LNH: où sont les défenseurs québécois?
Hockey samedi, 27 août 2011. 16:01 samedi, 14 déc. 2024. 09:29
MONTRÉAL - Un petit calcul bien simple permet à Blair Mackasay de déceler une faille dans le système de développement des joueurs de hockey québécois.
Selon le décompte du directeur du personnel des joueurs du Wild du Minnesota, seulement neuf défenseurs originaires de la Belle Province ont disputé un minimum de vingt matchs dans la Ligue nationale la saison dernière. Du lot, seulement cinq - Marc-Édouard Vlasic, Jason Demers, Kristopher Letang, François Beauchemin et Stéphane Robidas - peuvent se vanter d'avoir occupé un poste régulier au sein de la brigade défensive de leur équipe.
C'est peu comparativement aux 30 Ontariens qui ont patrouillé à la ligne bleue d'une équipe du circuit Bettman au cours de la même période.
Et la tendance n'est pas nouvelle. Depuis 1998, les seuls arrières à avoir grandi dans le giron de Hockey Québec qui ont été repêchés en première ronde du repêchage de la LNH sont Mathieu Biron et Simon Després.
Mais pourquoi le Québec est-il si mal représenté à la ligne bleue des équipes de la Ligue nationale de hockey? Mackasay, qui participait à la conférence intitulée « développement des joueurs à travers les programmes d'excellence » à l'horaire du Sommet sur le hockey québécois, balaie du revers de la main l'argument du gabarit, une excuse qui ne tient plus la route selon lui dans la réalité actuelle du hockey professionnel.
« Je crois que c'est davantage une question de mentalité dans le système de développement au Québec », avance celui qui a été longtemps le responsable de l'évaluation des joueurs d'âge junior pour le programme de Hockey Canada.
« Les recruteurs remarquent une différence dans la mentalité des joueurs. Ceux de l'Ontario et de l'Ouest sont plus méchants, plus physiques. Leur niveau de compétitivité, d'intensité est plus élevé. Et ils acceptent leur rôle de défenseurs, ils en retirent une fierté. Tandis qu'au Québec, peut-être qu'on met trop d'emphase sur les buts. On veut former des vedettes. »
Sans prétendre détenir la réponse à une question qui en laisse plusieurs pantois, Mackasay se questionne sur l'importance accordée au jeu défensif dès les premières étapes du hockey mineur québécois, qui préconise selon lui un style beaucoup plus ouvert que ce qui se voit en Ontario et dans l'ouest du pays.
« Il faut commencer à enseigner les bases défensives dès les niveaux atome et pee-wee. Comment jouer à un contre un, garder son homme dans le coin et gagner ses batailles le long des rampes. Ce sont des concepts simples, mais je ne suis pas certain qu'on y consacre beaucoup de temps en bas âge. Ce n'est pas la partie la plus amusante à pratiquer, les jeunes aiment beaucoup mieux marquer des buts, mais c'est peut-être une partie de l'explication. »
Franc Jeu : des bâtons dans les roues?
À l'échelle canadienne, Hockey Québec se démarque par l'application du programme Franc Jeu, qui, selon le site internet de l'organisme, « vise à diminuer le nombre d'infractions et de blessures en donnant aux équipes un point supplémentaire après chaque match si le total des punitions appelées n'a pas dépassé un certain seuil. »
Selon Mackasay, Franc Jeu nuit à la progression d'un certain type de joueurs.
« Pour être honnête, je ne suis pas en amour avec ce système, qui favorise les joueurs offensifs et qui mettent des bâtons dans les roues des joueurs d'utilité, ceux qui sont en danger d'écoper d'une punition à chacune de leur présence sur la patinoire », dénonce-t-il avant d'appuyer ses dires avec une anecdote.
« L'an passé, dans un match bantam, j'observais un bon joueur physique, un agitateur. Il n'a pas joué dans les six ou sept dernières minutes du match, alors après la rencontre, j'ai demandé à son entraîneur si quelque chose n'allait pas. Il m'a dit qu'il ne voulait pas le mettre sur la glace parce qu'il avait peur de perdre son point Franc Jeu. C'est juste mon opinion, mais je trouve ça bizarre. Je crois que ça n'a pas sa place dans le hockey. »
La patience serait-elle la solution?
L'argument du gabarit, Benoît Groulx, lui, a tendance à y adhérer.
Avant de revenir à la barre des Olympiques de Gatineau, Groulx a quitté les cadres de la LHJMQ pendant deux ans pour aller diriger les Americans de Rochester, dans la Ligue américaine. « Et ce qui m'a frappé quand je suis arrivé là-bas, c'est le genre de joueurs qu'il y avait dans le pro par rapport à ce qu'on retrouvait chez nous », raconte-t-il.
