L’exil forcé d’Anthony Dumont-Bouchard
LHJMQ vendredi, 13 oct. 2017. 06:48 mercredi, 11 déc. 2024. 07:26MONTRÉAL – Tout ce que voulait Anthony Dumont-Bouchard, c’était de jouer une autre saison junior.
Une dernière.
À 20 ans, le gardien québécois ne figurait peut-être plus dans les plans du Titan d’Acadie-Bathurst, déjà bien nanti en vétérans, mais après avoir connu sa meilleure saison en carrière il pouvait néanmoins s’accrocher à l’espoir d’une transaction.
Charlottetown, Victoriaville, Rimouski, Shawinigan... N’importe où.
« Je savais depuis cet été que je ne jouerais plus à Bathurst. J’attendais un échange, mais il n’est jamais venu », se désole-t-il encore aujourd’hui.
Ne restait donc plus que le ballottage. Même « gratuit », le portier originaire de Lévis n’a toutefois trouvé preneur dans le circuit Courteau.
« Je me suis présenté au camp [du Titan], et sincèrement, je pensais me trouver une équipe dans la LHJMQ », cherchait encore à comprendre Dumont-Bouchard dans un récent entretien avec le RDS.ca.
« Ç’a été un gros choc, je ne m’attendais pas à ça. Je pensais rester au camp pas trop longtemps et qu’il allait ensuite se passer de quoi, mais ce n’est pas venu. »
Dumont-Bouchard est donc ensuite rentré chez lui. Si plusieurs options s’offraient à lui pour la poursuite de sa carrière entre les poteaux, notamment la British Columbia Hockey League (BCHL) et les rangs universitaires, il n’était toutefois pas encore prêt à renoncer à son plan A.
« Je savais que cette année, j’étais capable d’être dominant dans la LCH (Ligue canadienne de hockey). Je voulais juste une opportunité. »
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Avec l’aide de son agent et des bons mots de la direction du Titan, Dumont-Bouchard s’est ainsi tourné vers le circuit voisin : la Ligue junior de l’Ontario (OHL). Et cette fois, l’intérêt y était.
Durement éprouvés par les blessures devant le filet, les Rangers de Kitchener étaient prêts à offrir une terre d’accueil au Québécois en exil. Ils n’étaient cependant pas les seuls à faire de l’œil à Dumont-Bouchard.
Afin de ne pas l’échapper au ballottage, les Rangers se sont donc entendus avec les Colts de Barrie, premiers à sélectionner, pour qu’ils réclament Dumont-Bouchard avant de le leur troquer.
Le coût? Un modeste choix de 14e ronde au repêchage.
C’est bien peu payé pour un gardien qui, un mois plus tard, affiche un dossier parfait de 5-0-0, la deuxième meilleure moyenne de buts alloués du circuit (1,80) et le deuxième meilleur taux d’efficacité (,940).
No 1? Pas encore...
« Une immense part de nos succès jusqu’à maintenant lui revient, une très grosse part », insiste le directeur général des Rangers, Mike McKenzie, dont l’équipe occupe actuellement le troisième rang du classement général grâce à une fiche de 5-2-1-0.
« Il a fait tout ce qu’on demandait de lui et je dirais même plus », enchaîne le DG. « Il a gardé notre équipe dans le coup même si les gars devant lui n’étaient peut-être pas à leur meilleur par moments. Il a toujours été là pour nous sauver. »
De la stabilité à court terme, voilà exactement ce que devait au départ offrir Dumont-Bouchard aux Rangers.
C’est qu’au cours de l’été, le club du sud de l’Ontario a dû faire une croix sur son portier no 1, Luke Opilka, un espoir de 20 ans des Blues de St Louis qui tarde à se remettre d’une deuxième opération à une hanche.
« On a quelques jeunes gardiens en qui on croit encore beaucoup, mais on était à la recherche d’un gars d’expérience un peu plus vieux qui connaissait le hockey junior et qui avait joué plus de matchs », explique l’architecte des Rangers.
Répondant à tous ces critères d’embauche, Dumont-Bouchard s’est donc amené à Kitchener avec comme premier mandat de lutter avec le jeune Luke Richardson pour les fonctions principales dans le demi-cercle.
Richardson, un athlète de 18 ans avec à peine 16 matchs d’expérience, a d’abord obtenu le premier départ, allouant cinq buts dans un revers de 5-3 face aux Firebirds de Flint. Le lendemain, c’était au tour de Dumont-Bouchard de se mettre à l’oeuvre.
Il n’a pas raté son coup.
Repoussant 37 des 38 lancers du Sting de Sarnia, le Québécois a mené les siens à un gain de 3-1, héritant au passage la première étoile de la rencontre. Quatre autres victoires en autant de sorties ont suivi pour Dumont-Bouchard, qui vient notamment de tenir en échec la deuxième meilleure équipe au pays, l’Attack d’Owen Sound, lundi dernier.
« C’est sûr que ça va bien dernièrement, mais c’est toujours à recommencer », résume-t-il humblement.
Au terme de cette victoire contre l’Attack, plusieurs médias de la région de Kitchener rapportaient que Dumont-Bouchard avait été officiellement nommé gardien no 1 de l’équipe. Si cette information est parvenue aux oreilles du principal intéressé, il ne l’a pas entendue de la bouche de son entraîneur Jay McKee. Quant au directeur général Mike McKenzie, celui-ci préfère ne pas s’avancer trop vite.
« C’est dangereux de dire ça, spécialement dans le hockey junior, où les jeunes joueurs connaissent souvent des hauts et des bas, tempère-t-il. On ne peut pas vraiment donner cette étiquette à un gars présentement. Peu importe qui se retrouve dans le demi-cercle un soir donné, quand le match commence, c’est lui le no 1. »
Reste que Dumont-Bouchard détient une longueur d’avance.
« Jouera-t-il beaucoup de matchs dans les semaines à venir? Oui. Je suis sûr que Jay, notre coach, lui offrira beaucoup de départs étant donné la façon dont il joue », confirme McKenzie.
Visibilité accrue
No 1 ou pas, ça ne change rien pour Dumont-Bouchard.
« Mon but premier, c’est de jouer au hockey et faire la meilleure carrière possible. La OHL a la réputation d’être plus forte que la LHJMQ en général, alors pour moi la visibilité est meilleure ici que dans la LHJMQ. C’est la meilleure situation qui pouvait m’arriver », observe celui qui souhaite obtenir un essai professionnel au terme de la présente saison.
Dans un marché d’importance comme Kitchener, qu’il compare à ceux de Québec et Halifax dans la LHJMQ, Dumont-Bouchard aura certes l’occasion d’attirer le regard des éclaireurs professionnels.
« C’est un gardien très athlétique, décrit McKenzie. Il compte beaucoup sur ses réflexes et ses habiletés athlétiques, ce qui rend la tâche plus difficile pour les tireurs. [...] Il n’abandonne jamais sur aucune rondelle. Il met au défi le tireur et ne recule pas dans son filet. Il a un style très agressif, et dans le hockey junior, ça fonctionne souvent très bien pour certains gardiens. »
Ce savoir-faire, Dumont-Bouchard n’a pas été en mesure de l’exposer pleinement l’an dernier avec les Voltigeurs de Drummondville et le Titan après avoir été dépouillé d’un été complet d’entraînement par une commotion cérébrale qui tardait à guérir, déplore-t-il.
« J’ai joué plusieurs matchs l’an passé, mais j’avais de la misère à suivre la cadence. »
Dorénavant, c’est lui qui l’impose.
« J’ai toujours cru que j’étais capable d’être un goaler dominant dans la LCH cette année. »