Benoît Groulx en plein contrôle
Mondial Junior mardi, 6 janv. 2015. 12:29 dimanche, 15 déc. 2024. 13:49TORONTO – Le 29 décembre, quelques heures avant qu’Équipe Canada n’affronte la Finlande en ronde préliminaire du Championnat mondial de hockey junior, un média anglophone mettait en ligne un article remettant en question la nomination de Benoît Groulx à la tête de la formation. L’entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau, pouvait-on lire, était reconnu pour arriver à ses fins avec une main de fer et ses tactiques intransigeantes n’étaient pas appropriées pour diriger une collection de jeunes joueurs étoiles.
Le moment choisi pour publier cette montée de lait avait de quoi surprendre. L’équipe canadienne avait traversé un camp d’entraînement sans anicroche, n’avait démontré aucune faiblesse en matchs préparatoires et venait d’amorcer son tournoi avec deux victoires sans appel.
Rien n’appelait à la panique. Groulx, c’était assez évident, était en plein contrôle de la situation. Et il l’est resté jusque dans les dernières secondes de son règne, tard lundi soir, quand le groupe qu’il a formé avec la confiance de Hockey Canada a ramené la médaille d’or au pays après une disette de cinq ans.
Depuis le tout premier jour où il a rassemblé ses joueurs à Toronto pour le début d’un intense camp d’entraînement, Groulx a pris beaucoup plus de bonnes décisions que de mauvaises.
Sa première expérience pour trouver son premier trio fut aussi sa dernière : la combinaison de Sam Reinhart, Max Domi et Anthony Duclair a connu un succès instantané. Inversement, la patience qu’il a démontrée envers la paire qu’il tenait à former avec le vétéran Curtis Lazar et le jeune Connor McDavid a été payante. Son flair pour leur trouver un nouvel ailier en cours de partie – pensez au tour du chapeau de Nic Petan - fut tout aussi remarquable.
« Benoît a appuyé sur tous les bons boutons durant le tournoi, du début à la fin. Il a fait un travail incroyable », vantait Duclair, qui retrouvera maintenant Groulx dans le clan adverse à son retour avec les Remparts de Québec.
Dès les premières coupes du camp d’entraînement, Groulx a donné des munitions aux sceptiques en retranchant le défenseur Chris Bigras, un espoir de premier plan de l’Avalanche du Colorado et l’un des huit vétérans de l’édition 2014 admissibles à un retour. Quelques jours plus tard, il trouvait au sein de sa brigade défensive une place pour Joe Hicketts, qui avait été ignoré par toutes les équipes de la LNH au repêchage de juin dernier. Le petit général de 5 pieds 8 pouces ne lui a jamais fait regretter sa confiance.
« Benoît a su s’assurer que tout le monde se sentirait important au sein de l’équipe, observait son patron, le président et chef de la direction de Hockey Canada Tom Renney. Chaque message qu’il envoyait, que ce soit de façon verbale, non verbale, humoristique ou plus sérieuse, était empreint d’authenticité. C’est ce qui l’a rendu aussi spécial aux yeux de ses joueurs. »
Puis il y a eu le dossier des gardiens, une intrigue quotidienne que Groulx a gérée avec doigté.
« Ben a été parfait avec nous du début jusqu’à la fin, complimentait Zachary Fucale, qui a été préféré à son adjoint Eric Comrie dans cinq des sept matchs de la ruée vers l’or. Il a été honnête, il a été très clair avec nous tout au long du tournoi. Sans lui, on ne se serait jamais rendus ici, ça c’est sûr. »
Et derrière les portes closes, à l’abri des jugements extérieurs, les façons de faire de Groulx n’ont semblé lui apporter que des alliés.
