Le Canada venait de connaître une débandade magistrale lors du tournoi de hockey sur glace des Jeux olympiques de Turin.

La plupart des vétérans ne participant pas aux séries éliminatoires de la LNH avaient refusé l'invitation du programme national afin de représenter leur pays aux Championnats du monde de la Fédération internationale de Hockey qui se tenait à Riga, en Lettonie. Hockey Canada s'est donc tourné vers la jeunesse, vers l'avenir. C'est dans ces circonstances que j'ai fait la connaissance de Sidney Crosby.

Si les Mondiaux sont peu suivis en Amérique, c'est très différent de l'autre côté de l'Atlantique. On peut être porté à croire que tout est toujours beau pour notre pays, mais en avril 2006, il en était tout autrement pour les dirigeants de l'équipe. Avec à peine une douzaine de joueurs de la LNH, dont plusieurs en début de carrière, nous nous sommes même inclinés en match préparatoire face au Bélarus. Je ne veux pas ici dévoiler le journal quotidien de ce tournoi, mais plutôt mettre en contexte l'impact d'un joueur de sa trempe, et ce, même à 18ans.

Notre camp d'entraînement se tenait à Minsk, château fort de la dernière dictature d'Europe. Dans un État aussi contrôlé, Sid jouissait de la protection des services secrets du Président!!! Malgré toute cette attention particulière, rien ne le dérangeait. Surtout, rien ne pouvait l'empêcher de rester concentré sur la tâche à accomplir. À chaque fois que j'ai enfilé l'uniforme de mon pays, nous n'avions qu'une chose en tête : l'Or. Toutefois, il était évident que la mission serait ardue. Les Finlandais alignaient une douzaine de joueurs médaillés d'argent à Turin; les Suédois médaillés d'Or aux JO comptaient sur neuf de ses champions, dont ceux des Red Wings, et les Tchèques, toujours performants aux Mondiaux, étaient solides.

Dès les premiers entraînements, il était clair que Crosby était spécial. Travailleur acharné, il n'hésitait pas à mettre les bouchées doubles pour réussir. Sid adore tout apprendre sur les gardiens afin de mieux les déjouer, même à un jeune âge, il abattait beaucoup de travail supplémentaire en ma compagnie ou avec Alex Auld, mon adjoint en 2006. Je n'ai pas fait le saut lorsque Pascal Dupuis a mentionné après le premier match du retour de Crosby qu'il avait été le meilleur joueur à l'entraînement lors des deux semaines menant au match contre les Islanders, pour Sid ce n'est que la norme.

Au bout du compte, nous serons parvenus à passer bien près de causer toute une surprise. Avec un premier trio composé de Crosby, Patrice Bergeron et Brad Boyes, et menés pas des leaders comme Brendan Shanahan (de huit ans l'aîné de l'équipe) et Stéphane Robidas; nous nous sommes inclinés par un petit but en demi-finale contre la Suède qui allait remporter facilement l'Or le lendemain en finale.

J'ai affronté Gretzky et Lemieux alors qu'ils n'étaient qu'en fin de carrière. S'ils ont tous deux marqué par leurs exploits ma jeunesse, force est d'admettre que j'aurai côtoyé, l'espace d'un mois, un des grands de mon sport. De par son attitude déterminée, son travail acharné, ses valeurs et son pouvoir de rendre tout le monde autour de lui meilleur, il a semé en Lettonie en mai 2006 les premières semences d'une grande, voire très grande carrière.

Et en passant, l'adolescent de Cole Harbor a terminé la compétition au sommet des marqueurs avec huit buts et autant de mentions d'aide en neuf rencontres