Simon Tassy, le Québécois qui domine la BCHL
Hockey jeudi, 24 mars 2022. 07:00 jeudi, 12 déc. 2024. 20:36MONTRÉAL – L’information est parvenue aux oreilles de Simon Tassy le 26 février dernier, tout juste avant le match contre les Spruce Kings de Prince George. Son prochain but, l’avisait alors un coéquipier, ferait de lui le meilleur buteur de l’histoire des Silverbacks de Salmon Arm.
Les Silver-quoi, direz-vous? Les Silverbacks sont un club évoluant dans la BCHL depuis 2001.
La BCHL? C’est l’abréviation de la British Columbia Hockey League, considérée depuis longtemps comme étant la meilleure ligue junior A au Canada.
Et Tassy? Un attaquant de 21 ans originaire de Mirabel qui, il n’y a pas si longtemps, avait pris une option sur un deuxième titre de meilleur buteur de la BCHL, et un premier de champion pointeur. C’est essentiellement ce que vous apprendra sa page Elite Prospects.
Voici ce qu’elle ne dit pas.
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Automne 2017, Tassy est de retour au Collège Saint-Sacrement, une école secondaire privée de Terrebonne qu’il a fréquentée en secondaire 1 et 2 avant d’intégrer la structure des Sélects du Nord, dans le hockey civil. L’adolescent n’a fait que passer au camp de sélection Midget AAA des Vikings de Saint-Eustache, et pas question pour lui de jouer une deuxième saison dans le Midget Espoir.
« Je pensais qu’il n’y avait plus grand-chose qui allait arriver dans ma carrière de hockey. Je retournais jouer scolaire et je ne voyais pas où ma carrière allait me mener », s’est remémoré Tassy, lors d’un récent entretien avec le RDS.ca.
« Il arrivait ici un peu sur les freins, en se disant "Ouin, j’ai manqué ma chance", a confirmé son entraîneur-chef de l’époque, Maxime Charlebois, qui dirige toujours l’Express du Collège Saint-Sacrement. Au départ, il pensait peut-être qu’il s’en venait ici pour finir son secondaire avec ses amis de secondaire 1 et 2, jouer du bon hockey, mais sans plus. »
Rapidement, Tassy s’impose comme « le gros joueur de l’équipe », note Charlebois. Il conclut la saison dans le top-10 des meilleurs pointeurs de la ligue juvénile division 1, son équipe remporte un tournoi, et plus important encore, il reprend plaisir à jouer.
« Finalement, ç’a été la meilleure affaire qui aurait pu m’arriver. J’ai tellement eu de fun. [...] Ç’a vraiment été un point tournant dans ma carrière. »
« On lui a comme redonné confiance et redonné le goût de jouer au hockey, confirme Charlebois. Il est sorti de sa coquille, ç’a été l’éclosion. Il s’est rendu compte du potentiel qu’il avait. C’est de là que ç’a parti son affaire. »
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Loin d’apparaître sur les radars de la LHJMQ, Tassy s’enrôle d’abord à la Newbridge Academy, une école préparatoire (prep school) de la Nouvelle-Écosse, pour la saison 2018-2019. « Je n’avais pas vraiment d’attentes. J’étais plus là parce que j’avais du fun avec mes amis. »
N’empêche, au terme de la campagne, le marqueur naturel tombe dans l’oeil d’un éclaireur des Silverbacks défrichant l’est du pays. Il est invité à poursuivre son développement à Salmon Arm et, pourquoi pas, faire de la BCHL sa rampe de lancement vers les rangs universitaires américains. C’est le chemin qu’avaient emprunté avant lui d’anciens Silverbacks comme Travis Zajac, Josh Manson et le Québécois Joaquim Lemay, un espoir des Capitals de Washington qui vous a été présenté l'été dernier par le collègue Éric Leblanc.
Élève doué, Tassy se met à rêver aux campus de la réputée Ivy League lorsqu’il pose sa poche de hockey en Colombie-Britannique. Harvard, Yale, Princeton, Brown, Cornell... « Au début, quand je suis arrivé pour ma première année à 18 ans, je ne pensais juste qu’à aller dans la Ivy League, je ne pensais juste qu’à l’école. »
La transition au niveau supérieur est toutefois ardue. Le jeune hockeyeur est parfois écarté de la formation et ce n’est qu’à la mi-saison qu’il se sent finalement à son aise. Il complète cette première campagne avec une modeste récolte de 10 buts et 7 passes en 51 rencontres.
« Quand il est arrivé chez nous à 18 ans, il n’y avait pas vraiment d’écoles qui avaient de l’intérêt pour lui », révèle le directeur général des Silverbacks, Brooks Christensen.
