LAVAL, Qc – Jean-François Houle avait fait froncer quelques sourcils en affirmant, avant le début des séries éliminatoires de la Ligue américaine, qu’il entendait désormais prioriser les résultats de son groupe plutôt que la progression des jeunes espoirs sous sa gouverne.

« On a eu 72 matchs pour développer. Là, c’est rendu très important de gagner », avait dit l’entraîneurs avant le départ de son équipe pour Syracuse.

Quelques jours après l’élimination du Rocket en finale de l’Association Est, on peut conclure que l’entraîneur-chef de l’équipe réserve du Canadien a assez bien joué ses cartes pour finalement arriver à marier les deux mandats.

Après avoir fait du vétéran Kevin Poulin son gardien de confiance pour le début de l’aventure, Houle s’est rapidement ravisé et a confié le filet à Cayden Primeau. La controverse naissante a vite été étouffée par les performances du jeune cerbère, qui n’a jamais donné à son entraîneur l’option de revenir en arrière. Primeau a été le principal artisan du printemps magique du Rocket, effaçant tous les doutes qui subsistaient à son endroit depuis un passage catastrophique dans la Ligue nationale.

À l’attaque, Houle a démontré une confiance inébranlable en Rafaël Harvey-Pinard même si ce dernier a attendu son dixième match avant de marquer un premier but. Dans son bagage, l’ailier de 23 ans pourra ranger cette tranche d’adversité juste à côté des succès qui ont fini par suivre. Jesse Ylönen, malgré des performances inégales, a lui aussi profité de la loyauté de l’entraîneur pour faire ses classes.

En favorisant la plupart du temps une formation à sept défenseurs, Houle aura permis aux prometteurs Mattias Norlinder et Gianni Fairbrother de placer de la précieuse expérience en banque. Le premier a participé à cinq rencontres avant d’être sonné par une mise en échec à la tête en deuxième ronde. Le deuxième, qu’une blessure avait tenu à l’écart depuis le mois de mars, est arrivé dans le portrait au troisième tour et a fait belle impression.

Il s’en trouvera pour déplorer la réticence de Houle à lancer Joshua Roy dans la mêlée. Le prolifique choix de cinquième ronde n’a disputé qu’une rencontre après être arrivé en essai du Phoenix de Sherbrooke. Les plus intransigeants pleureront aussi l’invisibilité de Riley Kidney, resté caché avec les réservistes après une belle saison chez le Titan d’Acadie-Bathurst. Mais au final, le rendement du Rocket a rendu toutes les décisions de son entraîneur facilement défendables.

« Je crois que ça a bien fonctionné, a résumé Houle lors du bilan de fin de saison de son équipe. Je crois que gagner, c’est aussi développer. Vivre dans un environnement gagnant, ça peut aider les joueurs à bien se développer. Nos jeunes joueurs ont pu avoir une expérience qui est difficile à acheter. Ce n’est pas facile, se rendre loin dans les séries. Pour eux, c’est quelque chose qui va les suivre pendant très longtemps. »  

Place aux jeunes

Le Rocket, qui ne comptait que six joueurs de moins de 25 ans dans sa formation lorsque sa saison a pris fin à Springfield, devrait montrer un visage significativement plus jeune l’an prochain.

À l’attaque, le choix de deuxième ronde en 2020 Jan Mysak sera mûr pour un passage permanant chez les pros. Xavier Simoneau sera prêt à batailler pour des minutes de jeu à Laval. On pourrait aussi voir Emil Heineman, un espoir de 20 ans obtenu des Flames de Calgary dans la transaction impliquant Tyler Toffoli.

Mais c’est la brigade défensive qui subira la plus grosse transfusion de sang neuf. Kaiden Guhle et Arber Zhekaj concluront bientôt leur carrière junior au tournoi de la coupe Memorial. Jordan Harris se prépare pour sa première saison complète au niveau professionnel et Justin Barron pour son premier camp d’entraînement dans l’organisation du Canadien. Sans oublier Norlinder, jadis le chouchou de ce groupe, et Fairbrother, un ancien choix de troisième ronde qui connaît des débuts prometteurs dans la Ligue américaine.

Certains commenceront assurément l’année dans la Ligue nationale. Les autres tomberont sous la juridiction de Houle, qui devra trouver une façon de les mettre dans le bain sans créer trop d’éclaboussures. C’est un équilibre qui peut être difficile à atteindre, mais l’entraîneur du Rocket a l’habitude de gérer ce genre de dossier. Pendant ses six saisons dans un rôle d’adjoint avec les Condors de Bakersfield, le club-école des Oilers d’Edmonton a développé des espoirs comme Ethan Bear, Caleb Jones, William Lagesson et Evan Bouchard.

« Si tu as quatre jeunes défenseurs et trois vétérans qui peuvent les supporter, que tu peux tout le temps mettre un jeune avec un vétéran pour éviter qu’il y ait trop d’erreurs sur la patinoire, je pense que c’est le meilleur scénario, propose Houle. Tu ne veux pas juste avoir une équipe de jeunes avec qui tu perds 6-0, 6-1 à tous les matchs. Ça devient trop pesant mentalement pour le jeune et il n’accomplit rien. »

Reste maintenant à voir qui seront ces vétérans qui accepteront de mettre leur expérience au profit de la relève. Xavier Ouellet, qui vient de compléter sa quatrième saison dans la famille du Tricolore, ne s’est pas compromis au sujet d’un éventuel retour, se contentant de dire qu’il allait « regarder les occasions qui allaient se présenter » à lui. On peut penser que Corey Schueneman, qui vient de percer dans la LNH à 26 ans, cherchera une situation qui lui donnera des chances de s’y accrocher. À 25 ans, Tobie Paquette-Bisson n’a pas abandonné l’idée de faire son propre chemin vers la grande ligue.

Louie Belpedio n’a pas fermé la porte à un retour. Torry Dello et Terrance Amorosa sont d’autres mentors potentiels que le Canadien pourrait identifier à l’interne.

« Je pense qu’on les a ici dans la chambre, a répondu Houle quand on lui a demandé ses impressions sur la question après ses rencontres de fin de saison avec ses joueurs. Je pense qu’on a le noyau de vétérans qu’à mon avis on devrait ramener, parce qu’ils ont établi une culture gagnante cette année. Pour qu’on puisse avoir une continuité aussi. On espère pouvoir en ramener quelques-uns. »