Dans le hockey affilié, les joueurs québécois étaient nombreux à occuper des places de choix sur les deux premiers trios et plusieurs équipes comptaient sur un francophone devant le filet, mais les gros défenseurs qui se démarquaient autant par leur jeu physique que pour leur capacité à transporter la rondelle étaient presque tous des Canadiens anglais ou des Américains.
« La différence, elle était morphologique, tranche catégoriquement Groulx. Pour jouer dans le hockey professionnel, certaines caractéristiques physiologiques sont requises. Il faut avoir des dispositions évidentes pour jouer à ce niveau et je pense que c'est ce qui nous manque ici au Québec. »
L'air du Pacifique ou des Grands Lacs favoriserait-il alors la croissance de nos compatriotes? Bien sûr que non. Mais serait-il plutôt possible que les responsables du hockey mineur du reste du Canada soient plus patients avec les jeunes plus imposants, mais qui prennent plus de temps à se développer?
« Quand, dès le niveau pee-wee, on garde seulement des joueurs de finesse, au bout de la ligne on va produire des joueurs de finesse, raisonne celui qui a mené les Olympiques à trois conquêtes de la coupe du Président. Je ne dis pas qu'il ne faut pas favoriser le talent, mais en même temps, il faut faire attention pour ne pas écarter trop vite une certaine catégorie de joueurs. »
« Le petit gars qui veut jouer pee-wee AA mais qui ne fait pas l'équipe parce qu'il n'est pas assez vite, il risque de lâcher ou de s'en aller jouer dans le CC, où il demeurera catalogué pour le reste de son passage au hockey mineur, poursuit Groulx pour préciser sa pensée. Je lance ça comme ça, mais je serais curieux de voir combien de joueurs abandonnent parce qu'on ne leur a pas donné une deuxième chance. »
« Est-ce que les joueurs de ce type sont écartés trop rapidement dans la structure? Je n'ai pas la réponse, je ne suis pas impliqué à ce niveau, mais je pense qu'il faut se pencher sur la question. Il faut s'assurer que s'il y a des jeunes hommes qui, à l'âge de 10, 11 ou 12 ans, ont un gabarit qui ne correspond pas à leur niveau de maturité, qu'on n'abandonne pas trop vite dans leur cas et qu'ils aient une vraie chance d'éventuellement monter en haut de la pyramide. »
Selon le décompte du directeur du personnel des joueurs du Wild du Minnesota, seulement neuf défenseurs originaires de la Belle Province ont disputé un minimum de vingt matchs dans la Ligue nationale la saison dernière. Du lot, seulement cinq - Marc-Édouard Vlasic, Jason Demers, Kristopher Letang, François Beauchemin et Stéphane Robidas - peuvent se vanter d'avoir occupé un poste régulier au sein de la brigade défensive de leur équipe.
C'est peu comparativement aux 30 Ontariens qui ont patrouillé à la ligne bleue d'une équipe du circuit Bettman au cours de la même période.
Et la tendance n'est pas nouvelle. Depuis 1998, les seuls arrières à avoir grandi dans le giron de Hockey Québec qui ont été repêchés en première ronde du repêchage de la LNH sont Mathieu Biron et Simon Després.
Mais pourquoi le Québec est-il si mal représenté à la ligne bleue des équipes de la Ligue nationale de hockey? Mackasay, qui participait à la conférence intitulée « développement des joueurs à travers les programmes d'excellence » à l'horaire du Sommet sur le hockey québécois, balaie du revers de la main l'argument du gabarit, une excuse qui ne tient plus la route selon lui dans la réalité actuelle du hockey professionnel.
« Je crois que c'est davantage une question de mentalité dans le système de développement au Québec », avance celui qui a été longtemps le responsable de l'évaluation des joueurs d'âge junior pour le programme de Hockey Canada.
« Les recruteurs remarquent une différence dans la mentalité des joueurs. Ceux de l'Ontario et de l'Ouest sont plus méchants, plus physiques. Leur niveau de compétitivité, d'intensité est plus élevé. Et ils acceptent leur rôle de défenseurs, ils en retirent une fierté. Tandis qu'au Québec, peut-être qu'on met trop d'emphase sur les buts. On veut former des vedettes. »
Sans prétendre détenir la réponse à une question qui en laisse plusieurs pantois, Mackasay se questionne sur l'importance accordée au jeu défensif dès les premières étapes du hockey mineur québécois, qui préconise selon lui un style beaucoup plus ouvert que ce qui se voit en Ontario et dans l'ouest du pays.
