MONTRÉAL – On peut trouver le temps long à Napanee. À sa première soirée dans cette petite ville ontarienne coincée entre Kingston et Belleville, où l’équipe nationale finlandaise venait d’établir ses quartiers généraux en vue de sa préparation pour le Championnat du monde de hockey junior, Artturi Lehkonen s’est assis et a allumé la télé.

Du hockey. Chouette! Le Canadien, en plus? Encore mieux.

C’était le 18 décembre. Ce soir-là, on rendait hommage à Saku Koivu au Centre Bell.

« C’était incroyable. Mon anglais n’est pas assez bon pour me permettre de trouver les bons mots pour exprimer à quel point j’ai été impressionné par ce que j’ai vu », se rappelait Lehkonen, trop humble pour juger son excellente maîtrise de la langue de Shakespeare, vendredi.

Artturi Lehkonen« J’ai surtout été soufflé par la réaction des partisans. Comme la plupart des gens en Finlande, j’ignorais à quel point Saku était populaire ici et ce que ça représentait d’être le capitaine du Canadien de Montréal. Les amateurs l’aimaient vraiment ici. C’était malade comme cérémonie! »

Lehkonen, 19 ans, suit en quelque sorte les traces de l’ancien numéro 11 du Tricolore. Les deux ont grandi à Turku, sur la côte ouest. Comme lui, il a été repêché par le Canadien, qui en a fait son choix de deuxième ronde en 2013. Et depuis quelques semaines, il partage avec lui l’honneur d’avoir porté le « C » à gauche du lion doré qui orne l’uniforme de l’équipe nationale finlandaise.

Au Mondial junior, Lehkonen est l’un des trois espoirs du Canadien, avec le Suédois Jacob de la Rose et le Slovaque Martin Reway, à avoir été nommé capitaine de leur formation.

« C’est une grande marque de respect de la part des entraîneurs, ça démontre toute la confiance qu’ils ont en moi, affirmait-il fièrement après la défaite des siens face aux États-Unis en lever du rideau du tournoi. Ils veulent que je continue de montrer l’exemple en restant fidèle à mon style de jeu. Je suis un joueur combatif qui se bat pour chaque rondelle, qui force l’adversaire à prendre des pénalités. C’est tout ce qu’on me demande de faire. »

« Ça a été une décision très facile à prendre, confie l’entraîneur finlandais Hannu Jortikka, lui aussi un natif de Turku. Il a beaucoup d’expérience pour son âge. Il en est déjà à son troisième championnat du monde chez les juniors, alors pourquoi pas? Tout le monde peut voir qu’il donnerait son âme pour les autres, c’est un bon joueur d’équipe. Et dans le vestiaire, il peut être très drôle! »

« C’est un immense honneur pour moi de porter cette responsabilité. Si vous regardez la liste des joueurs qui sont passés par là avant moi, nombre d’entre eux ont fini par jouer dans la LNH », ajoute Lehkonen, qui passait ses étés au gymnase et à l’aréna avec Koivu avant que celui-ci n’annonce sa retraite.

Dans son nouveau rôle, Lehkonen succède à son bon ami Tuevo Teravainen, un espoir de premier plan des Blackhawks de Chicago qui effectue cette année ses débuts dans le hockey professionnel. L’an passé, les deux ont fait la pluie et le beau temps lors de la conquête inattendue de l’or par la Finlande, formant l’un des trios les plus productifs du tournoi.

« Il a été très surpris quand je lui ai annoncé que c’est moi qui allais avoir le ‘C’. Il n’arrêtait pas de me taquiner et de me dire que c’était impossible, que je ne pourrai jamais être un aussi bon capitaine que lui », rigole le petit joueur de centre.

Mais sur un ton plus sérieux, Lehkonen admet que son équipe aura de la difficulté à se remettre de l’absence de son ancienne vedette. Il note que l’équipe finlandaise a aussi perdu les services du défenseur Rasmus Ristolainen, un joueur de 20 ans qui évolue déjà à temps plein avec les Sabres de Buffalo, et que la brigade défensive ne compte que sur un seul défenseur qui possède de l’expérience chez les moins de 20 ans, le choix de première ronde des Stars de Dallas Julius Honka.

« Tout est nouveau pour tant de joueurs au sein de notre équipe, affirme celui qui forme cette année un trio avec l’espoir des Penguins de Pittsburgh Kasperi Kapanen et Aleksi Mustonen, un minuscule ailier de 19 ans jamais repêché. L’an dernier, nous étions plus gros et plus expérimentés, alors le défi est énorme, mais je crois en nos chances de répéter notre exploit et de défendre notre titre. L’an passé non plus, nous n’étions pas les plus grands favoris. Nous pouvons encore causer la surprise! »

Heureux en Suède

Au printemps dernier, après deux saisons passées dans la meilleure ligue professionnelle de Finlande, Lehkonen a pris la décision de poursuivre son développement en Suède et a signé un contrat de deux ans avec la formation de Frölunda, l’une des puissances du plus important circuit du pays.

Affecté par une mononucléose qui l’a mis K.-O. pendant tout l’été, il a été capable de refaire le plein d’énergie à temps pour le début de la saison et se dit en pleine forme depuis. « J’avais perdu six kilos. Sur un corps comme le mien, c’est énorme! », s’esclaffe le jeune homme répertorié à quelque 163 livres.

Artturi LehkonenEn 30 matchs, il montre une fiche de quatre buts et sept passes avec un différentiel de plus-12.

« Je suis très heureux, je ne regrette rien de ma décision. Ça m’a pris un certain temps à m’ajuster aux surfaces plus grandes, mais c’est tout. Le calibre plus élevé, la vitesse dans l’exécution, ça ne m’a causé aucun problème. Notre équipe compte sur plusieurs joueurs repêchés dans la LNH, alors chacun est en compétition constante pour mériter sa place. C’est un très bon exercice pour le jour où je ferai le saut en Amérique », entrevoit-il.

Lehkonen dit avoir reçu la visite de Martin Lapointe, le directeur du développement des joueurs du Canadien, à une reprise depuis le début de l’hiver. Il est aussi en constante communication avec un recruteur finlandais de l’organisation. « Mes pieds sont beaucoup plus rapides qu’il y a un an, ce qui me permet de tenir mon bout plus efficacement contre les joueurs adverses. Je gagne plus de batailles que j’en gagnais », a pu noter le sympathique blondinet.

En attendant le jour où il se taillera un poste avec l’équipe qui l’a repêché, Lehkonen tentera de s’imprégner à fond de l’atmosphère qui régnera au Centre Bell au cours de la prochaine semaine.

« Ça veut dire beaucoup pour moi. Dans ma tête, je m’imagine jouer ici un jour, c’est mon but, alors le moment ne pourrait être mieux choisi pour monter ce que je sais faire. »