Eric Lindros n’a jamais fait de compromis durant sa carrière. De sa sélection par les Nordiques lors du repêchage de 1991 à sa mise sous contrat comme ombudsman par l’Association des joueurs de la LNH, le parcours de l’ancien numéro 88 des Flyers a été ponctué de divers conflits.

L’ancien arbitre de la LNH, Paul Stewart, est le dernier en lice à subir les foudres de Lindros. L’ancienne gloire des Generals d’Oshawa accuse l’officiel à la retraite de salir sa réputation à la suite de la publication d’une anecdote en juillet dernier. Selon Stewart, Lindros lui aurait parlé grossièrement sur la glace avant un match joué lors de sa saison recrue. L’ancien joueur de centre aurait aussi déchiré des affiches autographiées destinées à une œuvre de charité. Le plaignant réclame 250 000 $ de dédommagement devant la cour de l’Ontario. Stewart est abasourdi par cette histoire.

« J’écris des billets pour divers sites Internet. Un éditeur m’a demandé d’écrire à propos des joueurs avec qui j’avais eu des relations tendues sur la glace. Lindros était un des joueurs dans la liste et il n’était même pas mentionné dans le titre. Je raconte des anecdotes à propos des joueurs dans des dîners et dans les médias depuis toujours. J’ai raconté plusieurs fois comment Gordie Howe m’a donné un coup de coude au visage lors de mon premier match contre lui. Il n’y a jamais eu de malice en racontant ces histoires. Lindros, pour moi, c’est un joueur comme les autres. Je n’entretiens aucune rancune envers lui. »

Paul StewartDans le texte intitulé Perturbateurs, hooligans et chandails rayés, Stewart mentionne Eric Lindros au 30e paragraphe. Il parle aussi des querelles entre Theoren Fleury et Kjell Samuelsson. On y trouve le palmarès des plus grands pleurnichards qu’a connus l’arbitre dans sa carrière. Le champion en titre serait Chris Gratton, suivi de Tyson Nash, Craig Janney, Steve Yzerman et Keith Tkachuk. Aucun des joueurs mentionnés n’a pris la peine de poursuivre l’ancien arbitre.

« Il n’y a aucun ancien joueur que je déteste. Je déteste seulement les joueurs contre lesquels j’ai joué et qui ont fait des trucs dégueulasses. Rick Jodzio est un de ceux-là. Il a détruit Marc Tardif et il m’a donné un double-échec à la bouche. Ça m’a brisé la mâchoire. Je me suis battu avec un tas de joueurs dans l’Association mondiale, particulièrement avec Wally Weir. Nous étions tout de même les meilleurs amis du monde. Il n’y avait rien de personnel là-dedans. Lindros, sincèrement, je n’ai aucune raison et je n’ai pas le temps pour le détester. »

Stewart voit cette histoire comme une tempête dans un verre d’eau. Il tient tout de même à maintenir sa réputation, puisque Lindros tente de le faire passer pour un menteur. L’ancien Flyers tente aussi d’imposer un bâillon légal sur le Huffington Post. La plainte déposée à la cour de l’Ontario stipule que l’ancien arbitre doit cesser d’être publié pour raconter ce type d’anecdotes. L’officiel natif du Massachusetts n’est pas très impressionné par ces mesures

« J’ai passé à travers des moments plus difficiles. J’ai été impliqué dans des combats plus féroces que cela. Lorsque j’ai joué pour les Broome Dusters de Binghamton, j’ai dû me battre avec le célèbre Ogie Ogilthorpe dans un party de Noël. Nous étions coéquipiers! Il s’appelait en fait Bill « Goldie » Goldthorpe. Il était supposé jouer dans Slap Shot, mais le producteur ne lui faisait pas confiance. Goldthorpe m’a frappé par surprise après m’avoir donné une tape sur l’épaule. Il voulait prouver qu’il était le plus dur du club. Lorsque je l’ai collé au plancher, il m’a mordu au visage. Je n’ai jamais pu lui faire confiance par la suite, mais même envers lui, je n’ai pas gardé de rancœur. Après tout, moi, j’ai eu la chance de jouer dans le film! »

L’ancien arbitre est aussi connu pour être un grand admirateur des Nordiques de Québec. Le club lui a donné la chance de jouer 21 joutes dans la LNH à titre d’ailier gauche. Il y marquera deux buts et il y récoltera 74 minutes de pénalité. Malgré son amour de la ville de Québec, Stewart se défend de chercher vengeance à Lindros.

