C'était l'an dernier à l'occasion du match des étoiles de la Ligue nationale, au Minnesota, qu'à l'occasion d'une conversation à bâtons rompus, Scotty Bowman m'expliquait comment il avait pu s'adapter aux hockeyeurs modernes et, par le fait même, ajouter des centaines de victoires à sa fiche, qui avant de débarquer à Detroit, était déjà impressionnante.

"À mes débuts dans ce métier, je pouvais demander n'importe quoi à un athlète et il obéissait. Les lois du marché, les règlements en vigueur, les gestions des équipes me fournissaient de tels pouvoirs. Aujourd'hui, tu demandes à un joueur de jouer de telle façon et sa première réaction sera : pourquoi? Pourquoi dois-je faire ceci et ne pas faire cela? C'est à ce moment-là que tu dois avoir une réponse claire, précise et cette réponse doit convenir aux aspirations du joueur. "

Le hockeyeur d'aujourd'hui jouit d'une foule de privilèges et qui lui permet de défier la partie patronale. Il ne craint plus un séjour dans la Ligue américaine puisqu'il y a tellement d'équipes que justement trop de joueurs de la Ligue américaine évoluent dans la Ligue nationale. Les propriétaires de leur part ont fait des dépenses indécentes, ils ont plongé dans l'euphorie du gain avec des amphithéâtre ultra-modernes.

Or, c'est maintenant le temps des explications.

Les joueurs en premier

Tout d'abord les joueurs. Jusqu'à maintenant, ils ont voué un respect sans borne à Bob Goodenow et pour une bonne raison. Au cours des 10 dernières années, grâce au talent de négociateur de leur homme de confiance, les hockeyeurs professionnels ont connu la gloire et la fortune. Pas étonnant donc qu'ils aient salivé quand Goodenow leur mentionna, il y a un certain temps, qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter, ils ne pratiqueront jamais leur boulot sous un plafond salarial.

Ça fait, oh, je dirais trois ou quatre ans, qu'il leur chante le même refrain. Il les avaient aussi prévenus de faire des provisions parce que ça risquerait d'être l'enfer mais qu'en bout de ligne, les propriétaires allaient encore une fois plié l'échine et que la victoire serait spectaculaire.

Or, nous sommes le 12 février 2005, et on est à quelques jours de l'annulation de la saison 2004-05, une première dans le sport professionnel. Pire, on ne sait pas quand et comment reprendront les activités. Alors, le temps n'est-il pas venu pour les joueurs de poser des questions. Pourquoi les négociations ont-elles dérapé à ce point? Que se passe-t-il au juste? Pourquoi les propriétaires, comme l'a toujours affirmé Goodenow, n'ont-ils toujours pas bronché et qu'ils semblent plus déterminés que jamais à faire crever le syndicat? " Tu nous avais dit, Gary, que les propriétaires piqueraient du nez, et pourtant… "

La question que doivent poser les joueurs à leur leader est la suivante : " En janvier 2006, si le conflit perdure toujours, les joueurs obtiendront-ils une entente comme celle que proposent les propriétaires ou encore l'offre sera-t-elle encore moins attrayante? " Les joueurs auront-ils sacrifié une saison et demie de leur carrière pour en arriver à un résultat aussi catastrophique?

Ensuite les proprios

Maintenant les propriétaires. Gary Bettman a promis un plafond salarial. Il a promis la santé financière de la Ligue nationale. Il a dit aux propriétaires qu'ils obtiendront la parité sur la surface de jeu et au niveau des résultats financiers. Jusqu'ici, il mène sa campagne avec conviction et les sondages lui sont favorables.

Il a promis la Terre promise mais ce n'est toujours pas dans le sac. Loin de là. Il arrivera peut-être à ses fins mais à quel prix? Les propriétaires doivent profiter du week-end pour passer en revue tout le processus de négociation et de questionner Bettman sur son attitude. Pourquoi cherche-t-il toujours la confrontation? Pourquoi n'adopte-t-il pas un dialogue franc, un dialogue qui laisse transpirer un respect pour les joueurs?

Également, les propriétaires doivent s'inquiéter sur les structures de leur entreprise une fois que la saison sera annulée. Ils doivent obtenir de la part de Bettman des garanties que le hockey, à son retour sur la carte du sport professionnel, retrouvera sa place, déjà très fragile, mais une place qui lui permettait de côtoyer les trois autres grands sports professionnels. Et ils doivent s'interroger à savoir pourquoi, comme l'avait imaginé Bettman, les joueurs n'ont-ils toujours pas capitulé? " Tu nous avais assuré, Gary, que les joueurs ne résisteraient pas et qu'ils entreraient le ventre au plancher. Pourtant… "

Les joueurs et les propriétaires doivent questionner leurs leaders. Mais je doute qu'on leur fournisse des nouvelles réjouissantes. S'ils font une analyse réfléchie de tout ce qui a marqué ce conflit jusqu'ici, ils réaliseront très rapidement que le hockey ne pourra jamais se relever d'un tel désastre.