« Remporter 13 victoires de suite, personne n’y aurait cru en début de saison. »

Carl-Antoine Delisle a beau se pincer, c’est la réalité. Les Tigres de Victoriaville n’ont pas subi la moindre défaite en un peu plus d’un mois.

Aussi inespérée soit-elle, cette nouvelle marque d’équipe n’a pourtant rien de fortuite aux yeux des principaux intéressés.

« Nos nombreuses blessures ont énormément masqué le potentiel de notre équipe en première moitié de saison », fait remarquer l’entraîneur-chef Yanick Jean.

Déchirures ligamentaires à l’épaule, deux fractures de la clavicule, déchirure du tendon d’Achille, appendicite, quadruple fracture au larynx... Là ne sont que quelques-unes des blessures qui ont affligé les Jonathan Diaby, Tommy Veilleux, Carl Marois, Alex Filiatrault (maintenant à Shawinigan), Tristan Pomerleau et Brandon Whitney en cours de campagne.

Si bien que c’est parfois sans huit de leurs joueurs réguliers que les Tigres ont posé les patins sur la patinoire.

Yanick Jean « Non seulement les blessures ont été nombreuses, elles étaient graves et longues à guérir, insiste Jean, en entrevue avec le RDS.ca. [...] Démuni et frustré, le reste de l’équipe peinait à voir la lumière au bout du tunnel. »

Jusqu’à ce qu’une éclaircie perce la noirceur. 

« Quand Diaby est revenu, ça nous a beaucoup aidés. Il a donné confiance au reste de l’équipe », note Delisle, un attaquant de 20 ans.

Disputant son premier match de la campagne le 5 décembre, tout comme Veilleux, l’imposant défenseur a en effet été un ajout de poids à la formation des Tigres.

« Depuis qu’il est de retour, Diaby inscrit en moyenne un point par match (23 points en 25 rencontres). Quand tu mesures six pieds quatre pouces et que tu pèses 240-250 livres, disons que c’est plus facile de ralentir le meilleur trio adverse, ce qu’il fait chaque soir », expose Jean.

Ainsi, à mesure que l’équipe retrouvait la santé, la confiance regagnait petit à petit le vestiaire du Colisée Desjardins. Soudainement, les vrais Tigres, ceux qui avaient remporté 9 de leurs 12 premiers matchs de la saison, ressortaient de leur tanière.

« Avec le retour des blessés, on savait qu’on allait revenir en force après les Fêtes », assure Delisle.

Ne restait plus qu’à combler quelques lacunes. 

Et ce n’était pas le 14e rang de l’équipe avant la période de transactions qui allait empêcher le directeur général Jérôme Mésonéro d’y remédier.

Yan Pavel Laplante, Jean-François Plante, Julien Leduc, Cameron Yarwood et François Tremblay, notamment, ont ainsi troqué un à un leur ancien uniforme pour celui des Tigres.

« Ç’a fait une grosse différence. Les gars ont trouvé l’étincelle. Ils avaient soif de victoire », signale Jean.

Après avoir d’abord arraché un jeu blanc de 1-0 aux Olympiques de Gatineau le 10 janvier, les Tigres sont rentrés à Victoriaville au milieu de la nuit. À peine quelques heures plus tard, ils déplumaient les Screaming Eagles du Cap-Breton 12-3. 

La série de victoires s’amorçait.

« On a toujours été une équipe qui jouait bien défensivement, mais on avait de la misère à trouver le fond du filet avec régularité même si on générait beaucoup de chances de marquer. Ce match nous a fait réaliser qu’on était aussi capable de gagner des duels offensifs », analyse Jean.

Onze gains plus tard, les Tigres tâcheront de prolonger le plaisir ce soir, alors qu’ils font escale à Rimouski (Le match a été remis en raison du mauvais temps). 

Si la possibilité de signer une 14e victoire de suite est pour le moins inattendue, la contribution du gardien François Tremblay à cette heureuse séquence l’est tout autant.

Une bouffée d’air frais François Tremblay

Acquis des Foreurs de Val-d’Or le 31 décembre en retour de deux choix de repêchage, Tremblay s’amenait à Victoriaville pour épauler Whitney d’abord et avant tout.

