MONTRÉAL – Olivier Rodrigue avait gardé son téléphone à portée de main et s’était assuré que le volume de la sonnerie soit monté au maximum. Il savait que les dirigeants de Hockey Canada contacteraient ce soir-là les joueurs invités au camp de sélection final en vue du Mondial junior. Ce n’est pas le genre d’appel qu’on laisse tomber dans sa boîte vocale.

 

L’effet pervers d’un état d’alerte aussi étanche, c’est qu’il réduit les possibilités en cas de silence. Si ça n’a pas sonné, inutile de vérifier les messages d’alerte et les voyants lumineux. C’est que ça n’a pas sonné.

 

Et le téléphone de Rodrigue, le soir du 2 décembre, n’a pas sonné.

 

« Après une couple d’heures, j’ai décidé de texter mon agent pour savoir s’il avait eu des nouvelles de ses autres clients, racontait le gardien des Voltigeurs de Drummondville cette semaine. J’ai su que Beaudin et McIsaac avaient été appelés. J’ai commencé à stresser un peu plus. Puis du stress, je suis passé à la déception. »

 

Quand il est finalement allé se coucher, Rodrigue avait atteint le stade de la résignation. Le lendemain matin, son entraîneur Steve Hartley l’a convoqué dans son bureau pour lui transmettre le message des bonzes de l’équipe nationale. Il se doutait de ce qu’il allait entendre. Il a encaissé un dernier coup de couteau avant que la plaie ne se referme pour de bon.

 

« Il m’a dit qu’ils ne souhaitaient pas nécessairement y aller avec un gars de 18 ans devant le filet, que c’était une question d’âge et d’expérience. Je ne peux quand même pas chialer mes parents de m’avoir donné naissance un peu trop tard! », philosophait le jeune natif de Chicoutimi.

 

L’argument se défend, mais la décision demeure surprenante. Après tout, les décideurs du programme canadien savaient que Rodrigue venait à peine d’atteindre la majorité lorsqu’ils l’ont invité à leur camp estival, en août. Et ce n’est certainement pas avec les statistiques qu’il a affichées en première moitié de saison qu’il a perdu des points.

 

Avant le programme double qui précédait le congé des Fêtes, Rodrigue montrait la deuxième meilleure moyenne de buts alloués parmi les gardiens ayant joué au moins 1000 minutes dans la LHJMQ (2,46). Son taux d’efficacité de ,902 n’est peut-être pas le plus reluisant, mais on peut en dire autant de celui de Matthew Villalta, l’Ontarien qui lui a été préféré dans le processus décisionnel.  

 

« C’est sûr, j’étais un peu surpris, mais c’est une décision qu’on ne peut pas changer. J’aurais au moins aimé être au camp, c’était un objectif atteignable que je m’étais fixé, mais le destin a fait en sorte que ce n’était pas mon année. Ce n’est que partie remise pour l’an prochain. »

 

Solide derrière une attaque de feu

 

Il n’est pas impossible que Rodrigue ait été la malheureuse victime des succès de sa propre équipe.

 

Les Voltigeurs comptent sur la meilleure attaque de la LHJMQ. En date du 14 décembre, ils avaient marqué 156 buts en 31 parties, pour une moyenne supérieure à cinq par match, et avaient marqué au moins six buts dans chacune de leurs dix plus récentes victoires. Depuis le début de la saison, Rodrigue a travaillé dans des victoires de 10-3, 8-1 et 12-1.

 

On aurait tendance à minimiser l’importance du gardien de but dans de tels massacres, mais Rodrigue réfute la théorie selon laquelle ses observateurs se seraient laissés influencer par le support offensif dont il a bénéficié.

 

« Je ne crois pas que ça a été un facteur. Les gens de Hockey Canada connaissent la game. Même si gagne 8-1, s’il y a eu des chances de marquer et que j’ai fait une bonne job, ils vont le reconnaître. Oui, c’est plus facile de jouer avec confiance quand tu as une grosse avance et c’est clair que ça aide à accumuler les victoires, mais si je ne performais pas comme je dois le faire, ces matchs-là seraient plus serrés qu’ils le sont. »

 

Depuis que ses coéquipiers Nicolas Beaudin, Maxime Comtois et Joseph Veleno ont fait leurs valises pour Victoria pour aller lutter pour un poste au sein d’ÉCJ, le choix de deuxième ronde des Oilers d’Edmonton garde le fort de belle façon à Drummondville. Il peut dire fièrement qu’il n’a pas laissé la mauvaise nouvelle affecter son rendement. Mercredi, il a réalisé 30 arrêts dans une victoire sur les dangereux Huskies de Rouyn-Noranda, une équipe qui l’avait malmené sans pitié depuis le début de la saison.

 

« Au niveau des statistiques, ça a été un peu plus difficile, juge-t-il, mais la façon dont je joue, c’est la bonne façon. C’est de cette façon-là que j’ai eu du succès et je suis totalement content de mes performances. Il y a quelques petites choses à améliorer, mais c’est juste de l’expérience qui rentre. »

 

De l’expérience qui, si tout le monde est conséquent chez Hockey Canada, pourrait lui rapporter gros dans un an.​