(Collaboration spéciale, Josie Lemieux, Sports Central)
Lorsque Patrick Roy a commencé sa carrière de hockeyeur dans la LHJMQ en tant que Bison de Granby, les statistiques ne révélaient rien de particulier. Aujourd'hui, la LNH est habituée à ce recordman. Pour certains fans de hockey, il est le meilleur. Pour d'autres, un champion arrogant, caractériel, aux conduites enfantines et explosives. Feuille de statistiques? Merci bien, mais non merci. Regardons plutôt dans le reflet de la fenêtre.

500 victoires en décembre 2001contre les Stars de Dallas. Le sundae. La cerise? Blanchissage.
2-0. Oui, il a atteint cette marque. En effet, il est le premier gardien de but à accumuler autant de victoires dans l'histoire de la LNH. Non, il n'a pas travaillé pour ce record. Il a laissé le jeu venir à lui, comme d'habitude, vivant à la minute près, ayant en tête sur une seule pensée : la partie.

Peu importe les incroyables statistiques, les records, les réalisations et techniques, Saint Patrick (comme il est souvent surnommé) est comme n'importe quel être humain: un homme de tous les jours, un mari pour Michèle, un père pour ses fils Jonathan, Frédérick et sa fille Jana. Il est plus riche que la plupart des gens qu'il connaît mais contribue régulièrement à des œuvres de charité. Il a aussi des ennemis personnels, internes et externes; ses luttes dans la vie mettent ses limites au défi - comme n'importe qui d'autre.

Lorsqu'il était enfant, son idole, le gardien des Nordiques Daniel Bouchard, lui a donné un bâton. L'a-t-il gardé secrètement dans un placard verrouillé? Il a fait bien plus avec ce trésor: il dormait avec lui tous les soirs. De fan des Nordiques il devint le quatrième choix des Canadiens de Montréal en 1984 (51ème au total). Depuis sa première partie le 23 février 1985 jusqu'à ce jour, il a démontré au monde que le vrai talent est dans l'exécution.

Spécialiste du style papillon, reconnu pour ses tics, un esprit puissant axé sur la partie (des joueurs paieraient pour avoir cette capacité), il a ajouté un autre mot à côté de record de la LNH : séries de records. Le contrôle lui colle à la peau et lorsqu'il est dans les parages, les blanchissages suivent et sont habituellement la conséquence pour l'équipe adverse. Roy était la fierté du Canadien et une assurance pour la saison, encore plus pour les éliminatoires. Il semble que chaque gardien respecte son style presque parfait.

Une première Coupe Stanley en 1986 lui apporta la victoire ultime. Durant la finale de la Coupe Stanley en 1993, une prolongation s'éternisait contre les Kings de Los Angeles. Luc Robitaille s'immobilisa alors que Roy gela la rondelle. Ce dernier fit un clin d'œil au coéquipier de Robitaille, Tomas Sandstrom, sûrement l'un des moments les plus mémorables dans l'histoire du hockey. La deuxième Coupe cette année-là fut sensationnelle et tous les Montréalais se souviennent de Roy brandissant la Coupe, criant aux caméras : « Je vais à Disneyland ». Bonnes vacances.

Cet homme masqué mérite le crédit pour ca capacité mentale de surmonter la peur de perdre ou d'être un perdant. Les foules qui huent, l'avance de l'équipe adverse, le temps restant à la période (il regarde souvent le tableau indicateur), les dangereux disques lancés furieusement en sa direction ne semblent pas affecter son esprit. Sa concentration reflète ce qu'elle devrait toujours être: l'habilité de ne penser à rien, absolument rien, lorsque cela est absolument nécessaire. Combien de joueurs peuvent vraiment faire cela?

Malgré sa force mentale, a-t-il déjà démontré un certain courage physique? Durant la première ronde des éliminatoires de 1994, alors qu'une appendicite lui avait fait manquer la partie 3 contre Boston, Roy a convaincu les médecins de le faire revenir, sous antibiotiques, pour la partie 4. Il s'éclipsa de l'hôpital et a mené le Canadien à une victoire de 5-2, stoppant 39 tirs. (www.coloradoavalanche.com). Ouch.

Il a surpassé des gardiens légendaires tels que Gump Worsley, Grant Fuhr, Tony Esposito, Jacques Plante et Terry Sawchuk. Et Ken Dryden? Pareil au même. Étant le cinquième joueur de la LNH à enregistrer 50,000 minutes, en voilà du temps passé sur une patinoire.

Il ne recherche pas l'amélioration, elle vient d'elle-même. Son corps et son esprit ne semblent pas ressentir l'effet de l'âge: vers 32 ou 33 ans, les réflexes d'un gardien diminuent. La technique de Roy est si efficace que même si ses réflexes ont quelque peu faibli à 36 ans, il continue d'améliorer ses capacités. Qui peut comprendre la trempe d'acier de Patrick?

Toutefois, comme toute célébrité, attention aux images positives vues dans les médias. Quoique très active et profitable, sa vie va de pair avec la superstition et deux épisodes bouleversants où son tempérament fut mis à l'épreuve - des défis auxquels il a dû faire face alors que le monde observait.

