MONTRÉAL – Le refrain a longtemps été le même au sujet de Thomas Chabot. Un virtuose en possession de la rondelle avec un gros ménage à faire dans son jeu défensif. Le jeune général des Sénateurs d’Ottawa a fait de gros efforts afin de rétablir l’équilibre entre ces deux facettes de son jeu et à 25 ans, sans dire que le travail est terminé, on peut oser le qualifier de défenseur complet sans craindre de se faire faire un wedgie.  

Selon les données compilées par Natural Stat Trick, son équipe n’a jamais accordé aussi peu de tentatives de tirs et de buts par tranche de 60 minutes avec Chabot sur la patinoire qu’en 2021-2022. Ce n’est pas encore parfait, mais on pourra comparer ses chiffres avec ceux de Charlie McAvoy ou Aaron Ekblad quand les Sens seront équipés comme le sont les Bruins ou les Panthers.

« C’est la première fois qu’il joue régulièrement contre les meilleurs trios adverses et qu’il parvient à les neutraliser », remarquait son entraîneur D.J. Smith dans les pages de The Athletic en décembre.

Maintenant que ce palier a été franchi, peut-on s’attendre de Chabot à ce qu’il retrouve sa superbe en attaque, un aspect de son jeu qui lui a valu d’être repêché en première ronde en 2015, mais qu’il a nécessairement dû sacrifier dans sa quête de polyvalence? Le Beauceron, faut-il le rappeler, a amassé 55 points en 70 matchs à sa deuxième saison complète dans la Ligue nationale il y a trois ans.

Parmi l’élite des jeunes quarts-arrières de la LNH, Cale Makar restera peut-être toujours dans une classe à part, mais il n’y a aucune raison pour que le nom de Chabot ne se retrouve pas éventuellement dans la même discussion qu’Adam Fox, Quinn Hughes et compagnie.

« 100% sûr », répond Chabot lorsqu’on lui demande si c’est son souhait d’être associé à ces productifs confrères dans un avenir proche.

« Tu sais, c’est toujours un peu difficile à gérer. Quand tu regardes les tops du top, il y en a beaucoup qui font des points pour des équipes qui gagnent et qui vont en séries. Il y a toujours une différence quand une équipe connaît beaucoup de succès et où tout le monde produit de plus en plus. Mais oui, c’est certain que je veux me rendre là. Je veux être là assez vite, je veux que mon nom soit dans ces conversations-là. »

Chabot a traversé une sécheresse historique la saison dernière, patientant 27 matchs avant d’inscrire son premier but. Mais les choses ont débloqué pour de bon en décembre et il semblait jouer avec une belle liberté lorsqu’il s’est fracturé une main en mars. Il est parvenu à revenir au jeu à temps pour disputer les quatre derniers matchs du calendrier, qu’il a clôturé avec une performance de trois points contre les Flyers de Philadelphie. Sa fiche finale : 38 points en seulement 59 parties.

« C’est ça qui m’a le plus frustré, ou qui m’a fait chier en bon québécois, réagit-il candidement. Au moment où c’est arrivé, ça allait très bien dans les deux sens et je produisais offensivement aussi. C’est un peu une blessure qui est arrivée au mauvais moment. Mais quand je regarde le progrès que j’ai fait, ça montre que je suis prêt personnellement à prendre le virage. Je ne ferai peut-être pas autant de points que je le souhaite à chaque année, mais je veux jouer une game complète qui va nous faire gagner des matchs. »

Un message à Pierre Dorion

On revient à un point qui n’a jusqu’ici été que survolé, celui concernant la qualité de l’entourage de Chabot et son lien direct avec sa production. Cette fameuse saison de 55 points, le Québécois l’a en partie passée à patrouiller un jeu de puissance animé par Mark Stone et Matt Duchene. Les départs de ces deux vétérans, comme ceux d’Anthony Duclair et Ryan Dzingel, avaient marqué le début d’une reconstruction qui a inévitablement affecté son rendement.

Chabot a passé les années suivantes à porter sur son dos une équipe composée de futures vedettes sans expérience et de vétérans qui n’avaient pratiquement que ça. Les Sens ont terminé au dernier rang du classement général en 2019 et 30e sur 31 équipes l’année suivante. Un soubresaut à la fin du calendrier charcuté de 2021 a gonflé les attentes, mais tout ça a été suivi d’un triste retour à la réalité cette année.   

« Les séries, ça peut être réaliste l’an prochain »

L’année 2023 sera-t-elle celle qui verra les Sénateurs se réconcilier avec la respectabilité? Le noyau de l’équipe a certainement atteint une belle maturité et le déclin prévisible d’équipes qui apparaissent au bout de leur chemin, comme les Penguins et les Capitals, pourraient leur ouvrir une porte dans l’Association Est.

Mais Chabot, dans un message à peine voilé pour son directeur général Pierre Dorion, croit qu’il manque encore quelques ingrédients pour y arriver.

« Tout le monde a maintenant au moins deux ou trois ans d’expérience en-dessous de sa ceinture, on voit qu’à chaque année on s’améliore. Mais quand tu regardes ailleurs dans la LNH, en séries, oui les meilleurs joueurs de l’équipe produisent, mais les meilleures équipes ont des joueurs de profondeur qui produisent aussi. Je pense que si on ajoute ça à notre équipe, [faire les séries] peut être quelque chose de plus réaliste que ça l’était au début de la saison l’année passée. »

Chabot est présentement en Finlande où il représente pour la troisième fois de sa carrière le Canada au Championnat du monde. Il a l’honneur d’être le capitaine de l’équipe, un choix logique quand on considère sa familiarité avec le programme canadien. La nomination lui a fait un velours, mais il ne veut pas qu’elle devienne une tradition.

« Ça va être ma sixième année dans la Ligue nationale l’année prochaine et ça fait cinq ans que je ne passe pas proche de faire les séries. [...] C’est le fun de venir ici, c’est une belle expérience et tout. Mais en même temps, tu ne veux pas faire ça 15 fois dans ta carrière non plus. »