Reportage complet à Hockey 360, lundi soir à 18 h 30 sur RDS et RDS Direct.

Örnsköldsvik, Suède - MODO. Un nom que plusieurs ont déjà entendu. Après tout, cette équipe a développé des joueurs tels que Peter Forsberg, Markus Naslund, les frères Daniel et Henrik Sedin, Victor Hedman et plus récemment Victor Olofsson, des Sabres de Buffalo. Et pourtant, cette équipe a frôlé la faillite il y a quatre ans.

Saison 2015-2016. L’équipe vient de terminer à l’avant-dernier rang de la SHL, la Ligue Élite suédoise. MODO doit donc disputer une série pour demeurer dans la meilleure ligue du pays; une série relégation 4 de 7. Le vainqueur jouera en SHL. Le perdant en Allsvenskan, la 2e division. L’enjeu est majeur.

1er avril 2016. Un septième match est nécessaire. Moins de 10 minutes à faire, MODO mène 3-1. Survient alors le pire scénario. L’équipe adverse, Leksands IF, fait 3-2 avec 8 minutes à écouler. Et dans les dernières secondes de la 3e période, l’égalité est créée. Peter Forsberg, alors adjoint au directeur général, en perd son calme.

Peter Forsberg

La prolongation départagera. Le suspense ne dure pas longtemps. Dès la 6e minute de jeu, Brock Montpetit soutire la rondelle à Otso Rantakari, s’échappe et donne la victoire à Leksands.

Onde de choc pour MODO. L’équipe est reléguée en 2e division.

« Tout le monde à qui vous parlez se souvient où il était au moment de la relégation, raconte Johan Widebro, qui a accepté le poste de président-directeur général du groupe de hockey MODO dans les jours suivants la relégation. La première année, partout où nous allions, on devait s’excuser, que ce soit à nos partenaires commerciaux ou à nos partisans. Tout le monde était furieux. Les gens n’oublieront jamais. Ça été une énorme douleur et un choc pour toute la ville. »

Örnsköldsvik et la culture du hockey

Ö-vik, pour les intimes, est une ville de 50 000 habitants, située à plus de 500 km au nord de Stockholm. La principale activité économique de la ville, depuis des décennies, est l’industrie forestière. D’ailleurs, le nom MODO provient d’une compagnie de pâtes et papier. « Nous avons une culture de gens travaillants, ici, de cols bleus, explique Widebro. L’équipe a été mise sur pied à l’usine par les travailleurs en 1921. L’équipe de hockey a donc ce lien étroit avec cette culture. »

Et le hockey occupe une place importante dans la vie des gens de la communauté. « Le hockey est tellement important ici. Au niveau élite, il n’y a pas d’autres sports qui entrent en compétition. Tout le monde joue au hockey », ajoute le PDG de MODO.

Il n’y a pas qu’au Canada où le hockey est roi. À Örnsköldsvik aussi.

C’est pourquoi cette défaite a fait si mal, et la plaie n’est pas totalement refermée...

Ce n’était qu’une question de temps...

Selon Widebro, cette chute en 2e division était prévisible. « C’était une question de temps. Le résultat sur la glace illustre la condition dans laquelle se trouve toute l’organisation », explique-t-il.Kempehallen

L’équipe avait perdu son identité. Et pour mieux comprendre, il fait remonter au début des années 2000. « Quand nous jouions à Kempehallen (l’ancien aréna de MODO, d’une capacité de 5000 personnes, construit en 1964), nous avions plusieurs bénévoles qui s’impliquaient dans l’équipe et l’aréna était plus petit, donc les coûts d’exploitation étaient plus faibles », raconte Widebro. « En 2006, nous venons ici et nous construisons cet aréna (le Fjällräven Center, d’une capacité de plus de 7000 personnes). La première saison, nous avons eu 14 salles combles, nous avons remporté le Championnat et soudainement, nous sommes devenus un grand club, dans nos têtes », ajoute le PDG, qui a fait ce constat à son arrivée en poste.

« Officiellement, nous étions un petit club dans une grande maison. Mais nous nous prenions pour une grande organisation. Nous avons commencé à donner plus d’argent aux joueurs; à embaucher plus de joueurs étrangers. Nous avons perdu notre identité à ce niveau », raconte Widebro.Fjällräven

Lors de la saison 2015-2016, la dernière en SHL, 10 joueurs nord-américains, dont Maxim Lapierre, ont porté l’uniforme de MODO. Des joueurs davantage attirés par le chèque de paie que par la fierté de porter l’uniforme de MODO. Dans les jours suivants la relégation, un seul est resté : Byron Ritchie.

L’instabilité règne. De 2007 à 2016, 11 entraîneurs se sont succédé, dont Ulf Samuelsson et le Canadien, Larry Huras.

Pendant cette période, MODO engrange une dette de près de 30 millions de Couronnes suédoises (4 millions CAD).  

« Cette perte d’identité est la principale raison pourquoi nous avons frôlé la faillite et avons été relégués », avoue Widebro sans hésiter.