« Il faut commencer à enseigner les bases défensives dès les niveaux atome et pee-wee. Comment jouer à un contre un, garder son homme dans le coin et gagner ses batailles le long des rampes. Ce sont des concepts simples, mais je ne suis pas certain qu'on y consacre beaucoup de temps en bas âge. Ce n'est pas la partie la plus amusante à pratiquer, les jeunes aiment beaucoup mieux marquer des buts, mais c'est peut-être une partie de l'explication. »
Franc Jeu : des bâtons dans les roues?
À l'échelle canadienne, Hockey Québec se démarque par l'application du programme Franc Jeu, qui, selon le site internet de l'organisme, « vise à diminuer le nombre d'infractions et de blessures en donnant aux équipes un point supplémentaire après chaque match si le total des punitions appelées n'a pas dépassé un certain seuil. »
Selon Mackasay, Franc Jeu nuit à la progression d'un certain type de joueurs.
« Pour être honnête, je ne suis pas en amour avec ce système, qui favorise les joueurs offensifs et qui mettent des bâtons dans les roues des joueurs d'utilité, ceux qui sont en danger d'écoper d'une punition à chacune de leur présence sur la patinoire », dénonce-t-il avant d'appuyer ses dires avec une anecdote.
« L'an passé, dans un match bantam, j'observais un bon joueur physique, un agitateur. Il n'a pas joué dans les six ou sept dernières minutes du match, alors après la rencontre, j'ai demandé à son entraîneur si quelque chose n'allait pas. Il m'a dit qu'il ne voulait pas le mettre sur la glace parce qu'il avait peur de perdre son point Franc Jeu. C'est juste mon opinion, mais je trouve ça bizarre. Je crois que ça n'a pas sa place dans le hockey. »
La patience serait-elle la solution?
L'argument du gabarit, Benoît Groulx, lui, a tendance à y adhérer.
Avant de revenir à la barre des Olympiques de Gatineau, Groulx a quitté les cadres de la LHJMQ pendant deux ans pour aller diriger les Americans de Rochester, dans la Ligue américaine. « Et ce qui m'a frappé quand je suis arrivé là-bas, c'est le genre de joueurs qu'il y avait dans le pro par rapport à ce qu'on retrouvait chez nous », raconte-t-il.
Dans le hockey affilié, les joueurs québécois étaient nombreux à occuper des places de choix sur les deux premiers trios et plusieurs équipes comptaient sur un francophone devant le filet, mais les gros défenseurs qui se démarquaient autant par leur jeu physique que pour leur capacité à transporter la rondelle étaient presque tous des Canadiens anglais ou des Américains.
« La différence, elle était morphologique, tranche catégoriquement Groulx. Pour jouer dans le hockey professionnel, certaines caractéristiques physiologiques sont requises. Il faut avoir des dispositions évidentes pour jouer à ce niveau et je pense que c'est ce qui nous manque ici au Québec. »
L'air du Pacifique ou des Grands Lacs favoriserait-il alors la croissance de nos compatriotes? Bien sûr que non. Mais serait-il plutôt possible que les responsables du hockey mineur du reste du Canada soient plus patients avec les jeunes plus imposants, mais qui prennent plus de temps à se développer?
« Quand, dès le niveau pee-wee, on garde seulement des joueurs de finesse, au bout de la ligne on va produire des joueurs de finesse, raisonne celui qui a mené les Olympiques à trois conquêtes de la coupe du Président. Je ne dis pas qu'il ne faut pas favoriser le talent, mais en même temps, il faut faire attention pour ne pas écarter trop vite une certaine catégorie de joueurs. »
« Le petit gars qui veut jouer pee-wee AA mais qui ne fait pas l'équipe parce qu'il n'est pas assez vite, il risque de lâcher ou de s'en aller jouer dans le CC, où il demeurera catalogué pour le reste de son passage au hockey mineur, poursuit Groulx pour préciser sa pensée. Je lance ça comme ça, mais je serais curieux de voir combien de joueurs abandonnent parce qu'on ne leur a pas donné une deuxième chance. »
« Est-ce que les joueurs de ce type sont écartés trop rapidement dans la structure? Je n'ai pas la réponse, je ne suis pas impliqué à ce niveau, mais je pense qu'il faut se pencher sur la question. Il faut s'assurer que s'il y a des jeunes hommes qui, à l'âge de 10, 11 ou 12 ans, ont un gabarit qui ne correspond pas à leur niveau de maturité, qu'on n'abandonne pas trop vite dans leur cas et qu'ils aient une vraie chance d'éventuellement monter en haut de la pyramide. »