C’est sur le point de changer. Tassy amorce le calendrier régulier 2019-2020 en force avec 12 buts et 21 points lors des 15 premières rencontres, avant d’être freiné sec dans son élan par la COVID-19, qui force la BCHL à se mettre à l’arrêt.
« J’avais quand même bien joué, mais ce n’était pas mon meilleur hockey. J’avais reçu quelques offres et on me montrait de l’intérêt, mais pour la plupart des écoles qui avaient parlé à mon conseiller, l’affaire qui était ressortie, c’est qu’elles voulaient voir plus de choses offensives de ma part. C’est quand même assez drôle parce que ç’a toujours été ma force », s’interroge encore Tassy.
La BCHL relance finalement ses activités en avril, sous forme de bulles régionales. Dans chacune de celles-ci, trois à quatre équipes sont regroupées dans une seule localité et jouent 20 matchs en six semaines. Confronté uniquement aux Vipers de Vernon et aux Warriors de West Kelowna, Tassy explose.
En 20 rencontres, il enfile 18 buts et amasse 27 points. Aucun autre joueur du circuit n’en marque plus que lui et il est élu joueur par excellence du « Vernon Pod », la bulle dans laquelle il fait des dommages. Il est dominant.
« Là, j’ai réalisé que je pourrais potentiellement avoir un avenir dans le hockey professionnel. »
La NCAA le réalise aussi et les offres se mettent à affluer, si bien que Tassy revoit ses priorités. « Je me suis dit que ce serait probablement la meilleure chose pour moi d’aller dans un meilleur programme de hockey, parce que la raison no 1 pour laquelle je joue au hockey, c’est pour essayer de jouer professionnel. Je veux me donner les meilleures chances. »
Plutôt que la Ivy League, le Québécois se laisse donc finalement tenter par la visibilité que lui offrent les Mavericks de l’Université Minnesota State, un programme qui a vu passer David Backes et Tyler Pitlick, notamment, et atteint le Frozen Four en 2021 avant de se hisser cette année au 1er rang des classements nationaux compilés par USCHO et USA Today.
« Ce sont eux qui m’ont montré le plus d’intérêt. J’avais commencé à leur parler au début de l’année et même quand on ne jouait pas [en raison de la COVID], je leur parlais peut-être aux deux semaines. C’est avec eux que j’avais le meilleur feeling, je trouvais que c’était un bon fit. »
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Bourse d’études en poche, Tassy aborde sa dernière saison dans la BCHL avec une interrogation. Remplira-t-il tout autant les filets adverses, et pas juste ceux des Vipers et des Warriors?
Réponse courte : oui.
À ses 10 premiers matchs de la saison 2021-2022, Tassy marque au moins un but à 8 reprises et en enfile 11 au total, s’installant rapidement au sommet du classement des meilleurs buteurs et pointeurs du circuit. Il y demeurera pendant la majeure partie de l’année, jusqu’à ce que Matthew Wood, un attaquant des Grizzlies de Victoria que The Athletic répertorie dans son top-10 des meilleurs espoirs du repêchage 2023 de la LNH, ne le déloge avec un week-end de 7 buts et 8 points à la mi-février.
« Il est quelque chose de spécial, ne peut que reconnaître Tassy. C’est quand même assez incroyable ce qu’il fait. »
Avec un seul match à jouer samedi avant la fin du calendrier, Tassy ne récupérera sans doute pas son trône. Fort de ses 85 points et 45 buts, Wood semble indélogeable, et ce pour quiconque. Tassy, qui est devenu le meilleur buteur de l’histoire des Silverbacks (66) quelques heures à peine après avoir été mis au parfum par son coéquipier, occupe dans l’ordre les deuxième et troisième rangs de la ligue pour les buts (38) et les points (78).
« Il a penché la tête et il n’a jamais rien demandé parce que rien ne lui était dû. Il a juste travaillé dur pour obtenir ce qu’il reçoit. Ça montre son caractère », observe Christensen, dont l’équipe, deuxième au classement général, vise le premier titre de son histoire.
« Quand il est sur la glace, tout peut arriver. Il joue sur notre désavantage numérique, sur notre jeu de puissance et sur notre meilleur trio. C’est un joueur complet et je pense qu’il sera un très bon joueur dans la NCAA. Il jouera dans les rangs professionnels, assurément. »
C’est du moins son ambition. La LNH, la Ligue américaine ou encore l’Europe. « Quand j’étais plus jeune, ça semblait vraiment plus gros que ça paraît l’être maintenant. »