QUÉBEC - S'il est adopté, le projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec cautionnera les apparences de collusion entre le maire Régis Labeaume et le pdg de Quebecor Pierre Karl Péladeau, a déclaré vendredi un citoyen qui tente de faire annuler une entente sur la gestion de l'édifice.

Denis De Belleval a saisi au bond les plus récentes révélations contenues dans un rapport de l'Unité anticollusion (UAC) pour souligner que des éléments aussi troublants sont présents dans le cas du contrat conclu par la Ville de Québec avec Quebecor.

« L'Assemblée nationale va encore une fois absoudre un maire qui est soupçonné d'avoir ni plus ni moins trafiqué le système de soumissions publiques dans un des contrats les plus importants, qui fait copain-copain avec son locataire, qui a toutes les apparences de collusion dans tout ce dossier, a-t-il dit. Et puis l'Assemblée nationale, au moment où on discute de toutes ces choses, va donner son blanc-seing. Je pense qu'il est temps que les parlementaires réfléchissent à ce qu'ils sont en train de faire. »

Un rapport de l'UAC, dirigée par Jacques Duchesneau, a causé une commotion en affirmant qu'un vaste système de collusion est à l'oeuvre dans l'octroi de contrats du ministère des Transports.

Après avoir réussi à convaincre la Cour supérieure dans une étape vers l'audition de son recours en nullité, au palais de justice de Québec, M. De Belleval a soutenu que M. Labeaume, qui a personnellement négocié les derniers détails de l'entente avec M. Péladeau, avait pris des vacances avec l'homme d'affaires plus tôt cette année.

La Ville a jusqu'ici été incapable de fournir des documents sur le processus utilisé pour octroyer le contrat sans recourir à l'appel de soumissions pourtant prescrit par la loi, a aussi rappelé M. De Belleval lors d'un point de presse.

« Les apparences sont là, ils vont passer leurs vacances ensemble, a dit M. De Belleval. (...) À mon avis, il y a toutes les apparences de collusion là-dedans. S'il n'y avait pas d'apparence de collusion, le maire serait transparent. Il déposerait le cahier de charges utilisé pour obtenir des soumissions. »

La Ville de Québec a échoué vendredi dans sa tentative pour obtenir un délai avant de dévoiler, devant la Cour supérieure, les documents exposant les arguments juridiques qui lui ont permis de procéder sans appel d'offres avec Quebecor.

L'avocat Serge Giasson a été incapable de convaincre le juge Yves Alain d'attendre l'adoption du projet de loi 204, qui doit légaliser cette entente.

Le magistrat a affirmé que le pouvoir judiciaire ne pouvait être soumis au pouvoir législatif de l'Assemblée nationale et il a ordonné à la Ville de Québec de respecter l'échéancier initial, à quelques jours près.

« Ça n'a pas de sens, a-t-il dit. Je suis ici pour faire respecter les règles qui régissent les débats. On ne peut pas être dans l'attente de ce qui se passe à l'Assemblée nationale. »

La municipalité devra donc soumettre ses documents le 20 septembre, soit le jour même de la rentrée parlementaire à l'Assemblée nationale.

Satisfait de la décision, M. De Belleval a affirmé que les députés, qui doivent être appelés à voter sur le projet de loi 204 cet automne, disposeront ainsi d'informations supplémentaires de la part de l'administration municipale.

« Pour essayer d'étayer leur cause, il va bien falloir qu'ils déposent quelque chose, a-t-il dit. S'ils n'ont rien, on va bien voir que le pseudo-processus de mise en concurrence n'est rien d'autre qu'une mystification et, effectivement, c'est ce qu'on appelle actuellement les apparences de collusion. »

Le projet de loi 204 doit proclamer la légalité du processus utilisé par M. Labeaume en le décrivant comme une « mise en concurrence ».

La pièce législative a causé d'importants remous en juin dernier, notamment au Parti québécois où la chef Pauline Marois avait imposé à ses députés de voter en faveur, ce qui a provoqué une vague de démissions.

Mme Marois a depuis autorisé ses députés à voter librement lorsque le projet de loi leur sera soumis.

Des juristes du ministère des Affaires municipales ont déjà exprimé l'avis qu'un appel d'offres aurait été nécessaire pour l'octroi du contrat de gestion de l'amphithéâtre.

En juin, le premier ministre Jean Charest a affirmé que son caucus n'était pas divisé sur cette question et il a promis d'appeler le projet de loi 204 au vote après la rentrée du 20 septembre prochain.

M. Charest a engagé son gouvernement à hauteur de 50 pour cent - jusqu'à un maximum de 200 millions $ - dans la construction de l'édifice, dont le coût est estimé de manière préliminaire à 400 millions $.