MONTRÉAL – La première année d’admissibilité au repêchage de la Ligue nationale est rarement un long fleuve tranquille pour un joueur d’âge junior, encore moins s’il est considéré comme l’un des plus doués de sa cohorte.

Un horaire compressé, le lourd regard des recruteurs, la pression insidieuse des agents, les nombreuses demandes d’entrevues et les questions répétitives qui viennent avec, des adversaires aux tactiques pas toujours catholiques.   

Justin Barron aurait bien aimé n’avoir eu à s’inquiéter que de ça.

Le 30 novembre, Barron s’est présenté à l’aréna avec des préoccupations qui n’avaient rien à voir avec l’Armada de Blainville-Boisbriand, l’adversaire des Mooseheads de Halifax ce soir-là. L’un de ses bras était engourdi et envahi par une sensation de picotement. Le grand défenseur a ignoré les signes et s’est préparé pour son match, mais les symptômes ont persisté. Au deuxième entracte, Barron a partagé son inquiétude avec le thérapeute sportif Robin Hunter.

Après le match, il était devenu clair que le temps ne serait pas un remède efficace. Son bras était enflé et taché de marques de décoloration. Barron a quitté pour l’hôpital. Le lendemain, il apprenait qu’on lui avait trouvé un caillot de sang dans l’épaule.

« Ça m’a pris par surprise. Je ne savais pas grand-chose sur ce type de blessure à ce moment-là et sur le coup, c’est vrai que ça peut faire peur. Mais on est très bien entouré à Halifax et Robin a tout de suite su que c’était une possibilité et qu’il y avait un risque pour ma santé », a raconté Barron lundi lors de son passage à Montréal pour le dévoilement du logo du prochain repêchage de la LNH.  

Les médecins n’ont toujours pas statué sur la cause exacte de la condition qui affecte Barron.

« J’ai passé plusieurs tests et on n’a pas encore réussi à comprendre clairement ce qui s’est passé. Parfois, ça peut arriver à force de faire un mouvement répétitif. Ils ont déjà vu ça avec des joueurs de basketball et d’autres types d’athlètes, par exemple. »  

Barron s’est fait prescrire un traitement anticoagulant et du repos. Il a passé quelques semaines sur la touche avant de reprendre progressivement l’entraînement.

« Je suis maintenant dans le gymnase à chaque jour et j’ai aussi pu recommencer à patiner, mais en solitaire. Ma vie est pas mal revenue à la normale depuis deux mois », assure le jeune homme de 18 ans, qui espère recevoir la bénédiction des médecins lors de son prochain rendez-vous de suivi le 24 février.

« C’est la première fois que je dois m’absenter pour une aussi longue période. Psychologiquement, ça a été un défi comme je n’en avais jamais rencontré auparavant, mais je crois que ça ne peut que me rendre plus fort. Je touche du bois pour qu’un truc du genre ne m’arrive plus jamais, mais si ça devait arriver, je serai prêt à bien le gérer. »

Une cote au neutre

Lorsque cette frousse sera définitivement derrière lui, Barron aura un peu plus d’un mois pour se repositionner avantageusement sur les listes des recruteurs.

Juste avant que sa saison ne se transforme en longue convalescence, l’analyste de TSN Craig Button l’avait placé au 15e rang sur sa liste des plus beaux espoirs de 2020. Lors de la mise à jour suivante, près de deux mois plus tard, son nom y apparaissait au 19e échelon. La Centrale de recrutement de la LNH, elle, lui a réservé le 15e rang de son classement de mi-saison des meilleurs patineurs évoluant en Amérique du Nord. Son nom est devancé par celui de seulement quatre autres défenseurs.

Le grand droitier ne profitera pas des meilleures conditions pour améliorer son sort. Les Mooseheads ont amorcé une reconstruction majeure pendant son absence, laissant partir sept vétérans. Du nombre, son partenaire de jeu Patrick Kyte, le défenseur étoile Jared McIsaac et les trois meilleurs marqueurs de l’équipe. Rien que ça.

Présentement enfoncé au neuvième rang du classement de l’Association Est, les Mooseheads devraient en toute logique connaître un parcours éliminatoire modeste, un an après avoir participé au tournoi de la Coupe Memorial. La vitrine de Barron, ou ce qui en reste, sera donc limitée.

Mais celui qui avait 17 points en 27 matchs au moment de rentrer à l’infirmerie ne s’en formalise pas. Puisque sa date de naissance le rendait tout juste inadmissible au repêchage de 2019, Barron en est déjà à sa troisième saison au niveau junior majeur. Ses preuves, prétend-il humblement, ont déjà été faites.

« Je crois que les recruteurs ont amplement eu l’occasion de me voir à l’œuvre depuis deux ans et ils savent ce que j’ai dans le ventre. J’espère quand même que les derniers mois n’affecteront pas trop ma cote, mais j’espère être de retour au jeu bientôt pour pouvoir montrer où j’en suis. »