« À notre toute première journée ensemble, Benny nous a dit que personne ne paierait pour venir voir nos entraînements et qu’il n’y aurait jamais 20 000 personnes intéressées à le voir faire son travail. Les gens allaient plutôt se déplacer pour nous voir faire le nôtre en soirée, relatait le défenseur Josh Morrissey. Il n’a jamais tenté d’attirer les projecteurs vers lui et derrière le banc, il n’a jamais tenté de réinventer la roue. Il n’a pas essayé de nous changer et a su démontrer sa confiance en chacun de nous. Ça a probablement été sa plus grosse force. »
« Le plus important, c’est qu’il a toujours su nous garder détendus, croyait pour sa part le capitaine Curtis Lazar. Sur la glace, il avait des standards élevés qu’il nous demandait de respecter, mais il avait aussi le don de nous faire rire. Je ne sais pas si c’est à cause de son accent francophone, mais peu importe, il savait comment nous faire craquer et nous ramener dans notre zone de confort. »
Le spectre du passé
L’année dernière, en Suède, le Canada avait évité de peu le désastre en ronde préliminaire. L’équipe alors dirigée par Brent Sutter avait dû marquer trois buts en fin de troisième pour se sauver avec la victoire contre la faible Slovaquie.
Ce scénario a été ramené à l’attention d’Ernest Bokros alors que les deux équipes se préparaient à se revoir en quarts de finale, il y a quelques jours. L’entraîneur slovaque pouvait-il s’inspirer du passé pour motiver ses troupes à l’approche de cet autre défi colossal?
« Ça n’a rien à voir. Cette équipe canadienne est beaucoup mieux préparée, beaucoup mieux dirigée que l’an dernier », a catégoriquement énoncé Bokros.
Les vétérans qui, comme Morrissey, ont vécu la décevante quatrième place de 2014 ne confirmeront pas cette version. « Les deux années, on a fait ce qu’il fallait pour être prêts, mais c’est un tournoi exigeant. On a beau n’avoir rien négligé, tout peut changer soudainement en l’espace de cinq minutes. Mais cette année, on était très bien préparés. On avait un plan et il a été respecté à la lettre », se contente de dire l’espoir des Jets de Winnipeg.
Mais sans le vouloir, Samuel Morin a corroboré les dires des témoins de la plus récente déconfiture canadienne. « On parlait aux anciens et ils nous disaient que l’an dernier, ils ne jouaient pas en équipe. Je pense que cette année, c’était ça notre grosse force », a innocemment révélé le grand défenseur québécois.
Groulx était l’un des adjoints de Sutter lors de cette expérience éprouvante. Selon Tom Renney, la force d’Équipe Canada en 2015 résidait dans la capacité de son entraîneur à tirer les bonnes leçons de cette déception.
« C’est important de garder le passé en tête lorsqu’une nouvelle opportunité se présente, affirmait Renney avant la finale contre les Russes. Benoît a vécu des moments difficiles l’année dernière. Cette année, sa façon de se comporter, ses connaissances tactiques, sa capacité à ériger un plan de match et à savoir bien s’entourer nous faisaient croire qu’il était un excellent choix pour revenir à la barre du programme et il ne nous a pas fait mentir. »
« J’accepte ces éloges avec beaucoup de fierté, mais je dois dire qu’on a eu un personnel d’entraîneurs extraordinaire, a réagi Groulx, réticent à recevoir les fleurs, à sa sortie du vestiaire des vainqueurs lundi soir. Dave Lowry et Scott Walker ont été formidables pour moi. Dès qu’on s’est retrouvés ensemble au camp estival, ça a cliqué comme si on se connaissait depuis longtemps. Il y a aussi eu l’ajout de Martin Raymond et de Misha Donskov, des héros obscurs qui ont fait un travail de préparation formidable et qui nous ont permis de nous concentrer sur nos joueurs. »
« Il y a des années où tout clique, il y a des années où rien ne clique. Cette année, tout a cliqué. »
Groulx est le premier entraîneur-chef québécois depuis Jos Canale en 1994 à gagner l’or au Mondial junior.
« Pour un entraîneur, c’était une équipe de rêve, se remémorait Groulx, déjà nostalgique. Vous êtes très chanceux si vous avez la chance de diriger deux équipes comme celle-là dans votre vie. »