Le 2 décembre 1995, alors que les Red Wings de Détroit massacraient littéralement le Canadien au Forum, Roy était incapable de quitter la glace. Décision d'entraîneur, pas la sienne. Lorsqu'il a finalement gagné le banc des joueurs après avoir accordé neuf buts, il révéla son plein tempérament et mentionna au Président du Canadien - assis derrière les joueurs - que c'était sa dernière partie à Montréal. Sa décision. Pas celle de personne d'autre. Il a été échangé par Montréal avec Mike Keane au Colorado pour Jocelyn Thibault, Martin Rucinsky et Andrei Kovalenko le 6 décembre 1995.

Pour certains, Roy a tué l'esprit du Canadien. Quelqu'un dans l'organisation de Montréal voulait-il casser le caractère de Roy? Arrêtez la machine à rumeurs, le message qu'il envoya à la Ligue Nationale était clair: si vous ne vous tenez pas debout pour ce en quoi vous croyez, vous allez tomber pour n'importe quoi. Il n'a pas cédé. Quelqu'un d'autre l'a fait.

Le 24 octobre 2000, l'édition du journal The Denver Post au Colorado annonçait que Patrick et sa femme Michèle se disputaient lorsqu'elle a composé le 911, mais a raccroché sans parler. Cela se passait le 22 octobre 2000, cinq jours après que Roy eut atteint 448 victoires, un nouveau record de tous les temps.

Les médias se sont emparés de l'histoire comme il fut rarement permis de voir: ce fut de la spéculation du début à la fin, Raymond Bourque s'est occupé des enfants et le sujet en est devenu un juteux pour les journaux à sensation, les psychologues sportifs et les organismes anti-violence partout en Amérique du Nord. La violence n'est pas une solution. Soit. Mais les événements qui se sont produits dans cette maison concernaient-ils vraiment tout le monde? Patrick et Michèle ne furent pas autorisés de s'en sortir dans l'intimité. Qu'il soit dit dans notre société moderne que la plus grande ignorance est de parler de quelque chose dont on ne connaît absolument rien. Passons des bouleversements aux véritables faits concernant Roy: ses superstitions.

Roy est probablement l'un des athlètes les plus superstitieux, tous sports confondus. Il ne fait pas seulement suivre certains rituels, il respire avec eux. Coulant dans ses veines, ils deviennent l'explication pour sa conduite tumultueuse sur la glace, dans les soirées ou dans la vie:

- Il ne patine pas sur les lignes bleues et la rouge;

- Il écrit le nom de ses trois enfants sur son bâton à chaque partie;

- Il garde les rondelles de ses blanchissages dans son vestiaire jusqu'à la fin de la saison;

- Avant chaque partie, il étend méticuleusement chaque pièce d'équipement sur le plancher du vestiaire et s'habille toujours dans le même ordre;

- Entre les périodes, il jongle avec une rondelle et la fait rebondir sur le plancher. Puis, il la dépose dans un endroit spécial afin que personne ne la trouve et disparaisse;

- Il fut connu comme un interlocuteur à ses poteaux durant une partie, spécialement s'ils font un arrêt pour lui;

- Pour l'hymne national, il patine de la zone de but jusqu'à la ligne bleue; il se retourne vers son filet. Il patine vers lui à toute vitesse, tournant à la dernière seconde. Patrick déclare : " Quand je fais cela, le filet me semble plus petit. C'est de la pure superstition.".

Voici d'autres faits au sujet de Roy::

- La même journée qu'il fut échangé au Colorado, une aile d'un hôpital pour enfants de Montréal fut nommée en l'honneur de Patrick;

- Il contribue toujours au Manoir Ronald McDonald;

- Il est co-propriétaire des Remparts de Québec de la Ligue Junior Majeure du Québec;

- Il lance des rondelles aux enfants enthousiastes dans les premières estrades alors que David Aebischer garde le filet de l'Avalanche;

- Il est un grand collectionneur de cartes de hockey (approximativement 85,000), incluant une collection de cartes datant de 1911.

Oubliez les accusations, les blâmes, les malentendus, l'injustice, les disputes conjugales; la façon dont Roy est jugé en tant qu'individu - et en tant qu'athlète - est le choix de chacun et chacune. Son visage d'enfant partiellement cachée derrière un masque démontre bien l'affirmation suivante, qui pourrait facilement être déclarée par lui-même: en tant que joueur de la Ligue Nationale, peu importe ce que vous pensez de moi, peu importe la renommée et la gloire que je me plais à vivre, peu importe ce qui arrive dans ma vie, laissez-moi être ce que je suis.

L'homme est toujours plus que ce qu'il connaît de lui-même: conséquemment, ses réalisations, ses accomplissements, maintes fois, seront une surprise pour lui.
Golo Mann

Références : www.faceoff.com, www.coloradoavalanche.com, www.mcq.com, www.nhl.com, www.nhlpa.com
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Josie Lemieux est columnist pour le site de sport américain Sport Central. www.sports-central.org