Coûts élevés, revenus en baisse

MODO c’est bien plus qu’une équipe de hockey, c’est tout un programme. En plus de l’équipe élite masculine, MODO comprend : une équipe U20, une équipe U18, une équipe U16 et deux formations féminines. « Nous sommes une organisation structurée pour jouer en SHL » explique le PDG. « Nous avons une académie junior qui reçoit le même montant d’argent chaque année, même si nous sommes en 2e division. Pour l’équipe féminine, qui fête ses 50 ans cette année, nous augmentons les investissements chaque année. Mais nous sommes en 2e division et recevons moins d’argent de la ligue. »

Recevoir moins d’argent de la ligue signifie 10 fois moins qu’en SHL. Selon Widebro, une équipe de la SHL reçoit une somme d’environ 30 millions de Couronnes suédoises, chaque année, de la ligue. Un montant provenant des contrats télévisuels. Pour une équipe de la Allsvenskan, ce montant chute à 2,5 millions. Une différence de 27 millions de Couronnes, chaque année!

Et ajoutez à cela, que le fait de chuter en 2e division n’a pas aidé à la popularité de l’équipe. Lors de notre passage, en décembre dernier, moins de 2500 personnes assistaient à la rencontre.

Heureusement, les partenaires financiers sont de retour, et maintiennent l’équipe à flot, ce qui fait dire au PDG : « nous sommes sur le idle jusqu’à notre retour en SHL. »

Objectif SHL 2021

L’équipe veut bien évidemment retourner en SHL et le processus pour y accéder est compliqué. (Voici les détails, ici. Attention, saignements de nez à prévoir… )

Explications du système de relégation
Les deux dernières équipes au classement de la SHL doivent jouer une série relégation 4 de 7

Dans la Allsvenskan

  • Les deux premières équipes au classement s'affrontent dans une série 3 de 5*. Le gagnant affronte la dernière équipe de la SHL dans une série 4 de 7

 

  • Les équipes ayant terminé du 3e au 8e rang s'affrontent dans un tournoi à la ronde

                               - L'équipe qui termine au 1er rang de ce tournoi affronte le perdant de la série de championnat de la

                                  Allsvenskan dans une série 2 de 3

                               - Le gagnant affronte l'avant-dernier au classement de la SHL dans un 4 de 7

*Ce processus sera simplifié en vue de la saison 2020-2021. Le dernier de la SHL sera relégué et le champion de la Allsvenskan sera promu

Pour atteindre cet objectif, la nouvelle direction a adopté une stratégie « Retour aux racines ». « Nous avons analysé 41 saisons de l’histoire de MODO et avons remarqué qu’en moyenne, nous terminions au 7e rang de la ligue (sur 14 équipes); nous avons participé à 6 finales du Championnat suédois et remporté deux titres, explique Widebro. Notre identité est une équipe travaillante qui se bat chaque année pour demeurer en Ligue Élite. Et nous avons eu du succès à travers ça. »

L’analyse ne s’est pas arrêtée là. « Nous avons creusé un peu plus pour comprendre ce qui a fait notre succès lors de nos 6 présences en finale, ajoute Widebro. « Certains facteurs devenaient évidents :

- La continuité dans l’équipe. Plus de 70% des joueurs jouaient ensemble depuis plus d’une saison dans le programme Modo;

- L’entraîneur-chef, la direction de l’équipe et le conseil d’administration étaient en poste depuis plus d’une saison;

- Et une grande partie des joueurs provenait de la région. » 

Voilà les résultats de l’analyse de Widebro et son équipe. « Maintenant, la stratégie est d’avoir une continuité, des joueurs de la région et une stabilité dans la direction. »Örnsköldsvik

Et cette stratégie, appliquée il y a trois ans, commence à produire des résultats. « 85% des joueurs de l’équipe actuelle ont joué ensemble deux, trois ou quatre saisons dans le programme MODO, raconte fièrement Widebro. De 40 à 45% des joueurs proviennent de la région, comme Tobias Enstrom, Mattias Norlinder ou encore Oscar Hedman, le frère de Victor. »

Pour la stabilité, « nous avons un entraîneur en poste plus d’une saison, pour la première fois depuis plusieurs années ». (Björn Hellkvist a d’ailleurs signé une prolongation de contrat de trois saisons en janvier.)

Et force est d’admettre que, malgré la jeunesse de l’équipe, la stratégie donne des résultats sur la glace : en date du 20 janvier, MODO occupe le 2e rang de la Allsvenskan. Des résultats encourageants qui permettent à la direction de croire que son principal objectif est atteignable : celui de retourner en SHL pour 2021, l’année du centenaire de MODO.

Il ne reste que deux saisons pour l’atteindre. Mais déjà on sent un vent de changement à Örnsköldsvik. « Cette saison, on sent plus d’optimisme. Les gens recommencent à croire. Les Ultras ont composé de nouvelles chansons sur le futur de l’équipe. Les partisans regardent devant et non derrière », raconte Widebro, conscient que cet engouement est fragile.

La fierté revient à Örnsköldsvik.