« Prêt pour les 30 pires secondes de ta vie? »
LHJMQ lundi, 2 mai 2016. 09:54 dimanche, 15 déc. 2024. 05:45BOISBRIAND – Le Wingate, ça vous dit quelque chose?
Non? Tant mieux.
Car si vous avez déjà tenté l’expérience, vous en gardez sans doute un douloureux souvenir. Mes jambes ne me l’ont toujours pas pardonné en tout cas.
La semaine dernière, à l’invitation de la LHJMQ, je me suis joint aux 120 meilleurs joueurs de la province et des Maritimes nés en 2000 afin de prendre part aux exercices hors glace du traditionnel Combine, une série de tests physiques offrant de précieuses données aux clubs du circuit québécois à l’aube du prochain repêchage.
En compagnie d’un confrère journaliste, j’ai alors été jumelé aux 20 meilleurs hockeyeurs que l’Île-du-Prince-Édouard a à offrir. Vêtu de la tête au pied comme ces derniers, si ce n’est que de mon chandail d’un vert distinctif, j’ai toutes les apparences d’un joueur d’âge midget qui s’apprête à prouver qu’il a ce qu’il faut pour passer au prochain niveau... le talent et les capacités athlétiques en moins.
8 h 45, c’est l’heure.
Jeff Watson, un entraîneur d’Elite Training Systems embauché pour l’occasion afin de superviser la portion hors glace de ces tests, passe d’abord en revue chacun des sept exercices du circuit aménagé sur la piste d’entraînement ceinturant la patinoire du Centre d’excellence Sports Rousseau.
Une fois le poids et la taille de chacun notés, place à la première épreuve, qui mesure la force de préhension. Il suffit alors de saisir de la main un appareil et de serrer la poignée de celui-ci le plus fort possible pendant quelques secondes.
Rien là.
S’enchaînent ensuite saut en hauteur et saut en longueur, et ce sans aucun élan.
Puis, assis et adossé à un mur de l’aréna, on me demande par la suite de prendre à deux mains un ballon d’entraînement de 4 kilogrammes et de le lancer le plus loin possible. Distance parcourue : 14.1 pieds. Ça, c’est six de moins que la référence de la journée.
Déjà, ma fierté en prend un coup. Ce n’est que le début...
Après deux essais au sprint de 20 mètres, et deux courses latérales servant à évaluer l’agilité des participants, le temps est enfin venu pour l’ultime test. Le très redouté Wingate.
« Prêt pour les 30 pires secondes de ta vie? »
Cette mise en garde a beau être servie à la blague par une relationniste avant que j’entreprenne la marche menant à la salle des tortures, elle m’intimide néanmoins. J’ai 32 ans, je joue au hockey une à deux fois par semaine et je jogge à l’occasion, mais disons que j’ai plus l’habitude d’avaler les Big Macs que les kilomètres.
Bref, je n’ai rien d’un athlète.
Le principe du Wingate est fort simple. Pédaler au maximum de ses capacités pendant 30 secondes sur un vélo stationnaire contre une résistance ajustée en fonction de son poids, et ce, tout en ne soulevant pas ses fesses de la selle.
« Ce test offre une excellente mesure de la puissance et de la capacité anaérobique que le hockeyeur peut développer sur la patinoire, de même que son index de fatigue, des facteurs primordiaux au hockey. C’est l’occasion pour les entraîneurs d’évaluer la volonté d’un athlète à pousser malgré la douleur », explique Watson.
La souffrance est évidente. Alors que les joueurs de l’Île-du-Prince-Édouard s’exécutent un à la fois en fixant presque tous le sol, je m’échauffe sur un vélo stationnaire « régulier » en anticipant le pire.
Et je ne suis pas le seul. À ma gauche, l’un des derniers joueurs de l’équipe à devoir se soumettre à l’exercice pédale lui aussi nerveusement.
« As-tu déjà fait quelque chose du genre? »
« Non, et j’ai peur un peu », me répond-il franchement, tout en esquissant un timide sourire qui laisse transparaître toute l’angoisse qui l’habite à quelques minutes du signal de départ.
Frêle et semblant à peine sorti de la puberté, ce jeune athlète ne s’en tire finalement pas trop mal. Son supplice de 30 secondes étant maintenant terminé, mon tour approche.
Le temps que mon collègue journaliste complète lui aussi son essai, je m’installe sur l’autre vélo connecté à un ordinateur. Les pieds à peine posés sur les pédales, un préposé les immobilise aussitôt solidement à l’aide d’un puissant ruban gommé. Du bon vieux « Duct Tape », on niaise pas.
« C’est pas si pire... pendant cinq secondes », prévient-il sur un ton amusé, alors qu’un autre préposé ajuste le poids de la résistance à mes 186 livres.
Tout étant maintenant en place, mon bourreau m’invite à pédaler à pleine vitesse alors qu’il se prépare à appuyer sur le bouton enclenchant la résistance. Cette maudite résistance…
« 3... 2... 1... Go! Go! Go! »
Les encouragements ont beau résonner dans la salle, mes jambes répondent déjà de moins en moins aux commandes que leur envoie mon cerveau après à peine 10 secondes d’effort. La volonté y est, mais mes capacités s’épuisent rapidement.
« Pousse! Pousse! Pousse! Cinq secondes! Pousse! »
De peine et de misère, je parviens à faire faire un dernier tour complet au pédalier. Puis, la délivrance.
Étaient-ce les 30 pires secondes de ma vie? Non, peut-être pas, mais pour les résultats, on repassera.
Disons simplement que même si je n’avais que 15 ou 16 ans et tout le talent du monde sur une patinoire, il n’y aurait jamais assez de rondes dans un repêchage de la LHJMQ pour qu’une équipe ose prononcer mon nom.
N'empêche, une fois libéré de mes attaches, je n'ai pas eu à me servir de l'une des deux poubelles à notre disposition pour vous savez quoi...
C'est déjà ça.