Routine estivale : le « power skating » avec Natalie Olivier
Hockey lundi, 6 août 2018. 17:23 mercredi, 11 déc. 2024. 14:30SAINT-ROCH-DE-L’ACHIGAN – Pour Jérémy Grégoire, les saisons s’envolent, mais les bonnes habitudes restent. Les minutes viennent à peine de retomber à zéro sur le cadran qui surplombe la surface secondaire du Complexe JC Perreault quand l’attaquant des Admirals de Milwaukee s’engage dans le corridor qui y donne accès.
« Jérémy, c’est toujours le premier sur la glace », lance Natalie Olivier, qui lui emboîte le pas non loin derrière.
Grégoire ne patine pas longtemps en solitaire. À peine a-t-il le temps de compléter un tour de patinoire que ses compagnons sortent du vestiaire à la file indienne. Vincent Desharnais, Julien Nantel, James Phelan et Samuel L’Italien ont beau aimer papoter, ils ne sont pas venus pour chômer.
Olivier est leur entraîneur de power skating. L’ancienne patineuse artistique enseigne l’art du déplacement sur lames depuis 18 ans. Son fils Alexandre a été l’un de ses premiers cobayes. Il avait 7 ans quand elle s’est invitée à une pratique pour donner un coup de main. Alexandre a vieilli, certains de ses amis ont fait leur chemin jusqu’au hockey professionnel et de fil en aiguille, sa clientèle s’est diversifiée. Aujourd’hui, des agents la contactent pour savoir si elle voudrait bien prendre leurs clients en charge durant la période estivale.
Nantel est le parfait exemple de la manière dont Natalie Olivier a bâti sa réputation. Il avait 12 ans quand il a assisté à son premier cours. Dix ans plus tard, après deux saisons dans le réseau de filiales de l’Avalanche du Colorado, il demeure l’un de ses élèves les plus fidèles.
« Quand il revenait du junior, il m’appelait et me disait ‘Natalie, j’ai besoin de beat!’ », dit-elle fièrement.
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À 11 h 06, Olivier rassemble ses gars au centre de la patinoire. « Es-tu racké d’hier? » demande-t-elle à L’Italien, le cadet du groupe et récent gagnant de la Coupe Memorial avec le Titan d’Acadie-Bathurst. Après quelques explications, elle aligne son groupe sur une ligne bleue et place tout le monde en position de base afin de survoler les éléments fondamentaux de son enseignement. Au gré des transferts de poids de ses poulains, sans qu’ils n’avancent d’un centimètre, elle apporte les correctifs nécessaires à une foulée optimale.
« Quand les joueurs repartent chacun de leur côté pour l’été, leurs entraîneurs leur disent : ‘Améliore tes départs rapides, améliore ton explosion, améliore ton stretch.’ Mais reste qu’il faut toujours repartir à la base, prêche Olivier. Je ne favorise pas d’exercices spécifiques pour chacun. Je vais carrément replacer tout le monde à la base : position de base, position des bras, angle du corps pour qu’ils comprennent comment utiliser les edges. C’est vraiment A, B, C, D, E... On ne peut pas sauter d’étapes. »
« Ça fait tous un bout qu’on patine, ce n’est pas facile de changer la technique de bout en bout, reconnaît Grégoire, qui se familiarise aux théories d’Olivier depuis seulement deux ans. Mais quand tu te concentres vraiment là-dessus et que tu continues à faire des exercices pendant les pratiques, pendant la saison, ça finit par paraître. »
« C’est sûr que quand tu viens ici, tu ne peux pas arriver et penser que tu connais tout et que ça va être facile, parce que tu n’apprendras rien, affirme Desharnais, un choix de septième ronde des Oilers d’Edmonton qui se prépare pour sa troisième campagne à l’Université Providence. Même si elle te corrige sans arrêt, il faut que tu sois positif, sinon tu vas faire une ou deux séances et tu vas partir. »
Desharnais, un mastodonte de 6 pieds 7 pouces, parle par expérience. Son gabarit représentait déjà un certain handicap quand il a commencé à travailler sur son coup de patin à l’âge de 15 ans.
« Plus ils sont grands, plus ils sont difficiles, remarque Olivier. La première année, j’avais une chirurgie à faire avec Vincent. Les petits cônes que j’utilise (voir vidéo), je lui avais dit : ‘Ça va être le médicament parfait pour toi.’ »
La pédagogue travaille également de concert avec des kinésiologues. Si elle note des épaules relâchées, des abdos « faibles », des pieds tombants ou des hanches un peu trop coincées, elle n’hésitera pas à chercher l’avis d’un professionnel de la santé.
Trois étapes
La méthodologie de Natalie Olivier se décline en trois étapes : technique, puissance et maniement.
Chaque exercice est d’abord exécuté en priorisant la précision du mouvement. « Chez les patineurs de haut niveau, la plus grande carence est souvent au niveau de la foulée avant. La jambe est souvent raccourcie ou le rythme est déficient. Il faut commencer par installer l’inclinaison du corps et le stretch maximal avec des exercices très télégraphiés. »
Une fois toutes les notions de base assimilées, le joueur est invité à répéter en y mettant toute la gomme. « Ce n’est pas évident, mais tellement important, insiste la prof. Il n’y a pas une poussée qui est vacances, il ne faut pas en relâcher une seule. »
Et à partir du moment où Olivier est satisfaite du résultat, elle sort les rondelles. « Si on entraîne un joueur uniquement au niveau du patinage sans lui donner la rondelle, il va retourner chez lui et toutes ses erreurs vont revenir », a-t-elle appris avec les années.
Pour faire passer son message, Olivier dépensera autant, sinon plus, d’énergie que ses apprentis. Elle crie, s’accroupit, se déplace, gesticule. « C’est mercredi aujourd’hui? Tu vois, c’est surprenant que j’aie encore de la voix », confessera-t-elle lors de notre visite.
« Au début, je n’étais pas certain, admet Grégoire en riant. À mes premiers cours, je me faisais tout le temps courir après, j’étais pourri! Je me disais ‘crime, je me fais crier après tout l’hiver, j’arrive ici et ça continue... pas sûr que ça me tente!’ Mais quand tu mets ton égo de côté, c’est correct. Les résultats sont là et c’est tout ce qui compte. »
Pour Grégoire, les progrès sont tangibles. La saison dernière, il a doublé son sommet personnel précédent en amassant 25 points en 63 matchs à sa troisième saison dans la Ligue américaine.
« C’est sûr que c’était quelque chose que j’avais à travailler, mais en même temps, tu n’es jamais assez vite, jamais assez puissant. Pour moi, ça a fait une grosse différence. Je suis plus solide sur mes patins et je suis plus rapide. Ça m’a donné une longueur d’avance pour ma saison. »
« Rien qu’en un été, tu sors d’ici et tu le vois que tu es différent », confirme L’Italien.