulin et Olivier Shingh-Gomez pour maintenir cet effet d’entraînement. Le pilote de la troupe sherbrookoise ne pourra toutefois compter sur la contribution de deux d’entre eux sur la patinoire lorsque la saison s’amorcera le 23 septembre à Rouyn-Noranda.

Victime d’un coup illégal du défenseur des Foreurs de Val-d’Or David Henley lors d’un match préparatoire, l’attaquant Nicolas Poulin doit soigner une blessure à un genou pendant 4 à 8 semaines. S’étant porté à la défense de son coéquipier, le défenseur Olivier Schingh-Gomez sera quant à lui suspendu pour les six premiers matchs de la campagne pour avoir quitté le banc des siens afin d’engager le combat avec Henley.

Sans ces piliers, le gardien Evan Fitzpatrick aura donc d’entrée de jeu la pression de tenir le fort, comme ça risque d’ailleurs d’être le cas pendant toute l’année.

Evan Fitzpatrick

« On n’a pas l’équipe qui va finir dernière et on n’est peut-être pas en reconstruction complète, mais on demeure très jeune à l’attaque. Ça risque donc d’être un peu plus difficile d’aller chercher des buts. En défense, on n’a plus de vétérans, mais l’équipe va aller comme va aller notre gardien. Fitz va devoir être excellent si on veut finir en milieu de peloton », avance Julien.

Si la brigade défensive compte sur l’expérience de deux joueurs de 20 ans (Neil et Bahl) et deux de 19 ans (Schingh-Gomez et Skylar Strumas), l’attaque du Phoenix sera en grande partie en phase d’apprentissage.

Yaroslav Alexeyev et Marek Zachar, sélectionnés au dernier repêchage européen de la LCH en seront en effet à leur premiers pas dans le circuit Courteau, tout comme le premier choix de l’équipe au dernier repêchage et 10e au total, Anderson MacDonald. C’est ce dernier, un colosse de 6 pi 1 po et 203 livres déjà, qui incarne l’avenir de l’équipe en attaque.

« Il a le package. C’est un gros bonhomme qui a déjà le lancer d’un joueur de 20 ans. Il doit améliorer son positionnement et sa condition physique, mais il va avoir de la glace », promet Julien, qui compte d’abord placer l’attaquant de 16 ans originaire du Nouveau-Brunswick sur la troisième unité offensive.

« C’est un diamant à l’état brut, ajoute Thibault. Il faut faire attention de ne pas trop lui imposer de pression. Jouer à 16 ans la LHJMQ, c’est dur. Il faut être patient avec lui et bien l’encadrer. Ce qui importe avant tout, c’est qu’il s’imprègne des couleurs du Phoenix parce qu’il va être ici pour longtemps et qu’on compte beaucoup sur lui pour le futur. »

Place au jour 1 de celui-ci, prise 2.