« Mon opinion à propos de Québec, c’est que Lindros a perdu une chance en or. Comme bien d’autres, il a raté la chance de jouer pour des gens qui font passer le hockey avant tout le reste. J’ai été honoré de jouer pour Jacques Demers, André Boudrias, Maurice Fillion et Marcel Aubut. J’ai eu du plaisir à parler français avec les gens de Québec, car je respecte ces gens. J’avais appris certaines bases à l’école secondaire, et jouer à Québec m’a permis de progresser dans l’apprentissage de la langue. Visiter l’Île d’Orléans, le Concorde, le Château Frontenac, c’était génial. Le temps que j’ai passé à Québec, ça fait partie des plus beaux moments de ma vie. Ceci dit, tout cela n’a rien à voir avec la poursuite qu’on a déposée contre moi. J’ai raconté une anecdote sans arrière-pensée. »

Paul Stewart n’a pas que l’affaire Lindros à son agenda. Outre raconter des anecdotes, il supervise les arbitres de divers circuits. Comme d’autres retraités de la LNH, tel Ilya Kovalchuk, Paul relève aujourd’hui de nouveaux défis dans la KHL.

« Alexander Medvedev, l’ancien président de la KHL, m’a invité à titre de consultant en 2009. Après quelques saisons, d’anciens joueurs comme Slava Fetisov et Alexei Kasatonov ont insisté pour qu’on m’engage à temps plein. L’arbitrage dans la ligue a beaucoup progressé dans les deux dernières années. Nous avons même formé celui qui sera premier arbitre russe de l’histoire de la LNH! Evgeny Romasko travaille depuis quelque temps dans la Ligue américaine et il participera à son premier match ce mois-ci. »

Paul Stewart

L’arbitrage progresse dans la KHL, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Une structure de formation doit être mise sur pied. Paul Stewart a reçu le mandat de créer une école d’arbitrage en Russie.

« Il faut absolument améliorer la condition physique des arbitres russes et leur donner des cours de patinages d’élite. Les arbitres russes ont besoin d’apprendre à travailler avec le système à deux officiels. C’est nouveau, ici. Ils doivent prendre l’habitude. Ils doivent être plus mobiles sur la glace. Ils ont tendance à être statiques dans les coins de patinoire. Beaucoup de progrès ont été faits de ce côté, mais nous devons encore travailler fort. Ce projet me tient à cœur. C’est ma dernière carrière. J’ai 62 ans et j’ai le corps brisé. Je suis bien fier de pouvoir transmettre mon savoir avant de prendre définitivement ma retraite. »

Avec 1 010 matchs arbitrés dans la LNH, l’idée de voir Paul Stewart rejoindre Bill McCreary au Temple de la renommée n’a rien de farfelu. Le principal intéressé n’est pourtant pas convaincu qu’un jour il y sera.

« Je ne serai jamais au Temple de la Renommée du hockey et je vis bien avec cela. Je suis déjà dans trois temples. Je suis dans celui de Binghamton, celui du Massachusetts et celui de mon école primaire. Je serai peut-être dans celui des États-Unis, mais je ne serai jamais à Toronto. Ce n’est pas la fin du monde. En fait, je serais plus heureux de participer à la mise au jeu protocolaire lors du retour des Nordiques. Ça, ce serait un honneur! »

Lindros a du pain sur la planche s’il veut faire taire Paul Stewart. Ce dernier planche sur une autobiographie. L’ancien dur à cuire des Nordiques n’a donc pas fini de raconter des anecdotes!