MONTRÉAL – Joël Bouchard n’a pas été trop déboussolé par la décision des dirigeants de la Ligue américaine de repousser de deux mois la date prévue pour son début de saison. Grand optimiste, l’entraîneur-chef du Rocket de Laval garde le cap, même si l’itinéraire est aujourd’hui plus flou que jamais.

« Dans n’importe quel secteur d’activités, notre confiance est éprouvée, nos croyances sont un peu ébranlées depuis quelques mois, a constaté Bouchard lors d’une visioconférence avec les médias montréalais vendredi. J’ai toujours été un gars positif et je vais le rester. On va jouer au hockey. Nos jeunes du hockey mineur vont retourner sur la glace. C’est évident qu’en ce moment, on est sur un chemin de gravel. Mais c’est pareil pour tout le monde. »

La Ligue américaine opérait depuis un certain temps selon la prémisse qu’elle lancerait le calendrier de sa saison 2020-2021 le 4 décembre. Jeudi, le commissaire Scott Howson annonçait que le 5 février était désormais la nouvelle date ciblée pour la relance des activités.

« Pour moi, ça ne change rien, a dit Bouchard. Peut-être que d’autres entraîneurs te diraient que ça leur fait du bien. Moi je suis prêt demain, honnêtement. Si ça commençait demain, je serais prêt. On a fait beaucoup de travail dans les derniers mois. Avoir une date, c’est sûr que ça établit un certain plan. Mais même si on n’avait pas de date, pour moi ça ne change absolument rien. Mon travail est encore le même, c’est-à-dire être prêt quand on va avoir un go. »

Même si elle finit par respecter son nouvel échéancier, la Ligue américaine devra sans doute apporter des modifications substantielles à sa structure habituelle afin de renvoyer ses joueurs sur la glace. Un horaire abrégé et des limitations dans les déplacements font partie des réalités auxquelles devront possiblement se plier les 31 équipes du circuit.

« Je m’attends à des calendriers ajustés à la réalité du moment. Parce que c’est ça qui va arriver pour vrai, réalise Bouchard. Tout le monde a un beau tableau devant lui, que ça soit la Ligue nationale ou toute entreprise, des familles même. Voici notre objectif, voici ce qu’on aimerait faire comme trajet dans les six, sept, huit prochains mois. Mais entre toi et moi, est-ce qu’on le sait vraiment? On n’a pas de boule de cristal. »

L’option de rassembler les équipes canadiennes dans une même division en 2021 semble faire de plus en plus de chemin dans les cercles de la LNH. Il est logique de penser qu’une variante de cette idée fera partie des discussions entourant le déploiement des clubs-écoles.

Le contexte est toutefois différent. La Ligue américaine ne compte que quatre formations canadiennes, dont trois dans le Bouclier canadien. Ces équipes s’affrontent déjà souvent dans un contexte normal. L’an dernier, le Rocket avait douze matchs à l’horaire contre les Senators de Belleville et huit contre les Marlies de Toronto. C’est assez pour développer des allergies.

Mais considérez Joël Bouchard immunisé.

« Si tu me dis qu’il va falloir qu’on joue contre Belleville pis Toronto plus souvent, je ne verrai rien de négatif là-dedans. Ça va être une super bonne nouvelle dans le sens où on sera capable de mettre nos joueurs sur la glace », explique celui qui se prépare pour sa troisième saison à la barre du Rocket.

« Pour moi, chaque pratique, chaque match est une opportunité de développer un joueur. Ça, c’est très payant pour moi. Tu aurais beau me dire que je peux juste jouer contre Belleville. Donne-moi une glace, donne-moi des joueurs, donne-moi des adversaires, mon travail, c’est de les développer. Si j’étais entraîneur dans une autre ligue ailleurs dans le monde, un autre calibre, ça serait peut-être différent. Mais mon mandat je le comprends, il me passionne, je l’aime. Que ça soit [le même adversaire] pendant 42 matchs, on va trouver une façon de donner du millage à nos jeunes joueurs qui s’en viennent. »

« Les gars ont hâte »

On peut présumer que tous n’ont pas géré l’annonce du report du début de la saison avec la même jovialité que Bouchard, qui donne franchement l’impression d’être blindé contre les mauvaises nouvelles. Pour chaque joueur qui a pu se trouver une solution temporaire en Europe ou qui continue de pousser de la fonte comme si sa vie en dépendait, il y en a un qui risque de se laisser dériver dans un océan de découragement.

« Tout le monde le vit différemment, mais ce que je sens, évidemment, c’est que les gars ont hâte. Les gars sont tannés. Quand tu as été un joueur de hockey toute ta vie, tu as une routine, tu as des attentes envers toi-même, il y a une organisation qui a des attentes de performance envers toi et là, tu es un peu dans un terrain inconnu. Les gars réalisent qu’on vit quelque chose à quoi personne n’était préparé. La réalité, c’est que chacun le gère différemment, mais à travers leur entraînement au moins ils sont capables de trouver une certaine routine. »

Une partie du travail de l’entraîneur est de garder ses hommes sur le qui-vive, de s’assurer que tout le monde garde en tête les conséquences potentielles d’un laisser-aller. Bouchard prend des notes sur chacun de ses protégés et se fait un devoir d’envoyer un message texte ou de faire un petit appel quand il sent qu’il est important de le faire.

« Chaque fois que j’ai vécu un lockout, des pauses de travail, des blessures, ceux qui étaient très professionnels, qui avaient le couteau entre les dents, qui étaient passionnés, qui faisaient les efforts d’extra sont toujours revenus plus fort. Ceux qui se l’ont coulé douce ou qui ont montré un peu moins de sérieux, ça leur a coûté des années de carrière. Ça peut même des fois mener à la fin d’une fin de carrière. »

« Les gars ont hâte... ils sont tannés »