« Brandon avait vu beaucoup de rondelles en première moitié de saison en raison des nombreux blessés. L’occasion était alors idéale pour lui offrir le support d’un gardien d’expérience », dévoile Jean.

Après avoir occupé un poste de no 1 pendant la majeure partie de ses trois précédentes campagnes en Abitibi, Tremblay se retrouvait donc dans une situation un peu moins familière. Mais qu’importe, il était temps pour lui de quitter Val-d’Or.

« J’avais besoin d’un changement d’air, concède-t-il. Après quelques sorties publiques du directeur général (Alexandre Rouleau) où il disait songer à m’échanger, je ressentais qu’on n’avait plus confiance en moi. Je l’ai donc rencontré avant la période des Fêtes pour lui dire de m’échanger s’il n’avait pas confiance en moi. C’est ce qu’il a fait. »

Tremblay était donc prêt à saisir cette nouvelle opportunité se présentant à lui.

« Il n’y a pas beaucoup de gardiens qui apprécient être le no 2, rappelle-t-il. J’ai été no 1 pendant presque toute ma carrière junior. Mon but c’était de le redevenir. »

Un simple lancer de routine a précipité les choses.

Heurté à la gorge par le tir d’un coéquipier lors d’une séance d’entraînement le 6 janvier dernier, Whitney a en effet dû s’absenter pendant un mois. Souffrant d’une quadruple fracture au larynx, le portier des Tigres a dû être opéré le lendemain et a ensuite été tenu sous sédation pendant trois jours.

« On était chacun de notre côté de la glace lorsque c’est arrivé. Je parlais avec l’entraîneur des gardiens et je l’ai vu se relever, laisser tomber sa mitaine et son bloqueur et s’effondrer sur la patinoire. Il se prenait la gorge. Je ne sais pas s’il s’agissait de cris, mais il n’y avait pas grand son qui sortait de là », décrit Tremblay.

Ce n’est que le lendemain que le diagnostic est tombé et que l’ensemble de l’équipe a saisi la gravité de la blessure. Whitney à l’hôpital, c’était maintenant à Tremblay de prendre possession du filet. Ce qu’il a fait avec brio.

Une saison en mutation

Affichant une moyenne de buts alloués par match de 3,11 et un taux d’efficacité de .890 à son départ de Val-d’Or, l’athlète de 19 ans a depuis amélioré significativement son rendement. Ne subissant qu’un seul revers contre 13 victoires, Tremblay a concédé en moyenne 2,25 buts par rencontre et montré un taux de 9,33 jusqu’à maintenant dans l’uniforme des Tigres.

« Lorsqu’il est arrivé chez nous après un séjour en dents de scie à Val-d’Or, François a fait preuve d’une grande maturité et d’une ouverture d’esprit dans son travail avec notre entraîneur des gardiens Daniel Fréchette. L’effet a été immédiat. Sa saison s’est aussitôt transformée », observe Jean.

« J’ai des choses à prouver, autant à moi-même, qu’aux Tigres et aux Blues (de St Louis). Je dois connaître une grosse fin de saison. C’est ma dernière année pour dénicher un contrat professionnel », souligne le choix de cinquième ronde en 2012.

Pour parvenir à ses fins, Tremblay devra cependant le faire en partageant le filet avec Whitney, qui effectuera un retour dans la formation des Tigres dès ce soir.

« Ça va faire une belle compétition de gardiens », entrevoit Delisle, tout en se réjouissant de la profondeur dont l’équipe bénéficie à cette position à l’aube des séries.

Campés au neuvième rang du classement général, les Tigres pourraient en effet tirer avantage de la situation pour grimper encore de quelques échelons. Et qui sait, pourquoi pas jouir de l’avantage de la patinoire en éliminatoires? Six points les séparent de la huitième position, propriété des Foreurs.

« On ne se mettra pas de pression inutile quant à notre classement final, tranche Jean. L’objectif, c’est de monter. Jusqu’où? On ne s’est pas fixé de but précis. Tout ce qu’on veut pour l’instant, c’est progresser jusqu’aux séries, et surtout, gagner des matchs. »

Visiblement, ça fonctionne.